Boris Cyrulnik : « L'hypersensibilité n'est ni un trouble, ni une déficience, mais une “signature” »
Vos « douillets affectifs », dans De Chair et d'Âme (Odile Jacob), publié il y a seize ans, n'ont-ils pas ouvert la voie aux hypersensibles d'aujourd'hui ?
Boris Cyrulnik : C'est en travaillant sur les théories de l'attachement mère-enfant que, dans un même contexte social et affectif, on s'est aperçu que des personnes réagissaient différemment d'un point de vue émotionnel : certaines se montraient « nécessairement » sensibles, d'autres étonnamment peu sensibles, et d'autres encore hypersensibles ! En 2006, ces notions restaient encore très vagues, et j'ai choisi le terme de « douillet affectif » justement parce qu'il était flou et non excluant. Aujourd'hui, on estime que 70 % de la population, dans un contexte social et affectif normal, développera une sensibilité normale, alors que 30 % des enfants et adultes auront des diff-cultés à contrôler leur affectivité. Cela me paraît juste.
Comment exliquez-vous ce nouvel intérêt pour le « sensible » ?
B.C : Je ne suis pas sûr que le sujet de l'hypersensibilité fasse couler beaucoup d'encre en Chine ou en Inde ! Partout dans le monde, et durant des millénaires, un garçon sensible était un garçon méprisé. Les filles, dites « sexe faible », pouvaient certes montrer leurs émotions, mais tout de même à bas bruit. N'oublions pas qu'elles devaient souffrir en silence lors de leurs accouchements… Avec l'égalité hommes-femmes, la sensibilité est devenue une valeur culturelle...