Cindy Bruna : "En tant qu'enfant co-victime, j'ai vécu cette violence verbale et psychologique"
À 27 ans, Cindy Bruna a déjà connu plusieurs vies grâce à une carrière flamboyante de mannequin et top-model aux quatre coins du monde. Mais derrière les photos Instagram se cache une histoire de vie douloureuse. Dans son livre "Le jour où j’ai arrêté d’avoir peur" aux éditions Harper Collins, Cindy Bruna brise un peu plus les tabous autour d’un fléau dont sont victimes de nombreuses femmes : les violences conjugales. Pour Yahoo, elle livre un témoignage bouleversant.
Née le 27 septembre 1994 dans le sud de la France, Cindy Bruna est repérée à l’adolescence sur une plage de Saint-Raphaël. Dominique Savri, agent de mannequins, voit alors en elle un indéniable potentiel. Et l’avenir lui donnera très vite raison. C’est le début d’une carrière pailletée dans un monde cadenassé. La jeune Cindy s’envole pour New York où elle découvre alors le faste d’une vie de mannequin plébiscitée par tous et toutes. Des couvertures de magazines aux prestigieux défilés de mode, la jeune femme connait une notoriété sans précédent, devenant même l’une des rares Françaises à intégrer les shows Victoria’s Secret. Un conte de fées. En apparence. Puisque Cindy Bruna est marquée par une histoire de famille douloureuse au sujet de laquelle elle a choisi de ne plus se taire.
"La violence s'est installée petit à petit"
"Le jour où j’ai arrêté d’avoir peur". C’est ainsi que le mannequin a choisi de nommer son livre. Une phrase courte et sans préambule pour parler d’un sujet important. Marraine de l’association Solidarité Femmes, Cindy Bruna a choisi d’apporter à ses engagements la force de son histoire, pour démonter les murs du silence qui entourent les victimes de violences conjugales dont sa mère a été victime pendant de trop longues années. Cindy Bruna et sa soeur en ont été les co-victimes. "Vivre avec ça c’était un poids à porter, c’était lourd. Mais parfois, on ne s’en rend pas compte. C’est un bagage qu’on a" confie-t-elle aujourd'hui à Yahoo, la voix tremblante en ajoutant : "On ne s'en libère jamais complètement."
La maman de Cindy Bruna est née au Congo : "Quand elle est arrivée en France avec mon papa, elle a évidemment déchanté parce que c'était plus compliqué qu'elle pensait. Il y a eu un divorce très rapide avec mes parents." Le jour où elle fait la rencontre d'un homme abusif, c'est là que tout bascule. "La violence s'est installée petit à petit. C'était lent. Tellement lent qu'on s'y habituerait presque" se souvient encore Cindy Bruna. Pour oublier "les moments de violence", elle se raccroche aux "beaux moments". Mais la brutale réalité les rattrape toujours. Le soir, les deux fillettes se relayent pour "être sûres que (leur) mère ne risque rien" au retour de son conjoint. La veille du mariage de sa mère, Cindy Bruna se souvient d'une scène au cours de laquelle sa grand-mère, "si douce, si pieuse" tente d'étrangler ce gendre si menaçant. Elle n'a alors que onze ans et les choses vont aller de mal en pire...
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Cindy Bruna pour Yahoo
" J'avais peur pour ma mère"
Jusqu'alors, Cindy Bruna et sa soeur faisaient front face à la violence de leur beau-père. Mais lorsque l'aînée quitte le nid, les choses chavirent un peu plus. Un vrai déchirement pour le mannequin qui, aujourd'hui encore, ne peut contenir ses larmes à la simple évocation de cet instant : "J'avais peur pour ma mère. Quand ma soeur est partie, je pense que ça a été le moment le plus difficile parce qu'elle avait vraiment eu ce rôle de maman envers moi. Elle a toujours dit qu'à ses 18 ans, elle partirait de la maison. C'est ce qu'elle a fait." La jeune Cindy n'a plus le choix, il lui faut "tenir tête" toute seule au mari violent de sa mère, pour la protéger de ses coups. C'est en endossant cette si lourde responsabilité qu'un jour d'adolescence elle sort "de la peur" et part à la confrontation en répondant à ses insultes.
Et puis, il y a cette fois où leur bourreau lui est apparu moins "invincible" entre les mains des policiers, appelés en urgence alors que la situation à la maison devenait de plus en plus critique : "Très longtemps je le voyais grand, fort, moi j'étais une enfant. Ce mépris que j'avais, je le ressens. Tout est là. Ce sont ces souvenirs avec lesquels je vis et je vivrai toute ma vie. Mais celui-ci, c'était notre victoire."
"La violence, ce n'est pas une maladie"
Aujourd'hui, de ces traumatismes et souvenirs douloureux, Cindy Bruna veut tirer des enseignements. Pour Yahoo, elle explique les mécanismes encore trop mal compris des violences conjugales, qui passent très souvent d'abord par une emprise psychologique avant de basculer vers la violence physique. Mais c'est aussi une façon pour Cindy Bruna d'alerter sur les conséquences dévastatrices sur les enfants, témoins démunis d'un quotidien insécurisant : "Moi, en tant qu'enfant co-victime, j'ai été témoin et j'ai vécu cette violence verbale et psychologique. Il ne m'a levé la main dessus qu'une seule fois, mais finalement le pire ce n'était même pas cette fois-ci. Le pire c'était toutes les autres violences que j'ai subies avec ma soeur et ma mère."
Avec les années de recul, Cindy Bruna sait que l'alcool a été le déclencheur de la violence de cet homme. Mais elle refuse de présenter cela comme une excuse. Rien ne légitime la violence. "J'ai prié pour qu'il guérisse et non pas pour qu'il parte. Mais en fin de compte, la violence, ce n'est pas une maladie" rappelle-t-elle avec une justesse bouleversante. Toutes ces années, c'est l'amour de sa mère et de sa soeur qui a porté Cindy Bruna. Comme un bouclier contre les coups et les insultes. Et si la jeune femme de 27 ans dit avoir perdu "cette insouciance et une partie de (son) enfance", son désir de maternité a survécu à ces traumatismes : "J'essaierai de faire en sorte que mes enfants ne s'inquiètent pas pour moi. Je m'aimerai tellement que je prendrai soin de moi" conclut-elle, les larmes aux yeux. Un modèle de résilience et un témoignage ô combien important.
En 2017, Cindy Bruna est entrée en contact avec l’association Solidarité Femmes dont elle est désormais la marraine. C'est notamment grâce à cela qu'elle est parvenue à mettre des mots, "comprendre" ce qu'elle avait vécu et entendre d'autres récits de vie comme le sien. Aujourd'hui, c'est avec tout le "courage" que ces échanges lui ont offert que Cindy Bruna entend venir en aide à d'autres femmes et enfants co-victimes des violences conjugales.
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