TOUT COMPRENDRE - Trump, accusé de tentative de manipulation de l'élection de 2020, comparaît en Géorgie

Une journée historique pour la politique et la justice américaine. Ce jeudi, l'ancien président des États-Unis, Donald Trump, se rendra dans la prison du comté de Fulton, à Atlanta, en Géorgie, afin de comparaître pour avoir tenté de renverser le résultat de la présidentielle de 2020 dans cet État clé du sud-est du pays.

• De quoi est-il accusé?

Le milliardaire républicain a été inculpé le 14 août dernier pour sa tentative présumé illicite d'obtenir l'inversion du résultat de l'élection de 2020 dans l'État de Géorgie, remporté par l'actuel président Joe Biden. 18 autres personnes, parmi lesquelles l'ancien chef de cabinet de Donald Trump, Mark Meadows, et son avocat personnel Rudy Giuliani, sont inquiétées.

L'enquête sur laquelle se penche la procureure du comté Fani Willis depuis deux ans, a été déclenchée par un simple appel téléphonique passé le 2 janvier 2021 par le républicain au secrétaire d’État de Géorgie, Brad Raffensperger. Et ce, à trois jours de la certification des résultats de l’élection présidentielle par le Congrès.

Lors de cet appel, il est accusé d'avoir fait pression sur ce haut responsable local pour qu'il trouve les quelque 12.000 bulletins de vote à son nom qui lui manquaient pour remporter l'Etat. Donald Trump affirmait qu'une fraude avait eu lieu et qu'il avait gagné avec "des centaines de milliers de voix". Ces accusations de fraude ont été dès lors démenties par le républicain Brad Raffensperger et ultérieurement rejetées par la justice.

"Alors Brad, dites-moi? Qu’est-ce que nous allons faire? Nous avons gagné l’élection et il est injuste de nous la retirer comme ça", peut-on entendre dans la bouche du président dans cet enregistrement rendu public, comme le rapporte Le Monde.

Il continue: "Je pense que ce que vous devez dire, c’est que vous allez la réexaminer; et vous pouvez la réexaminer mais avec des gens qui veulent trouver des réponses, pas avec des gens qui ne cherchent pas à trouver des réponses."

Fausses déclarations, faux documents, usurpation de fonction publique, faux et usage de faux, pressions sur des témoins, des délits informatiques ou encore parjure... Résultat: l'acte d'accusation contient au total 41 chefs d'accusation différents.

"Trump et les autres inculpés ont refusé d'accepter qu'il avait perdu et ont sciemment et délibérément participé à un complot pour changer illégalement le résultat des élections en faveur de Trump", déclarent les procureurs dans le préambule.

Comment va se dérouler son passage par la prison?

L'ancien Président se rendra ce jeudi dans la prison du comté de Fulton, tristement célèbre pour la mortalité des détenus et son insalubrité.

Selon les règles en vigueur aux États-Unis, Donald Trump devrait se soumettre à la prise de ses empreintes digitales, à l'enregistrement dans les archives de l'administration pénitentiaire de sa taille, de son poids, de la couleur de ses yeux. Et surtout, au fameux "mugshot", la photo que les prévenus prennent de face et de profil.

Si le républicain a réussi à se soustraire lors de ses différentes autres comparutions à New York, en Floride et dans la capitale fédérale Washington à cet humiliant rituel en raison notamment de sa notoriété, rien n'est moins sûr pour cette fois.

Le shérif du comté de Fulton, Patrick Labat, a indiqué au début du mois vouloir traiter tous les prévenus de la même manière.

"Peu importe votre statut, nous serons prêts à prendre votre photo", avait-il déclaré.

En revanche, il est certain que Donald Trump échappera au placement en détention provisoire. Ses avocats ont versé une caution de 200.000 dollars pour lui éviter un séjour prolongé dans cette prison qui fait l'objet d'une enquête par le ministère de la Justice en raison de ses piètres conditions de détention.

S'acquitter d'une caution permet aux accusés de ne pas être placés en détention provisoire, à condition de ne violer aucune loi, de s'abstenir de toute menace et de ne pas communiquer entre eux ou avec des témoins, sinon par l'intermédiaire de leurs avocats.

Lors de cette comparution qui interviendra au lendemain du premier débat télévisé entre les candidats des primaires républicaines auquel l'ancien président ne participe pas, la zone de la prison sera bouclée.

"Ce qui signifie ni entrée ni sortie pendant ce moment", a annoncé le bureau du shérif.

Que risque-t-il avec le procès?

Suivra cette première comparution ce jeudi, un procès dont la date devrait être fixée le 28 août prochain. Un procès qui s'annonce lui aussi historique, en raison du nombre de prévenus et de l'ampleur du dossier. Les 19 co-accusés, dont Donald Trump, poursuivis en vertu d'une loi sur la délinquance en bande organisée risquent des peines de cinq à vingt ans de prison.

L'inculpation de l'ex-président en Géorgie "est unique à bien des égards parmi les poursuites pénales ouvertes contre Trump, mais une différence significative est qu'elle implique 19 prévenus" au total, remarque Erica Hashimoto, professeure de droit à l'université de Georgetown dans un article sur le blog spécialisé Just Security.

Comme la loi le prévoit en Géorgie, ce procès devrait être filmé et télévisé, a contrario des procès fédéraux dans lesquels cette possibilité est exclue. Contrairement aux autres passages de Donald Trump devant la justice, "le procès en Géorgie devrait être le seul qu'il sera possible de suivre à mesure qu'il se déroule", soulignent le juriste Norman Eisen, ancien spécialiste en éthique au sein de l'administration Obama et l'avocate Amy Lee Copeland.

Mais le magnat de l'immobilier, qui doit une bonne partie de sa célébrité à son rôle d'animateur omnipotent d'une émission de téléréalité, devrait être autorisé à s'y faire représenter.

Autre différence notable par rapport à la justice fédérale: même en cas de victoire à la présidentielle en 2024, Donald Trump ne pourra ni obtenir l'abandon des poursuites par le bureau du procureur ni se gracier lui-même en cas de condamnation puisque l'État fédéral n'a aucune autorité au niveau des États.

Cette issue lui est d'autant plus fermée qu'en Géorgie les réductions et aménagements de peine dépendent d'un organisme composé par des élus des deux partis et que les grâces ne peuvent en principe y être accordées que cinq ans après l'exécution de la peine.

Au niveau politique, difficile de savoir quelles conséquences aura ce procès sur ses chances de retrouver la Maison-Blanche. Comme il aime le marteler, Donald Trump semble être plus que populaire aux yeux de sa base électorale depuis le début de ses ennuis judiciaires.

Il n'est donc pas certain que ces poursuites bousculent le déroulé et l'issue des élections mais elle risque de percuter le bon déroulement de sa campagne.

"Il va peut-être devoir renoncer à des événements de campagne pour participer aux procédures judiciaires" et consacrer une partie de son budget aux factures d'avocat, affirme Jordan Tama, professeur à l'American University.

De quels autres ennuis judiciaires parle-t-on?

L'affaire de Géorgie est loin d'être le premier contact de Donald Trump avec la justice. Il s'agit du 4e dossier pénal pour lequel est inculpé l'ancien président en moins de six mois.

L'ancien président a été inculpé le 1er août dernier de "complot à l'encontre de l'État américain". Il est entre autres accusé d'avoir voulu invalider l'élection de Joe Biden en 2020 en inversant le résultat dans sept États-clé -dont celui de Géorgie- et d'avoir laissé faire les émeutiers qui ont attaqué le Congrès le 6 janvier 2021. Il s'agit des accusations les plus sérieuses portées à l'encontre de l'ex-chef de l'État.

Il a été inculpé en juin et juillet dernier par la justice fédérale pour avoir mis la sécurité des États-Unis en péril en conservant des documents confidentiels, dans sa résidence de Floride -après son départ de la Maison Blanche en janvier 2021- au lieu de les remettre aux Archives nationales comme l'y oblige la loi. Pour cette affaire, le procès est prévu en mai 2024 au moment où les primaires républicaines battront leur plein.

Celui qui part favori des primaires républicaines a également été inculpé fin mars au pénal par la justice de l'Etat de New York: il est accusé d'avoir "orchestré" des paiements afin d'obtenir le silence de trois individus dont les révélations auraient pu lui être dommageables à l'approche de l'élection présidentielle de 2016. En cause, notamment, 130.000 dollars versés à l'actrice pornographique Stormy Daniels pour qu'elle taise une relation extra-conjugale supposée remontant à 2006.

Pour chacune de ces affaires, il a plaidé non-coupable de l'ensemble des charges à son encontre. Il dénonce une "chasse aux sorcières" politique et une tentative d'instrumentalisation de la justice de son opposant Joe Biden.

Article original publié sur BFMTV.com