Chelsea Flower Show : les femmes plus nombreuses que les hommes pour la première fois
Les femmes sont cette année plus nombreuses que les hommes à concourir pour une médaille au célèbre Chelsea Flower Show de Londres, une première qui aura pris plus d'un siècle.
L'événement annuel aux jardins extraordinaires, ouvert mardi au public, attend quelque 145.000 visiteurs d’ici samedi. Le roi Charles III et la reine Camilla y sont passés lundi, ainsi que la princesse de Galles Kate Middleton.
En 2013, les femmes y représentaient 27% des candidats à une médaille. Ce pourcentage est cette année de 58%, et de 100% dans la catégorie "balcons et pots", créée en 2021 pour permettre l'émergence de nouveaux talents grâce à des projets moins coûteux que les principaux jardins sponsorisés qui font la réputation de la célèbre exposition florale.
"Il reste beaucoup à faire pour accroître la diversité dans l’horticulture, mais c’est un pas encourageant d’avoir une catégorie à Chelsea comptant de si nombreuses femmes", explique Helena Pettit, directrice des jardins et des shows pour la Royal Horticultural Society (RHS) qui organise l'événement.
Longtemps, rappelle Fiona Davison, en charge des bibliothèques et expositions de la RHS, le monde des jardins est resté très masculin. Au mieux il pouvait constituer un "délicieux hobby" pour les femmes riches, mais certainement pas une carrière.
D’autant que la seule façon d’apprendre au Royaume-Uni était de commencer apprenti dans un jardin à 12/14 ans, logé sur place dans des baraquements unisexes, ce qui interdisait tout accès des filles à la profession.
Il faut attendre 1893 et la création d’un diplôme officiel par la RHS pour que le métier s’ouvre aux jeunes femmes, à une époque où elles sont plus nombreuses que les hommes, et qu’il faut donc trouver un métier "respectable" pour celles issues de la classe moyenne, explique Mme Davison à l’AFP.
Mais quand les jardins botaniques royaux de Kew autorisent ses premières jardinières à porter comme les garçons des knickerbockers (des culottes bouffantes) à la fin des années 1890, le choc est tel que l’expérience est rapidement abandonnée. Et quand une certaine Olive Harrisson arrive quelques années plus tard en tête des examens d’horticulture, elle se voit refuser une bourse pour travailler dans un jardin, au motif qu’elle est une femme.
"Le boom de ces femmes jardinières est peu apprécié des hommes, mais certaines réussissent à faire carrière", dit Fiona Davison, autrice d’un livre à paraître sur des jardinières avant-gardistes avant la Première guerre mondiale.
- Pionnières oubliées -
Cette année, le Chelsea Flower Show célèbre huit de ces pionnières parfois oubliées, autour d’une installation florale inspirée du yin et yang, "clin d’œil à la façon dont les femmes peuvent incarner douceur et force" explique à l'AFP sa responsable Pollyanna Wilkinson. Les plantations sont inspirées d’un cottage anglais traditionnel, et ont toutes été produites par des femmes.
Parmi les pionnières mises à l’honneur, la conceptrice de jardins Gertrude Jekyll (1843-1932), la romancière, poète et jardinière Vita Sackville-West (1892-1962), également amante de Virginia Woolf, la scientifique indienne Janaki Ammal (1897-1984) et la jardinière Beth Chatto (1923-2018) dix fois médaille d’or au Chelsea Flower show mais qu’un juge aurait une fois voulu disqualifier, en expliquant que ses plantes étaient toutes des mauvaises herbes.
"Elles jardinaient souvent pour améliorer le monde, faire une différence, avec un but social", dit de ces pionnières Fiona Davison. "Elles jardinaient dans les villes, créaient des parcs publics, travaillaient dans les écoles... Elles cherchaient des espaces pour faire une différence, parce qu'elles n'avaient pas de pouvoir politique".
Aujourd'hui Beth Chatto est plus que jamais une référence.
"Elle était en avance sur son temps, très consciente des plantes dans leur environnement", dit Mme Davison. "Elle avait une vision plus flexible de ce que peut être un jardin, était prête à utiliser des plantes sauvages (...) Elle le faisait à Chelsea dans les années 1950-60", à une époque où les magazines prônaient les désherbants et la perfection.
"C'était sa philosophie, et c'est la tendance aujourd'hui, y compris au Chelsea Flower Show".
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