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Que contient le projet de loi immigration, nouveau texte sensible pour la majorité ?

Le texte est présenté ce mercredi en Conseil des ministres, autour de deux volets : sécurité et travail. Mais il ne satisfait personne, à droite comme à gauche.

POLITIQUE - Après les retraites, c’est sans doute le projet le plus délicat pour le gouvernement. Ce mercredi 1er février, les ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Travail Olivier Dussopt présentent en Conseil des ministres leur projet de loi sur l’immigration - le troisième sous la présidence Macron - qui fait déjà l’unanimité contre lui.

« Il faut de la fermeté et de l’humanité (...) On ne peut pas accueillir tout le monde », résumait Emmanuel Macron en décembre dans Le Parisien, tout en appelant à « intégrer plus vite et mieux » ceux qui obtiennent l’asile. La traduction concrète de ce « en même temps » laisse place à un texte conçu sur deux axes : le volet sécuritaire porté par Gérald Darmanin et celui du travail porté par Olivier Dussopt.

Plusieurs aspects du projet de loi ont été éventés au cours des derniers mois. Assez en tout cas pour fâcher aussi bien la droite républicaine, de plus en plus radicale sur le sujet, que la gauche, qui dénonce les conditions d’accueil des étrangers. Même au sein de la majorité, les divisions se font déjà ressentir.

L’équation s’annonce donc très compliquée pour l’exécutif, en l’absence de majorité absolue, et alors qu’il ferraille déjà sur les retraites. Son adoption pourrait nécessiter de déclencher l’arme constitutionnelle du 49.3. Petit tour d’horizon sur ce que l’on sait déjà.

Expulsions : priorité aux délinquants

Il s’agit du principal volet du projet de loi, vers lequel convergent la moitié de ses vingt-cinq articles : faciliter les expulsions, en premier lieu celles des étrangers déjà condamnés « pour des crimes et délits punis de dix ans ou plus d’emprisonnement ».

Le gouvernement veut « réduire le champ des protections contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque l’étranger a commis des faits constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ». Dans son viseur, les « protections » dont bénéficient certains étrangers, notamment ceux résidant en France depuis plus de 10 ans. « Un frein à l’éloignement », résume l’exécutif dans le texte transmis mi-décembre au Conseil d’État.

Alors que le taux d’exécution des OQTF, objet de polémiques récurrentes, se situe sous les 10 %, le gouvernement veut « simplifier les règles du contentieux » en réduisant de douze à quatre les recours possibles contre les expulsions. La « part des ressortissants étrangers dans la délinquance représente (...) plus du double de leur représentation dans la population », met en avant le gouvernement. Ce faisant il assume le lien entre « insécurité » et « immigration », alors que l’exercice était, jusqu’ici, réservé à la droite dure ou à l’extrême droite.

L’exécutif n’a en revanche pas retenu une mesure un temps évoquée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, prévoyant de délivrer une OQTF aux demandeurs d’asile dès le rejet de leur dossier en première instance.

Réformer le système de demandes d’asile

Toujours dans l’objectif d’expulser plus efficacement, mais aussi pour accélérer les procédures, une « réforme structurelle » de l’asile est prévue. L’État veut élargir le recours à un juge unique à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui statue essentiellement de façon collégiale, sauf pour des cas « complexes ». Le texte prévoit aussi la création de « chambres territoriales du droit d’asile », alors que la CNDA est actuellement basée dans la seule région parisienne.

Des espaces « France Asile » sont envisagés, regroupant des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et des préfectures. L’objectif : « Raccourcir de plusieurs semaines les délais de la procédure ».

Régulariser les travailleurs sans-papiers

L’exécutif veut permettre aux travailleurs sans-papiers présents sur le territoire depuis trois ans d’obtenir un titre de séjour « métiers en tension », valide un an, dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Une mesure « expérimentale », prévue jusqu’au 31 décembre 2026. La liste des métiers en tension doit, elle, encore être actualisée.

« Chez les LR, certains défendent l’idée d’instaurer des quotas pour limiter les régularisations. Discutons-en », a déclaré Gérald Darmanin le 28 janvier dans Le Parisien dans une main tendue évidente à la droite, en réfutant la « crainte infondée » brandie par LR et RN d’une vague de régularisation massive. La régularisation « relèverait de la seule initiative du travailleur étranger », selon le texte, alors que la procédure actuelle le place en situation de « dépendance » vis-à-vis de l’employeur, justifie l’exécutif.

Le projet de loi prévoit par ailleurs la création d’une carte de séjour pluriannuelle « talent – professions médicales et de pharmacie », destinée aux praticiens diplômés hors Union européenne, « dès lors qu’ils sont recrutés par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif ». Ce titre, qui ouvre droit à une carte de séjour d’une durée maximale de quatre ans, vise à « répondre au besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé » que sont les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.

Le gouvernement veut aussi permettre un accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile « dont il est fortement probable, au regard de leur nationalité, qu’ils obtiendront une protection internationale en France », les exonérant ainsi d’un délai de carence de six mois.

Intégration : niveau minimal de français requis

L’exécutif veut « conditionner la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français », là où une simple participation à une formation linguistique est aujourd’hui requise. La mesure vise à « inciter les étrangers qui souhaitent demeurer durablement sur le territoire à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français », afin de « favoriser leur intégration en France ».

VIDÉO - France : le projet de loi immigration, nouveau casse-tête de l'exécutif

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