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Détruire les motos des rodéos urbains ? Pourquoi c’est difficilement applicable

Photo d’illustration d’une moto, prise durant une opération de police contre les rodéos urbains à Nantes le 11 août
SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP Photo d’illustration d’une moto, prise durant une opération de police contre les rodéos urbains à Nantes le 11 août

SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Photo d’illustration d’une moto, prise durant une opération de police contre les rodéos urbains à Nantes le 11 août

RODÉOS URBAINS - Quelles solutions pour lutter contre les rodéos urbains, qui ont coûté la vie à deux personnes et grièvement blessées deux autres en seulement quelques mois ? Depuis 2018, parmi les armes à sa disposition, la justice peut (déjà) faire saisir et détruire les véhicules utilisés. Mais cette disposition reste rarement appliquée.

La loi du 3 août 2018 a fait des rodéos urbains un délit - et non plus une simple infraction. Les auteurs s’exposent à une peine d’un an de prison et une amende de 15 000 euros, sanctions qui peuvent être alourdies selon le contexte de l’interpellation. La législation prévoit également que les engins utilisés puissent être confisqués, à certaines conditions.

La saisie du véhicule est considérée comme la sanction la plus efficace pour endiguer le phénomène. Contacté par Le HuffPost, Robin Reda (LREM, ex-LR), député de l’Essonne et coauteur en 2021 d’une mission d’information sur la loi de 2018, juge pourtant « la confiscation - si possible assortie de destruction - indispensable car elle limite la récidive et montre un exemple de fermeté de la part de l’autorité judiciaire ».

Mais les saisies restent rares : en 2020, 145 véhicules ont été confisqués sur 584 condamnations. De quoi ulcérer les syndicats de police, qui réclament un durcissement et une plus stricte application de la loi : « Il faut cette méthode d’interpellation (le contact tactique, actuellement interdit, ndlr), et ensuite la confiscation du véhicule, sa destruction et que l’individu finisse en prison », réclamait début août dans nos colonnes Fabien Vanhemelryck, patron du syndicat Alliance.

La « bonne foi » du propriétaire et « le bénéfice du doute »

Dans le cadre des rodéos urbains, la saisie du véhicule est une sanction dite « à titre complémentaire », c’est-à-dire qu’elle n’est pas réclamée systématiquement par les juges et parties. De plus, elle ne peut être prononcée que si la personne interpellée est propriétaire du véhicule. Selon les syndicats policiers, c’est rarement le cas. Prêtée, volée, louée via des sociétés obscures… « On ne sait jamais à qui appartient la moto », résumait au HuffPost Fabien Vanhemelryck, le patron d’Alliance.

Robin Reda pointe, lui, une autre difficulté : « Si le conducteur n’est pas le propriétaire et que celui-ci assure ne pas avoir laissé librement la disposition de l’engin, le juge donne quasi systématiquement le bénéfice du doute au propriétaire et n’ordonne pas la destruction », détaille l’élu. Cette disposition qui relève dans la loi de « la bonne foi » du propriétaire peut selon lui inciter certains à mentir, en affirmant par exemple que le véhicule leur a été volé ou utilisé sans leur autorisation.

En janvier 2022, la loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure a précisé le cadre d’appréciation de la « bonne foi » du propriétaire venant réclamer son bien : elle doit désormais être appréciée « au regard d’éléments géographiques et matériels objectifs ». Mais cela reste insuffisant du point de vue policier.

Détruire le véhicule « quel que soit le conducteur » ?

« Il faut qu’on se penche sur la possibilité, peut-être administrative par le préfet, de détruire systématiquement ces véhicules », plaide sur franceinfo ce jeudi 18 août le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) David Le Bars. Quitte, selon lui, à indemniser les propriétaires en cas d’erreur. « Mais c’est très rarement le cas, je vous rassure, ça ne coûtera pas beaucoup d’argent à l’État », assène-t-il.

Sur ce point, le syndicaliste a trouvé du soutien en la personne d’Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement : « Je suis très favorable à la destruction des motos, quel que soit celui qui roule dessus, le propriétaire ou quelqu’un à qui il l’aurait prêtée », a déclaré le ministre sur RTL ce jeudi.

Là encore, il y a un écueil. La destruction ne peut être prononcée que sur décision de justice, lorsque le véhicule est considéré non homologué pour rouler sur la voie publique (par exemple les moto-cross, non immatriculées, et dont le propriétaire est difficilement identifiable). Elle peut aussi être réclamée lorsque l’engin est considéré comme abandonné. Depuis le 22 juillet dernier, c’est le cas au bout de 7 jours en fourrière, contre 15 auparavant.

Mais cette saisie pose également la question de la gestion des véhicules : « Il y a un gros problème de stockages des engins dans les fourrières encombrées, et surtout l’immobilisation est coûteuse », précise Robin Reda. Dans le rapport d’évaluation de la loi de 2018 rendu en 2021, l’élu de l’Essonne et sa collègue LREM Natalia Pouzyreff se prononçaient pour « un gardiennage gratuit, par les fourrières municipales » des motos saisies.

De premières expérimentations ont été menées, dans le cadre d’initiatives locales. Mais il n’existe pas de législation à l’échelle nationale. Depuis le 8 août, plus de 150 scooters et motos depuis le 8 août ont été saisis, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Reste à savoir combien se retrouvent d’ores et déjà à nouveau en circulation.

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