Ces filles qui ne supportent plus leur image sans filtre Snapchat

Elles ont pris l’habitude de se photographier avec des filtres qui embellissent leur visage sur Snapchat ou Instagram, et en sont devenues accros ! Ces filles connectées nous racontent comment ces “amplificateurs de beauté” ont complètement changé le regard qu’elles portent sur elles-mêmes. Et cela va parfois très loin !

Crédit Getty
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“Sans filtre, je trouve mon nez trop gros”

“Avant je prenais des selfies de moi et me trouvais plutôt bien sur certains. Mais aujourd’hui, j’ai du mal à envoyer ou poster des photos avec ma tête au naturel”, réalise Caroline, 23 ans.
La faute selon elle à son utilisation régulière de filtres sur Snapchat ou Instagram, dont ceux qui agrandissent les yeux, ajoutent des longs cils et uniformisent le teint. Très flatteurs sur le moment, ces amplificateurs de beauté ont un effet pervers sur elle : “Ils m’ont filé des complexes, aujourd’hui quand je me regarde dans le miroir, je trouve mon nez gros et je vois tous les petits boutons sur mon visage”.

Car en améliorant notre apparence, les filtres mettent le doigt sur des imperfections dont nous n’avions parfois pas conscience, quand elles existent réellement. Chez Asma, 19 ans, celles-ci semblent se cristalliser au niveau de la peau : “Sans filtres, je la trouve fade et j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose sur mon visage”. Et pour cause, peau lissée, cernes et rougeurs dissimulées, effet blush etc, ces filtres de beauté ont souvent pour effet de donner un coup de fouet comme après un maquillage bien exécuté. Voire de nous rajeunir. Difficile dans ces conditions de ne pas devenir accro, d’autant plus qu’il suffit d’un seul geste-réflexe pour bénéficier de ces retouches, autrefois réservées aux stars.

Difficile de s’assumer au naturel dans une mare de photos retouchées

“Quand j’allume l’application et que je me vois moche en gros plan, automatiquement, mon doigt se porte sur les filtres qui embellissent mon visage”. Un engrenage dont il n’est pas aisé de s’extirper tant la pratique s’est généralisée. Parmi la masse de photos de vidéos partagées sur les réseaux sociaux plébiscités par les jeunes, peu sont en effet prises sans filtres. A tel point que celles qui en postent se sentent souvent obligées de le préciser. “Toutes les filles de ma génération se prennent en photo et en vidéo avec des filtres. C’est quand l’une d’entre nous poste une photo au naturel que cela nous interpelle !”, confirme Asma.

Crédit Getty
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Et ce n’est pas Carine, jeune maman de 28 ans, qui dira le contraire. Quelques semaines après son accouchement, elle publie une photo d’elle sans maquillage et sans filtre sur Facebook. Et elle ne s’attendait sûrement pas aux flots de commentaires négatifs qu’elle a reçu : “On me disait que j’avais l’air épuisée, que j’étais cernée, que j’avais ‘une sale tête'”. Une mauvaise expérience qui lui a fait réaliser que la norme avait définitivement changé : “On a l’habitude sur Facebook que les gens publient des photos où ils sont à leur avantage, moi je veux montrer la réalité”.

Des photos prises avec filtres jusque sur les CV !

Mais ceux qui n’ont pas la même force de caractère et/ou d’acceptation, ont vite fait de tomber dans des dérives. Ne réalisant plus l’artificialité de leur image sur les réseaux, certain(e)s généralisent l’usage des filtres à d’autres domaines de leur vie. A commencer par l’amour. Sur les sites de rencontres, de plus en plus d’hommes se plaignent de tomber sur des photos “trop belles pour être vraies”, ou des selfies têtes de chiens ou de lapins, difficiles à décoder. A cause de ces petites tricheries, la déception lors de la rencontre est presque assurée. Plus étonnant encore, c’est parfois la vie professionnelle qui est touchée par ce fléau. “J’ai une copine gérante d’une boutique qui m’a dit que les filles envoyaient des CV dont la photo est prise avec un filtre Snapchat !”, racontent sur leur chaîne YouTube Amelle et Ilhem.

Chez certaines personnes fragiles, cette difficulté à lâcher l’image de soi idéalisée peut mener au développement d’une addiction à la chirurgie esthétique. “L’opération du nez, l’agrandissement du regard, l’affinement des mâchoires, les lèvres, le menton, l’aspect de la peau sont des interventions très demandées” a d’ailleurs confié à ce sujet le chirurgien plasticien français Sydney Ohana à Paris Match en août 2018. Mais cela va même plus loin à en croire son confrère Nader Saad, qui exerce au Liban, à Dubaï et en Suisse : “Il y a plein de femmes qui voudraient avoir la tête d’un chat ou d’un petit tigre avec des yeux tirés et un visage triangulaire ou rond, comme avec les filtres Snapchat”. Incroyable mais (sûrement) vrai !