Ces « coûts cachés » du système alimentaire mondial qui pèsent plus de 10 % du PIB de la planète
ALIMENTATION - Dans le monde, les systèmes agroalimentaires fonctionnent très mal. Malnutrition, Pauvreté, artificialisation des sols, déforestation et bien évidemment gaz à effet de serre, tout cela entraîne des coûts, à la fois humain et environnementaux importants. Ils ont été estimés dans le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui réunit 154 pays.
L’addition est salée : plus de 10 000 milliards de dollars (soit 9 300 milliards d’euros) ! C’est trois fois plus que le PIB de la France et l’équivalent de 10 % du PIB mondial. Le pire, c’est qu’il ne s’agit là que d’une estimation minimale. La FAO n’a ainsi pas pu chiffrer les coûts de l’utilisation des pesticides, de la résistance aux antibiotiques ainsi que la dégradation des sols.
La santé et l’environnement, principales sources des problèmes
Pour arriver à ce montant astronomique, la FAO s’est penchée sur les impacts sociaux, sur l’environnement et sur la santé des systèmes alimentaires du globe. Il en ressort que plus de 70 % des coûts totaux proviennent d’une mauvaise alimentation, riche en graisse, en sucres et en aliments ultratransformés. Ce type de nourriture peut causer de l’obésité, ou des maladies cardiovasculaires, en autres. Résultat, une perte de productivité au travail, et des frais médicaux plus élevés que la moyenne.
L’autre grosse part de pertes est celle dont souffre l’environnement. Un cinquième de l’addition provienne en effet des émissions d’azote et de gaz à effet de serre, de la déforestation ou encore l’utilisation de l’eau. Ces phénomènes qui touchent tous les pays ont un fort coût induit. Mais leur ampleur reste probablement sous-estimée, du fait d’un manque de données.
Autre point mis en évidence dans ce rapport, ces coûts cachés pèsent beaucoup plus dans les économies des pays à bas revenus, représentant 27 % de leur PIB en moyenne (contre 8 % dans les pays à revenus élevés). Grosso modo, ceux qui payent les pots cassés du système alimentaire mondial, ce sont les pays pauvres.
En République démocratique du Congo, le poids des coûts cachés de la production agroalimentaire atteint 75 % du PIB. Le pays souffre du changement climatique, et sa population souffre de sous-nutrition. Pour l’Irak la donne est différente : les coûts cachés qui représentent 18 % de son PIB proviennent très majoritairement du grave problème de surpoids et d’obésité qui touche le pays. Le constat est similaire au Mexique.
Responsabilité des entreprises et des gouvernements
D’autres pays s’en sortent mieux, comme le Japon ou la Corée du Sud pour qui les coûts cachés représentent respectivement 5 % et 4 %. La principale raison vient du fait qu’ils n’ont pas d’activité agricole importante et que ces pays ont su privilégier des aliments sains et limiter la malbouffe.
Pour pouvoir agir, le rapport précise qu’il est important que les pouvoirs publics et privés comptabilisent plus précisément ces fameux coûts cachés des systèmes agroalimentaires. Il s’agirait d’un premier pas, avant la mise en place des mesures concrètes à l’échelle nationale. Selon la FAO, le principal défi reste toujours celui de la réduction des inégalités.
L’agence de l’ONU insiste sur le fait de ne pas forcément faire payer le prix aux consommateurs et aussi privilégier l’action préventive. « Le but n’est pas d’internaliser [ndlr : intégrer les coûts cachés aux coûts de l’entreprise comme payer les salaires] tous les coûts cachés dans les prix – le coût social serait énorme –, mais de changer les réglementations, les subventions et investissements… de façon que l’accès à un régime sain devienne plus abordable pour les ménages pauvres », détaille pour Le Monde l’économiste et directeur de division de la FAO David Laborde.
Cela peut passer par des actions sur la fiscalité des entreprises par exemple. Ce qui est sûr, c’est que les choix individuels ne suffisent pas et nécessitent des mesures gouvernementales ainsi que des choix plus responsables de la part de l’industrie alimentaire. Pour aller dans cette voie, le rapport de l’an prochain de la FAO se penchera sur des études de cas plus précis, notamment sur des cultures spécifiques.
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