À l’Assemblée nationale, le rythme de travail des députés en question

Photo de l’Assemblée nationale renouvellée, le 28 juin 2022.
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP Photo de l’Assemblée nationale renouvellée, le 28 juin 2022.

POLITIQUE - « Il faut être sur tous les ballons. » Sans majorité absolue, la nouvelle Assemblée nationale demande une présence de tous les instants aux députés, qui accusent le coup. Une réunion sur l’organisation des travaux a lieu ce mardi 29 novembre.

Le coup de fatigue lors du marathon budgétaire de l’automne est un classique de la vie parlementaire. De la présentation du budget en septembre à son vote avant Noël, la période a toujours été exigeante. Mais l’absence de majorité absolue complique la donne. Les scrutins, plus serrés, obligent les élus à une présence accrue. Et les députés doivent arbitrer en permanence entre hémicycle, commission ou circonscription.

« Tous les groupes sont fatigués », confie au HuffPost un député, pourtant pas nouveau dans l’hémicycle. Selon certaines sources parlementaires, la médecin de l’Assemblée aurait elle-même tiré la sonnette d’alarme.

« Quand on est député, on n’a pas le droit de se plaindre, ce n’est pas du tout le sujet », mais « la question, c’est comment on travaille différemment maintenant que le Parlement a repris une place centrale », souligne l’insoumis Alexis Corbière. « Chaque séance est devenue importante, avec beaucoup d’intensité. Il faut être sur tous les ballons. Ça doit avoir des conséquences pour une réorganisation » des travaux, insiste-t-il.

Un travail « plus dense » qu’en 2017

Dans la nouvelle Assemblée, les séances nocturnes ne sont pas plus nombreuses que lors de la législature précédente, mais l’obligation pour les députés d’être davantage présents génère des crispations. Par exemple lorsque les séances s’achèvent à 3h15 du matin, comme dans la nuit du 8 au 9 novembre, pour l’adoption d’un budget rectificatif 2022 et ses rallonges contre l’inflation.

« Le travail est plus dense qu’en 2017 », confirme un parlementaire déjà présent lors de la législature précédente. Véronique Louwagie, députée LR, trouve que le rythme n’a pas « beaucoup changé », mais « les discussions sont plus longues, avec dix groupes parlementaires », rappelle-t-elle.

Selon les statistiques internes à l’Assemblée, le nombre total d’heures siégées de jour comme de nuit a augmenté constamment : 6 099 heures de 2017 à 2022 contre 5 037 heures entre 2007 et 2012, avec de surcroît un nombre d’amendements qui enfle continuellement.

L’obstruction parlementaire, méthode classique pour empêcher la discussion d’un texte, mais qui rallonge considérablement les débats, est aussi pointée du doigt. Sans oublier, côté opposition, « l’impression de travailler pou rien » lorsque le gouvernement a recours au 49.3 après plusieurs jours de débats. « On est nombreux et nombreuses à être complètement désabusés sur la méthode extrêmement rigide », fustige l’écologiste Marie-Charlotte Garin.

Un travail de moindre qualité, faute de temps ?

Pour certains élus, ces conditions d’examen nuisent à la qualité du travail parlementaire. « Quand on commence à voir que le temps se raccourcit et que la fin des débats approche, plein de gens ne défendent plus leurs amendements. Une loi ne peut se faire que lorsqu’il y a du débat. Or, tout ça ne permet pas de le faire de manière correcte », déplore dans le Journal du Dimanche l’insoumis Antoine Léaument. Le travail en circonscription, relégué de fait au second plan, en prend aussi un coup.

Autre aspect, bien connu de la plupart des salariés français : les répercussions de la charge professionnelle sur la vie privée. « Sur 89 députés, on en est déjà à deux cas de séparations », assure à nos confrères de l’hebdomadaire un député RN.

Sollicitée par les députés, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a donc convoqué ce mardi les chefs des groupes politiques pour discuter du rythme de travail. Dans une lettre de cadrage, elle leur pose plusieurs questions : faut-il « renforcer la prévisibilité » du calendrier parlementaire, « développer le travail à distance » ou « organiser différemment les votes » ? Chaque groupe doit présenter ses pistes de réflexion, même si les marges de manœuvre sont réduites en l’absence de changements constitutionnels.

Plus de télétravail et de temps en circo

Lors d’un récent déplacement à Berlin, des députés ont constaté avec envie que le Bundestag « siège une semaine sur deux », relève un cadre RN. « Ce n’est sans doute pas possible ici. Mais il faudrait au moins sanctuariser une soirée par semaine sans séance, le vendredi », réclame-t-il. La socialiste Christine Pires Beaune serait « assez favorable à la proposition de deux semaines complètes à Paris, puis une semaine en circonscription ».

Dans le camp présidentiel, Benjamin Haddad plaide aussi pour une « meilleure articulation entre le travail en circonscription et en séance ». Bertrand Pancher (Liot) veut un menu des travaux sur le plus long terme et davantage de moyens pour les parlementaires, une revendication récurrente. Le président du groupe socialiste Boris Vallaud « ne demande pas des heures de sommeil en plus » mais « de nouvelles pratiques », pour « légiférer moins et mieux ». Le gouvernement est-il prêt à « donner plus de pouvoir à l’opposition » sur l’ordre du jour, interroge-t-il.

En septembre, au nom de la « nouvelle méthode » et pour permettre un retour en « circo », il n’y avait pas eu de session parlementaire extraordinaire. Et la présidente de l’Assemblée avait appelé à des « bonnes pratiques », comme « des textes » de loi « beaucoup plus courts » avec « des objets uniques ». Un souhait que ne s’est guère concrétisé jusqu’à présent.

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