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Congrès EELV: entre pragmatisme et radicalité, les écologistes à la recherche de la bonne formule

EELV tient son Congrès à Pantin, en Seine-Saint-Denis. (Photo d'illustration) - AFP
EELV tient son Congrès à Pantin, en Seine-Saint-Denis. (Photo d'illustration) - AFP

Les écologistes auront bientôt une nouvelle secrétaire nationale. Europe Écologie - Les Verts (EELV) organise son congrès décentralisé ce samedi 26 novembre puis son conseil fédéral le 10 décembre prochain. Six motions, d'importances diverses, sont en lice. Elles ont comme point commun d'être toutes portées par des femmes.

Un symbole lourd de sens pour un parti dont l'ancien dirigeant, Julien Bayou, a été poussé à la démission après des accusations de violences psychologiques de son ex-compagne.

Pour lui succéder, Marine Tondelier, candidate de la direction sortante et conseillère municipale à Hénin-Beaumont, fait figure de grande favorite. Elle devra notamment composer avec deux outsiders: l'élue lilloise Mélissa Camara, proche de Sandrine Rousseau, et l'avocate Sophie Bussière, soutenue notamment par Yannick Jadot. Toutes les candidates s'entendent sur un point: la nécessaire "refondation" du parti. Une promesse qui revient comme un boomerang aux différentes élections des Verts.

"Faux match"

Cette année, le congrès s'inscrit dans le contexte d'une élection présidentielle où les écologistes ont obtenu un résultat très en deçà de leurs espérances. Yannick Jadot n'est pas parvenu à dépasser les 4,63%. Un scénario impensable pour sa famille politique au lendemain d'élections européennes durant lesquelles elle a réalisé le meilleur score de la gauche et après des municipales qui s'étaient conclues par plusieurs victoires dans des grandes villes comme Lyon, Bordeaux ou encore Strasbourg.

Pour les écologistes, l'heure est donc au "bilan de la présidentielle" sans que différentes lignes politiques apparaissent pour autant, explique l'eurodéputé David Cormand. L'élu met plutôt en avant des divergences sur la tonalité pour dresser les enjeux de ce congrès. "Voulons-nous un récit comme celui de Yannick Jadot ou comme celui de Sandrine Rousseau?", questionne-t-il en référence au duel de la dernière primaire des écologistes. L'ancien secrétaire national des Verts et soutien de Marine Tondelier, y voit un "faux match".

Entre d'un côté une "écologie qui cherche à rassurer à tout prix mais donne l'impression de ne pas toujours être sûre de soi"; et de l'autre, une "écologie lanceuse d'alerte" pour laquelle "ce qui compte, c'est de mettre des sujets sur la table, de fragmenter et parler à des personnes déjà conscientisées".

Une façon de présenter la motion de Marine Tondelier, La Suite, comme la seule alternative. David Cormand évoque à ce sujet une "écologie qui s'assume tranquillement" et dont la vocation est de "devenir majoritaire".

"On a perdu une forme de lien avec le mouvement social"

Reste que le duel Jadot-Rousseau continue de se manifester. Fin octobre, les deux personnalités d'EELV étaient présentes à la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. Le premier, hué lors de son intervention et arrivé dans une voiture ensuite taguée du mot "Crevure", a dénoncé dans un tweet "les black blocs qui ont vandalisé [le] véhicule". Et de poursuivre: "[ils] pourrissent depuis des années les mobilisations climat et sociales, font fuir par leur violence les citoyens et les familles. Légitimer leurs actions tuera l’écologie politique!".

Autre son de cloche chez Sandrine Rousseau. Interrogée par BFMTV au lendemain de cette manifestation sur ce débordement, la députée de Paris, s'est dit en faveur d'une "désobéissance sans violence". Sans défendre pour autant l'eurodéputé. "Il faut que Yannick Jadot entende qu'on a besoin de retrouver l'écologie de combat", a ainsi lancé l'élue. Réponse de Jadot dans Le Monde:

"C'est la première fois qu'une responsable écologiste soutient les blacks blocs contre un autre écologiste".

En creux, la position que doit occuper EELV par rapport aux mouvements sociaux, notamment ceux portant sur le climat. Cela alors même que des actions de désobéissance civile se sont multipliées ces dernières semaines avec, par exemple, des militants s'attaquant à des œuvres d'art pour choquer et alerter sur l'urgence climatique.

"On a perdu une forme de lien avec le mouvement social. Ça doit nous interroger. Nous devons aussi être un parti militant dans les manifestations, il faut théoriser cela politiquement, en faire la boussole de notre mouvement", estime Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère municipale de Paris et engagée pour la motion portée par Melissa Camara.

"Vous connaissez le CV de Yannick Jadot ?"

En face, les jadotistes défendent une position plus nuancée. "On pense qu'il faut être dans les mouvements - Yannick Jadot était d'ailleurs à Sainte-Soline - mais qu'il faut aussi mettre en avant une écologie fédératrice, à même de rassembler des majorités sur le projet écologiste", explique Eva Sas, députée de Paris.

Sandra Regol, qui soutient Sophie Bussière, explique que cette "tension entre pragmatisme et radicalité" est "la particularité" des écologistes. Elle a partagé récemment une tribune d'Alexis Vrignon dans Le Monde. L'historien y déclare notamment qu'"il y a toujours eu à EELV des débats quant au positionnement face aux actions les plus radicales".

"Le débat entre radicalité et modération est sain. C’est celui qui a animé le Parti socialiste quand il était encore la force motrice de la gauche", abonde Benjamin Lucas député au sein du groupe écologiste sans être membre pour autant d'EELV.

"Ce qui compte à la fin, c’est le dosage. La gauche a deux jambes, il ne faut pas les opposer."

Les partisans de la motion incarnée par Sophie Bussière soulignent néanmoins leur part de radicalité. "Vous connaissez le CV de Yannick Jadot ?", nous questionne Sandra Regol. "Il s'est fait connaître chez Green Peace parce qu'il était sur son petit radeau pour aller sur le Rainbow Warrior. Il menait des actions de désobéissances civiles pour secouer la France". Une antienne régulièrement reprise par ses partisans pour défendre leur champion, parfois accusé de ne pas être suffisamment radical.

La différence serait-elle uniquement dans la tonalité du discours et la méthode plutôt que sur le fond? Non, selon Raphaëlle Rémy-Leleu. "Bien sûr qu'il y a un enjeu de ligne politique", tonne la conseillère municipale de Paris. Et de citer notamment la manifestation en soutien à la police devant l'Assemblée nationale où s'était rendu Yannick Jadot au grand dam du parti.

Mais aussi des débats sur "l'intersectionnalité" - une approche pour désigner la situation d'une personne subissant simultanément plusieurs discriminations - ou "l'écoféminsime", un courant qui lie féminisme et écologie.

Quel avenir pour la Nupes ?

En plus de cette question de "tonalité" ou "ligne politique" selon les différents élus, le congrès d'EELV permettra d'esquisser la position des écologistes par rapport à la Nupes. La motion La TERRE, nos luttes de Mélissa Camara est la seule à s'attarder longuement sur le sujet. Dans ce texte, "le fiasco de la stratégie de l'autonomie présidentielle" et la nécessité de ne "pas se limiter à une coalition parlementaire" sont soulignés.

"La Nupes ne doit pas être éphémère, c'est un espoir pour la possibilité de l'union", opine Raphaëlle Rémy-Leleu.

Pour elle, la coalition des gauches "peut-être un outil très important pour ramener des gens dans l'espace politique et lutter contre l'extrême droite".

Marine Tondelier et Sophie Bussière jouent une autre musique. L'absence de la première à la marche contre la vie chère de LFI le 16 octobre dernier n'est pas passée inaperçue.

Dans une interview au Monde le 4 novembre, la conseillère municipale d'opposition à Hénin-Beaumont évoque un "succès relatif" concernant l'union des gauches. Pour elle, l'écologie doit être "le moteur des prochaines élections". En ce sens, Marine Tondelier et ses proches ont affiché leurs réticences concernant une liste commune de la gauche aux élections européennes de 2024, souhaitée par les insoumis.

En cohérence avec le soutien de Yannick Jadot, le texte de la motion "le printemps écologique" portée par Sophie Bussière, se contente du minimum avec la Nupes. Certes, celle-ci est "un espace parlementaire dont il faut valoriser le travail. Mais il nous faudra aussi dépasser ce cadre, d'autant plus que chaque échéance électorale est régie par des dynamiques spécifiques", est-il écrit.

Même si les positions de Marine Tondelier et Sophie Bussière sont proches sur la Nupes, Eva Sas critique la direction sortante pour mieux s'en distinguer. Pour elle, celle-ci a adopté "une stratégie qui s'adaptait en fonction des circonstances", vis-à-vis des formations de gauche.

"Entre l'autonomie et l'unité, il faut définir une ligne plus claire qui ne soit pas dans le louvoiement ou l'agonie", cingle-t-elle. Le congrès tranchera.

Article original publié sur BFMTV.com