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Ces jeunes qui assument au grand jour leur maladie mentale

Crédit Getty
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De plus en plus de jeunes choisissent d'assumer leurs troubles mentaux auprès de leurs pairs et/ou sur les réseaux sociaux. Nous avons rencontré ces millennials atteints de phobie sociale ou encore de trichotillomanie, qui ont décidé que leur maladie ne devait pas rester taboue. Et leur avons posé cette question : parler librement de sa maladie mentale quand on a 25 ans, ça se passe comment ?

Atteinte depuis son adolescence de trichotillomanie, compulsion d’arracher ses propres poils et cheveux, Julie a longtemps vécu dans la honte. Un épisode douloureux datant de l'époque de l'internat l'a d'ailleurs marquée au fer rouge. Alors qu'elle cédait à ses pulsions à l'abri des regards (pensait-elle), une camarade de chambre la surprend et court s'enfermer dans la salle de bain avec une autre amie. Julie les entend rire d'elle pendant près d'une heure.

Sortir de la honte grâce à internet

Malgré sa peine, elle comprend vite que cette attitude découle de leur ignorance. “Elles rigolaient simplement car elle ne savaient pas comment réagir, Mais lorsqu'elles ont su les souffrances que cela engendrait chez moi, elles se sont vraiment senties mal”. La jeune femme a alors un déclic : elle doit s'exprimer davantage, pour que les gens comprennent sa maladie. Elle décide d'ouvrir un blog, où elle partage son combat contre la trichotillomanie, “les difficultés, les petites victoires, le nombre de cheveux arrachés dans la journée”. Une sorte de carnet de bord d'abord anonyme, qui a mué quand elle s'est sentie prête, en un compte Instagram ouvert à tous et incarné. Un profil avec photos, qui l'a aidée à s'accepter.

Grâce aux réseaux sociaux, la parole se libère et les maux mentaux, souvent invisibles, trouvent une réalité et un écho. Bipolarité pour Britney Spears, attaques de panique pour Selena Gomez, TOC pour Daniel Radcliffe etc, même les grandes stars lèvent le tabou. Et cette exposition aurait des effets bénéfiques. “Elle joue un rôle important dans l’évolution de la façon dont la société se représente la maladie mentale”, selon Boris Charpentier, psychologue à Paris, qui y voit un “phénomène de déstigmatisation”.

“Les ‘like’ m'ont aidée à m’assumer”

Souffrant d'une phobie sociale qui l'obligeait à rester cloîtrée chez elle, Audrey a elle aussi choisi les réseaux sociaux, pour en parler. C'est que “faire une annonce numérique quand on est seul avec soi-même, est peut- être parfois moins stressant que de faire une annonce publique en face à face”, décrypte Boris Charpentier. Et pour cause, “l’écran semble alors servir de barrière protectrice”. Surtout quand le regard des autres nous tétanise. Une fois son post validé, la jeune femme se sent pourtant submergée par l'angoisse. Celle qui a souvent été humiliée dans sa jeunesse redoute davantage les réactions de ses collègues et amis que de ses contacts virtuels.

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Mais très vite, la fierté de s'assumer et les messages d'encouragement reçus prennent le dessus sur le reste. Sans compter les nouvelles rencontres providentielles. “Partager son intimité et sa différence sur les réseaux sociaux, c’est aussi s’ouvrir aux autres et à la possibilité de trouver du soutien”, explique le psychologue. Les like s'accumulent et boostent sa confiance en elle : “Je sais que ça reste superficiel, mais quelque chose m'a aidée là dedans”, explique Audrey. Si la jeune femme se félicite d'avoir soulagé par sa démarche d'autres victimes de phobie sociale, elle regrette de n'avoir pas pu elle-même bénéficier d'un tel miroir à l'adolescence : “J'aurais aimé tomber sur le post d'une fille qui, malgré sa phobie sociale, essaie d'être bien dans ses baskets. Cela m'aurait évité des années de dépressions et de crises d'angoisse”..

Faire son “coming out psychique”, c'est offrir son mode d'emploi à ceux qu’on aime

Ce reflet stimulant, c'est dans une bande dessinée que Camille, le trouve vers ses 30 ans. Goupil ou Face de Lou Lubie parle de la cyclothymie, et celle qui a enchaîné les dépressions et les périodes d’excitation, s'y retrouve entièrement.

Estimant avoir enfin trouvé son “mode d'emploi”, elle décide de la faire lire notamment à son copain de l'époque. Camille lui avait donné “des éléments de compréhension” lors de leur 3ème rendez-vous, pour l'aider à “l'apprivoiser”. Mais l'ouvrage lui apporte un nouvel éclairage : “Il a trouvé la lecture très utile et m'a posé beaucoup de questions. Cela a ouvert une discussion très honnête et posée entre nous”. Depuis, la jeune femme ressent comme une nécessité d'en parler un peu partout autour d'elle. “Je fais mon coming out psychique !”

Sa différence, la Parisienne la gère bien mieux aujourd'hui qu'auparavant. Elle a compris que parler de ses troubles ne changeait pas nécessairement le regard que les gens portent sur elle. “La preuve, mes proches m'écoutent, l'acceptent et on en reparle pas si souvent après”. Certaines de ses relations ont même trouvé une nouvelle dimension. Une ancienne collègue qu’elle connaissait à peine est venue vers elle, lorsqu’elle a publié une interview de Lou Lubie sur Facebook. “Depuis on parle beaucoup, et on prévoit de manger ensemble bientôt”.

Elle n'a plus peur non plus de déranger en abordant le sujet de la maladie mentale. En 2020, le tabou et les amalgames n'ont plus lieu d'être. “J'estime que si les gens sont gênés, ce n'est pas mon problème”...