Au procès de MHD, vie et mort de Loïc K., lynché à Paris en 2018

Le rappeur Mohamed Sylla (d), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023 (Alain JOCARD)
Le rappeur Mohamed Sylla (d), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023 (Alain JOCARD)

Enfant "doux", il était venu en France pour "un avenir meilleur", avant son lent "glissement" vers la marginalisation. Au procès du rappeur MHD et de huit coaccusés, les assises de Paris se sont penchées jeudi sur la vie de Loïc K., lynché à mort en 2018.

Son nom revenait régulièrement depuis le début, il y a dix jours, de ce procès pour meurtre, mais on ne savait jusqu'à présent pas grand chose de ce jeune homme de 23 ans, tué en plein Paris dans un règlement de comptes entre bandes rivales des cités voisines des Chaufourniers et de la Grange aux Belles.

"Pour sa mémoire je voudrais qu'on aille jusqu'au bout de la vérité" et "que justice soit faite", déclare son père d'adoption Jean-Pierre K., premier de la famille à s'exprimer à la barre.

Quelques minutes auparavant, des vidéos et des photos de Loïc, âgé alors d'une quinzaine d'années, ont été diffusées à la demande de ses proches. Elles montrent un jeune garçon heureux, portant dans ses bras sa petite sœur ou chantant à tue-tête devant un écran.

Des images bien différentes de celles, diffusées dans la matinée, de son cadavre lacéré de plus d'une vingtaine de coups à l'arme blanche, portés "en rafale" sur le visage et les cuisses, stigmates d'une séquence "visiblement très agressive", selon les mots du médecin-légiste ayant réalisé l'autopsie du corps.

"Je me demande de jour comme de nuit: +qu'est-ce qui s'est passé ?+", raconte sa mère, Marie-Chantal, venue spécialement du Cameroun où elle vit.

"Un enfant aussi doux et gentil, qu'est-ce qu'il a fait pour mériter ce sort ?", gémit, mains agrippées à la barre, cette petite femme aux longues tresses vertes.

Etait-il mêlé aux différends entre cités ? A cette époque, "c'était un peu compliqué pour lui, mentalement ça allait pas", estime un ami d'enfance de Loïc, pour qui "il n'était pas apte à se mêler à des histoires" entre bandes.

Devant la cour, une enquêtrice de personnalité retrace son parcours: né à Yaoundé, Loïc connaît de bons résultats à l'école, ce qui pousse sa mère à l'envoyer en 2004 en France pour qu'il puisse poursuivre au collège et connaître "un avenir meilleur".

Le jeune garçon rejoint alors Jean-Pierre K., qui vit près de la cité de la Grange aux Belles, avec deux autres fils.

Arrivé en cours d'année, le jeune garçon saute sa classe de CM2 et entre directement au collège de la Grange aux Belles. Travailleur, il obtient d'excellentes notes jusqu'en 3e.

Admis en filière générale au lycée, l'adolescent décide toutefois d'intégrer un lycée professionnel, en filière "électronique".

- "Passage à vide" -

A partir de ce moment, sa vie bascule: il obtient des résultats catastrophiques et redouble sa seconde. Son père note "un passage à vide".

En 2012, après avoir décroché son bac, Loïc s'inscrit en BTS mais ne trouve pas d'entreprise pour faire son alternance. "De manière progressive, il est devenu complètement insaisissable", relate l'enquêtrice.

Jean-Pierre K. découvre qu'il consomme du cannabis et remarque qu'il est de plus en plus sur son téléphone. Un jour, il le voit revenir d'un café avec un œil au beurre noir mais n'en saura pas plus.

Inquiet de la situation, il parvient en 2017 à organiser un "voyage de rupture" au Cameroun chez sa mère, où "tout se passe bien". Loïc y passe six mois avant de revenir en France.

Son père s'organise pour lui trouver un logement, le jeune homme décline. A partir de ce moment, il dort de temps en temps chez un ami mais aussi souvent dehors, souvent dans le parking de l'immeuble paternel.

Il s'éloigne de sa famille, prend la poudre d'escampette lorsqu'il croise son père.

"Tout ce que j'avais essayé d'entreprendre n'a pas pu aller jusqu'au bout", regrette ce dernier, qui avoue avoir "du mal à accepter d'avoir fait venir" son enfant et "de devoir le ramener dans une boîte".

edy/pa/it