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Énergies renouvelables: comment le gouvernement drague la gauche pour éviter un revers à l'Assemblée

Le parc éolien de Saint-Nazaire, premier parc éolien en mer de France  - STEPHANE MAHE
Le parc éolien de Saint-Nazaire, premier parc éolien en mer de France - STEPHANE MAHE

Un texte resté discret mais qui pourrait pourtant changer la donne pour l'exécutif. Les députés se penchent à partir de ce lundi après-midi sur le projet de loi énergies renouvelables qui veut permettre de faciliter l'implantation de nouveaux parcs éoliens et solaires. Alors que la droite à l'Assemblée y est très rétive, Agnès Pannier-Runacher a multiplié les clins d'œil à gauche. Sans assurance de parvenir à les convaincre.

L'exécutif n'a guère d'autre choix que d'arrondir les angles pour espérer s'attirer les bonnes grâces des oppositions. Dans un contexte de majorité relative et alors que l'exécutif ne dispose plus que d'un seul 49.3 jusqu'à la fin de la session parlementaire à l'été prochain, un vote contre le texte signifiera sa sortie de l'agenda politique.

Pas de 49.3 au programme

"On ne grillera pas notre cartouche pour ce texte. On préfère le garder bien au chaud pour les retraites", traduit sans ambages un cadre de la majorité.

Premier groupe visé par cette opération séduction: Les Républicains qui ont v qui peut convaincre les députés de droite sur certains points - comme l'allégement des factures d'électricité des communes qui accueilleront des parcs à éoliennes -, d'autres mesures sont une ligne rouge pour les LR. Parmi celles-ci: la possibilité d'installer des

Pour tenter d'inverser la vapeur et convaincre, le gouvernement a d'abord fait étudier le texte par les Sénat, à majorité de droite. La manœuvre visait à piéger leurs collègues de l'hémicycle, pariant sur le fait qu'ils n'oseraient pas détricoter le travail de leurs homologues LR à la chambre haute.

Le pari semble jusqu'ici raté: si les sénateurs ont voté une version du texte qui peut convaincre les députés de droite sur certains points - comme l'allégement des factures d'électricité des communes qui accueilleront des parcs à éoliennes- d'autres mesures sont une ligne rouge pour les LR. Parmi celles-ci: la possibilité d'installer des éoliennes offshore à 22 kilomètres de côtes françaises.

"Pas question de dire oui aux éoliennes à tout prix"

"On aura un très haut niveau d'exigence sur le texte pour le faire voter", explique la députée LR Annie Genevard à BFMTV.com.

L'un de ses collègues se veut encore plus direct, montrant que le virage du gouvernement pour convaincre la droite risque d'être extrêmement serré. Il faut dire que le sujet est hautement inflammable. "Sauf modifications substantielles, pas question de dire oui aux éoliennes à tout prix", avance un élu du sud de la France.

Rapprochement avec La France insoumise

De son côté, le Rassemblement national ne devrait pas voter ce projet de loi. Marine Le Pen appelait d'ailleurs dans son programme présidentiel à arrêter toute nouvelle installation d'éoliennes et à démonter sans remplacer toutes celles arrivées en fin de vie.

Dans l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher, on tance ces positions qu'on juge "idéologiques alors que les énergies renouvelables devraient unir les forces de tous les élus" et alors que des coupures d'électricité pourraient avoir lieu en janvier prochain.

À la recherche d'alliés, le gouvernement a donc fait les yeux doux à la Nupes. Alors qu'Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ont parfois des mots très durs à l'encontre de la gauche, la ministre de la Transition énergétique n'a eu de cesse de multiplier les coups de fil depuis le mois d'août pour les convaincre. Avec un certain succès.

"Les insoumis se sont rapprochés de nous dès le mois de septembre pour nous rencontrer et avoir une approche constructive", souligne-t-on ainsi dans l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher.

"Toutes les conditions réunies" pour que la gauche "vote ce texte"

Preuve que l'exécutif met le paquet et veut convaincre la Nupes : 15% des amendements repris par le rapporteur du projet de loi Pierre Cazeneuve (Renaissance), viennent des bancs de la gauche. Parmi ceux-ci, on trouve par exemple un médiateur des énergies renouvelables.

"Toutes les conditions sont réunies" pour que les députés de gauche "votent ce texte", a même avancé la ministre dans les colonnes du Journal de dimanche.

Mais le chemin semble encore long jusqu'au vote. De nombreuses lignes rouges demeurent pour la Nupes, à l'instar de la possibilité défendue par le gouvernement de permettre aux riverains voisins d'une éolienne de bénéficier d'une baisse de leur facture.

"On s'achemine vers un 'non'"

Cette disposition donnerait l'impression "d'acheter les gens", avance Manon Meunier, la cheffe de file du groupe LFI.

"En l'état, on s'achemine donc vers un 'non'. Le texte assume tout à fait de voir les renouvelables comme un outil à côté du nucléaire. Nous, on veut aller sur un scénario 100% renouvelables", juge encore le député LFI Gabriel Amard.

Les efforts d'Agnès Pannier-Runacher ont cependant été remarqués sur les bancs des insoumis.

"C'est bien la première fois depuis 2017 que je vois une ministre ouverte à nos amendements, prête à discuter sur le fond. Mais pour l'instant, trop de choses nous chagrinent encore", avance encore le parlementaire insoumis Loïc Prudhomme.

Les socialistes "sur leurs gardes"

Dans les rangs des socialistes et des écologistes, on pourrait lâcher du lest et éventuellement voter en faveur du projet de loi. Pour montrer sa bonne volonté, Renaissance a accepté de supprimer une disposition qui permettait d'installer des énergies renouvelables pour des "raisons impératives d'intérêt public majeur", y compris dans des zones protégées pour la biodiversité.

Problème: cette disposition pourrait revenir dans le jeu à l'occasion des discussions parlementaires et pousser le PS et les socialistes à voter contre.

"On sait bien que la version en l'état qui nous convient dans les grandes lignes ne serait pas celle qui sera votée dans dix jours. On reste donc tous un peu sur nos gardes", traduit un collaborateur socialiste.

Bon point pour Agnès Pannier-Runacher

Une chose est certaine: une adoption du projet de loi serait vue par l'exécutif comme une vraie victoire pour Agnès Pannier-Runacher.

"Si le texte passe, ce sera la première fois que l'Assemblée nationale adopte un texte avec les voix de la gauche - en dehors des réformes sociétales. Ce serait historique", avance encore un collaborateur gouvernemental.

Et de quoi donner un peu plus de poids politique à la ministre de la Transition énergétique qui s'attellera dans les prochains mois à un sujet tout aussi compliqué: le futur projet de loi sur le nucléaire.

Article original publié sur BFMTV.com