Congé menstruel : "Ce congé me sauve la vie, mais mes collègues me reprochent de l'utiliser"

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La question d'un congé menstruel s'est posée à plusieurs reprises ces dernières années, et elle commence à faire son chemin dans la tête de plusieurs employeurs. Mais une fois mise en place, quel est l'accueil réservé à ce genre de mesure ? Coline*, âgée de 28 ans et atteinte d'endométriose, a eu l'occasion de tester le congé menstruel dans sa boîte. Et le résultat est malheureusement en demi-teinte.

Au début du mois de mai, l'annonce du lancement d'un congé menstruel dans une entreprise située à Montpellier a fait grand bruit. En bien et en mal, d'ailleurs, car si de nombreuses féministes ont salué ce type d'initiative, des voix n'ont pas pu s'empêcher de critiquer le projet. Entre les hommes qui ne prennent pas au sérieux les douleurs des règles, ceux qui crient à la discrimination, et les personnes qui s'inquiètent des inégalités à l'embauche qu'un tel congé pourrait créer, le débat a été largement alimenté.

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Elle a testé le congé “spécial règles”

L'entreprise montpelliéraine qui a fait le buzz en mai n'est pas la seule à avoir expérimenté la possibilité d'un congé menstruel. Depuis quelques mois, une entreprise située dans le Rhône, et qui tient à rester anonyme, propose aux personnes réglées au sein de son effectif de pouvoir prendre une journée de repos en cas de règles douloureuses. Coline* fait partie des employées qui ont pu l'expérimenter. "Je travaille dans une toute petite boîte, et mon employeuse ne tient pas à communiquer sur le congé menstruel qu'elle a mis en place, parce qu'elle a eu peur des retours négatifs qu'à pu recevoir la boîte de Montpellier", explique-t-elle.

Cette jeune femme âgée de 28 ans souffre d'endométriose, et ses règles sont particulièrement douloureuses. Aussi, ce congé est arrivé à point nommé. "Le pire jour de mes règles, je peux rester tranquillement chez moi plutôt que de devoir rester parquée derrière mon ordinateur à me tordre de douleur. En termes de confort, ça change tout." Et même si elle n'est théoriquement pas obligée de travailler lors de ces jours de congé menstruel, Coline essaye néanmoins de rester joignable, et de gérer quelques tâches pour ne pas prendre trop de retard sur son planning."

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"Le problème, c'est le regard de mes collègues"

Depuis la mise en place de ce congé spécial règles il y a quelques mois, Coline en a bénéficié à deux reprises. "Ça me sauve la vie, vraiment", affirme-t-elle, enthousiaste. Pourtant, elle hésite toujours longuement avant d'en profiter. "Le problème, c'est que mes collègues me reprochent de l'utiliser. Certains me l'ont dit clairement, d'autres non. Mais je le vois bien dans leurs regards." Ce n'est pas surprenant : selon une étude menée par Womanizer, 52% des personnes sondées estiment que le congé menstruel n'est pas socialement accepté.

"Le pire, c'est que je me prends aussi bien des réflexions de mecs que de nanas. Quand des femmes, qui savent ce que j'endure puisqu'elles m'ont déjà vue pliée en deux par terre dans mon bureau, me disent que "J'abuse de mes privilèges", ça me rend dingue." Pour cette dernière : "Il y a un manque flagrant de sororité. Que les mecs me reprochent de prendre un jour par mois pour mes règles, je peux me dire que c'est parce qu'ils n'y connaissent rien. Mais les femmes... C'est à croire qu'elles veulent me rabaisser pour rester bien vues." Un raisonnement tiré par les cheveux ? Pas tant que ça. "Il y a un mois, c'est ma cheffe elle-même qui a pris un congé menstruel. Et j'ai bien entendu mes collègues dire qu'elle en avait profité pour se tourner les pouces. La preuve que, même si ce genre d'avancée venait à se démocratiser, on n’est pas rendues pour que ça soit mieux accepté." Y compris au sein des entreprises, donc.

Le congé menstruel est toujours tabou

Selon l'enquête menée par Womanizer, les entreprises qui envisagent de mettre en place un congé menstruel ne sont pas encore bien nombreuses. Sur les 470 personnes menstruées et originaires de 26 pays qui ont répondu au questionnaire, 97% ont déclaré que l'idée n'avait même pas été abordée par leur employeur. D'ailleurs, 47% des personnes sondées estiment que les règles ne sont pas une bonne excuse pour se faire porter pâle aux yeux de son employeur. D'autres s'inquiètent des répercussions sur leur carrière, puisque 77 % craignent que cette mesure entraîne davantage de réticences de la part des employeurs à embaucher des personnes menstruées, sous prétexte qu'elles risquent potentiellement de manquer plus de jours de travail que les autres. La preuve qu'il y a encore un long chemin à faire.

*Pour des raisons d'anonymat, le prénom a été changé.

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