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Le deuil périnatal m’a frappée il y a 4 ans et depuis, je vis en apnée

5. Pour le lever du soleil -
Florian Seiffert 5. Pour le lever du soleil -

Florian Seiffert

Je retiens ma respiration encore et encore ma merveille, ma douceur, mon amour d’Augustin, en pensant à ce moment, où pour la seule et unique fois de notre vie, j’ai pu voir combien tu étais beau, j’ai pu toucher ton corps abimé par ces vauriens, et prier un Dieu si mauvais, pour la dernière fois de ma vie.

DEUIL - Le mois de juillet revient chaque année depuis quatre ans. À peine les dernières heures de juin envolées, il pointe, comme un sournois pour me rappeler que tu n’es pas là. Il me tombe dessus.

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Froid malgré la canicule. Sombre, malgré le soleil. Il est là, lui que je redoute pendant onze mois. Je ne respire plus. Je n’avance plus. Je tombe au fond du trou. Je suis en apnée.

Pour la quatrième année, arrivent le 24 et le 26 juillet, où l’annonce de l’arrêt de ton cœur, et ta naissance sans vie m’ont dévasté. Ces deux journées qui m’achèvent, où je fais mille pas en arrière.

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Ces deux jours qui me détruisent sont déjà là, ceux-là même, où ma vie a basculé, où mon cœur et mon corps ont été détruits. Où ton petit corps a été abîmé par des médecins bouchers qui auraient pu te sauver, qui m’ont sauvée, mais à quel prix, qui « auraient pu » tout éviter.

En apnée depuis quatre ans

Je suis en apnée. Je remonte à la surface, comme je peux. Je respire un grand coup. Je redescends au fond du trou, là où m'a laissé ta perte, et ton ignoble naissance, que j’espérais douce pour te porter jusqu’aux étoiles…

En apnée, je suis là, dans la nuit, avec mes insomnies, mes crises d’angoisse, ma boule à la gorge, et mes douleurs fantômes. Celles de ce corps martyrisé et amputé de ta seule et unique maison. Celle d’une maman incomplète à jamais.

Quatre ans que ce mois de juillet n’est plus le symbole du bonheur, celui de moi, Céline, maman, mais, est devenu celui de moi, Céline, maman endeuillée. Ils m’ont même pris ce bonheur. Celui de la naissance de ton frère après 8 ans de combat contre l’infertilité, remplacé par ta naissance provoquée alors que je suppliais d’avoir une césarienne, qui s’est terminée en boucherie, à cause d’eux…

Quatre ans, que j’ai arrêté de respirer, pour essayer d’écouter en vain, le bruit de ton cœur, de ton rire, de ta joie à travers le vent, les nuages, où même dans les étoiles.

Quatre ans, que je te cherche partout, que le manque de toi me détruit, que ma vie sans toi est fade.

Je suis en apnée. Je remonte à la surface. Je prends une dernière respiration, puis je sombre à nouveau.

J’ouvre la boîte de Pandore, celle des photos de grossesses, celle des mots jetés sur un cahier plein de larmes pendant ces deux jours où tu dormais pour toujours, au creux de mon ventre. Celle où j’enferme ce qui a le goût d’un bonheur inachevé et de la tristesse infinie…

Je suis en apnée. J’étouffe. Je suffoque. J’essaie de remonter encore, mais, du 24 au 26 juillet, je touche le fond, en revivant l’annonce, la funeste suite, et ta naissance. J’ai tout perdu. Ils m’ont marquée au fer rouge par une infâme cicatrice. Mais surtout, ils ont brisé ton petit corps à tout jamais…

Marquée au fer rouge par une infâme cicatrice

Je suis en apnée. J’arrête de respirer. Je crève encore, avec ces souvenirs du 29 juillet. Ceux, où en sortant de la maternité après avoir subi le pire, je me suis rendue à la morgue pour te voir, mon si beau bébé. Pour que je touche ta peau froide, en te berçant de mon amour, que je caresse tes cheveux bruns si doux, en espérant que tu te réveilles, en vain…

Je retiens ma respiration encore et encore ma merveille, ma douceur, mon amour d’Augustin, en pensant à ce moment, où pour la seule et unique fois de notre vie, j’ai pu voir combien tu étais beau, j’ai pu toucher ton corps abîmé par ces vauriens, et prier un Dieu si mauvais, pour la dernière fois de ma vie.

Je suis apnée, juillet est presque terminé, et vient le 31, ce jour, où je me suis tenue devant ton petit cercueil blanc, une rose blanche dans une main et un bateau en origami fait par ton papa dans l’autre. Ce petit bateau qui contenait la comptine que j’ai créée pour tes frères, ta sœur et toi. J’étais là, ne tenant pas debout, pétrie de douleurs physiques, l’âme torturée par leurs mots odieux, le cœur émietté, pour te dire combien je t’aime « plus que les étoiles dans le ciel, plus que les petits poissons dans l’eau et les grains de sable sur la plage… ».

Comme tous les mois de juillet depuis quatre ans, je suis en apnée, happée par le manque de toi qui ne me quittes pourtant jamais. La rage au ventre, face à la procédure juridique qui nous ruine le cœur et le compte, et ces guignols qui ont depuis, mille fois oublié ce qu’ils nous ont fait.

Je suis en apnée pour la quatrième année, j’ai peur de ce 24 juillet et des jours qui suivent. Je fais un pas en arrière, puis un autre, et encore autre, pour retomber au fond du trou, celui du deuil périnatal…

Ce témoignage, initialement publié le 23 juillet 2022 sur le blog LittleBigmaman, a été reproduit sur Le HuffPost avec l’accord de son autrice.

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