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Confinement, manque d'empathie et solitude : "Je ne reparlerai plus jamais à ma tante"

Angry young woman has disagreement with annoyed old mother in law, grown daughter arguing fighting quarreling with senior elderly mom, different age generations bad relations family conflict concept
© Getty Images

Si le confinement a su révéler une véritable solidarité entre bien des particuliers, ce n'est malheureusement pas toujours le cas dans le cadre strictement familial. Plusieurs personnes font état de profonds désaccords avec leur famille et avec leurs proches, à tel point qu'ils envisagent purement et simplement de couper les ponts avec ces gens dès la fin de la crise sanitaire. Ils ont accepté de nous confier leurs déceptions.

La crise sanitaire continue à travers le monde. Bientôt un mois que la France est confinée, et les effets commencent à se faire sentir sur les relations. Dans les couples, bien évidemment, mais aussi dans les familles et les entourages proches, et notamment pour celles et ceux qui possèdent des parents isolés. Car si certains prennent bien soin de s'occuper de leurs proches qui se retrouvent seuls, ce n'est pas le cas de tout le monde, et cela représente une vraie source de conflit pour certains, qui se sentent clairement abandonnés par leurs proches.

"Adulte handicapé, mes proches m'ont tous abandonné"

Richard* est un homme de 43 ans. Il est handicapé moteur, se déplace essentiellement en fauteuil roulant, et est déficient cardiaque et respiratoire, ce qui fait de lui une cible particulièrement fragile au Coronavirus. Pas question donc de sortir faire ses courses, exercice déjà compliqué en temps normal. Malheureusement, il ne peut pas compter sur la solidarité de sa famille. "Je n'ai jamais été marié, mes parents sont décédés, mais mes deux frères, mes neveux et nièces vivent tous dans la région, à moins de 10 minutes de chez moi. Malheureusement, des disputes familiales font que nous nous sommes éloignés récemment."

En cause : un problème d'héritage. "Mes parents ont toujours été très généreux avec moi de leur vivant, étant donné mes besoins. Au décès de mon père, ils pensaient donc avoir une certaine forme de compensation via l'héritage, mais cela n'a pas été le cas. Depuis, ils refusent de me parler. En temps normal, c'est déjà très difficile à vivre, mais là, c'est la catastrophe, car je peux difficilement me débrouiller tout seul en période de confinement." Habituellement, il peut compter sur la solidarité de ses voisins pour ses courses, mais la bienveillance à son encontre n'est plus au rendez-vous. "Ma voisine et ma gardienne m'ont rendu mes clés, m'ont dit qu'elles ne pouvaient pas me prendre en charge en plus de leur famille. Pour elles, je représente visiblement un poids, une source d'ennui. Elles auraient pu avancer la crainte de ne pas me contaminer, mais ce n'est même pas ça.” Son salut est venu de la part d'un bénévole d'une association : "Un petit jeune, il a 18 ans à peine, vous vous rendez compte ? Il m'appelle tous les deux jours, et fait mes courses une fois par semaine. Il refuse toute compensation financière. Ça m'a mis les larmes aux yeux. C'est des gamins comme ça qui me redonnent foi en l'humanité."

"Ma tante et ma cousine refusent d'aider ma grand-mère"

Maria* a 30 ans. Elle vit en région parisienne, mais sa grand-mère, comme tout le reste de sa famille, se trouve en Pologne, et plus précisément à Varsovie. Le pays est lui aussi confiné, et cela pose de nombreux problèmes à la vieille dame, qui est particulièrement fragile. "Ma petite grand-mère a 86 ans, elle est d'habitude en pleine forme et est très indépendante. Mais en décembre dernier, pour la première fois de sa vie, elle a été opérée sous anesthésie générale. Elle est en train de se remettre d'un ulcère à l'estomac, et elle est diabétique." Elle rentre donc à plusieurs niveaux dans les catégories de personnes à risque.

"Elle vit seule. Ma tante habite à 20 minutes à pieds de chez elle, ma cousine aussi, et toutes deux sont en très bonne santé. Mais pour des raisons d'égo et de disputes familiales, elles refusent de s'occuper d'elle, et donc de l'aider à faire ses courses dans cette situation compliquée." Difficile pour Maria* de faire elle-même le déplacement pour l'aider, les vols étants restreints au maximum, et son activité professionnelle l’empêche de quitter la capitale. Heureusement, un autre membre de sa famille a pu lui venir en aide : "Mon autre cousine habite à plus de 30 minutes de chez ma grand-mère, ce n'est donc pas forcément très pratique pour elle. Mais elle n'a pas hésité une seule seconde à lui proposer son aide et son temps."

Une bonne nouvelle pour la vieille dame, mais une situation qui pousse Maria à réévaluer ses relations familiales : "Pour moi, c'est désormais une certitude. Je ne parlerai plus à ces personnes qui ont sciemment décidé d'abandonner une grand-mère fragile."

"Ma soeur invite ses potes tous les jours alors que nos deux parents sont fragiles"

Victor* se considère comme ceux qui ont de la chance : "Je vis dans le sud de la France avec mes parents, qui sont plutôt fortunés. Nous avons donc une grande maison, un jardin, une piscine... Bref, tout ce qu'il faut pour passer le confinement dans de bonnes conditions." Etudiant en communication, il a quitté son appartement il y a quelques mois pour emménager avec ses parents et prendre soin d'eux pendant une période difficile. "Coup sur coup, mon père a eu droit à une greffe des poumons, et ma mère a été diagnostiquée d'un cancer du sein. Pour moi, c'était logique de revenir vivre à la maison, de les aider avec leurs soins, et de gérer le quotidien comme ils l'auraient fait pour moi."

Son problème, c'est sa petite soeur. Du haut de ses 18 ans, la jeune femme ne comprend pas vraiment à quel point la situation est dangereuse pour leurs parents : "Elle a juste l'impression d'être en vacances prolongées. Elle va avoir son bac grâce à sa moyenne de l'année, donc elle estime pouvoir profiter de la situation, et invite des copines tous les jours. Et ce, alors que je ne cesse de lui répéter que nos parents font partie des personnes les plus à risque s'ils contractent le Covid-19." Pour minimiser les risques de contagion, en dépit des ados qui vont et viennent dans leur maison, Victor* a préféré cantonner ses parents à l'étage. "Ils ont leur salle de bain, leur chambre, leurs bureaux et une terrasse qui leur permet de prendre l'air. Je leur apporte leurs repas en prenant toutes les précautions possibles. Je réalise que notre situation économique facilite beaucoup les choses, car ma soeur, elle, ne prend aucun risque, et ça me rend fou. J'ai peur pour la santé de mon père et de ma mère, mais eux ne veulent rien dire à ma soeur, ils sont trop gentils avec elle. Je l'ai toujours considérée comme une petite fille gâtée, mais là, c'est trop pour moi. Cette crise m'a fait comprendre que je ne pouvais pas compter sur cette gamine immature qui se donne des grands airs. Je ne pense pas pouvoir lui refaire confiance de sitôt."

"Je jette un nouveau regard sur mon entourage"

La situation de Clément* est un peu différente. À 28 ans, il fait partie des Français expatriés qui n'ont pas choisi de retourner en France pour se rapprocher de leurs proches en ces temps de crise, comptant sur ses nouvelles relations canadiennes pour maintenir un minimum de lien social. "Humainement, c'est malheureusement assez intéressant de voir comment les gens réagissent en temps de crise", regrette-t-il. "Les personnes dont je m'étais rapproché, au point de les voir presque quotidiennement et de les considérer comme ma deuxième famille ici, ne donnent plus de nouvelles depuis le début du confinement." Lui-même a tenté d'en prendre, de maintenir ce fameux lien social si important pour conserver le moral. Sans grand succès : "Les échanges à sens unique, ça va bien deux minutes..."

La situation en arrive à un point qui fait que le jeune homme envisage de mettre un terme à son expatriation à la fin du confinement. "Ce sont les personnes qui habitent à l'autre bout du monde qui prennent de mes nouvelles au quotidien. Des personnes à qui je n'avais parfois pas parlé depuis plusieurs semaines, faute de temps et à cause du décalage horaire. Forcément, je jette un nouveau regard sur mon entourage, et ça me donne envie de me rapprocher des gens que j'aime, de ma famille de "sang". Le Coronavirus aura au moins eu cet impact positif. Maintenant, je sais sur qui je peux compter." Une façon très positive de voir les choses, en attendant de sortir de la crise et de retrouver un peu de chaleur humaine.

* Dans un souci d'anonymat, tous les prénoms ont été modifiés.

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