Emmanuel Macron mise sur la pompe à chaleur pour la planification écologique, pourquoi ?
ENVIRONNEMENT - La pompe à chaleur, pièce maîtresse de la planification écologique du gouvernement ? Emmanuel Macron doit dévoiler ce lundi 25 septembre le détail de son plan pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 en France.
Pour réussir une telle prouesse, il va notamment falloir accélérer sur la voiture électrique, mieux rénover les logements et réduire le nombre de chaudières au gaz, même s’il n’entend pas les interdire, comme il l’a fait savoir ce dimanche sur TF1 et France2. Sur ce dernier point, le journal La Croix révèle que le président de la République s’apprête à annoncer « la création d’une grande filière de pompes à chaleur made in France, qui permettra de construire 1 million de pompes à chaleur par an d’ici à 2030 ».
En juillet dernier, la loi industrie verte mentionnait déjà que « la réussite de la transition énergétique dépend d’industries stratégiques telles le photovoltaïque, les batteries, l’éolien ou encore les pompes à chaleur ». Pour booster l’installation de pompes à chaleur sur le territoire national, le gouvernement a en outre mis en place de plusieurs aides pour les particuliers : le dispositif MaPrimeRénov’ (jusqu’à 5 000 euros), la prime CEE (jusqu’à 4 000 euros) ou l’éco-prêt à taux zéro.
D’autres leviers existent pour aller plus loin : subventions pour les fabricants, ristourne pour les entreprises, obligation d’installation dans les bâtiments publics… Quelles que soient les modalités, l’enjeu pour la transition écologique est indéniable : le chauffage est responsable des trois quarts des émissions de gaz à effets de serre des logements en France.
Une méthode chauffage trois fois plus écologique
Mais pourquoi une telle passion pour la pompe à chaleur ? « Les pompes à chaleur, c’est intelligent, ça fait des économies d’énergie et ça réduit très fortement les émissions », a vanté le chef de l’Etat ce dimanche. Cet équipement présente en fait un avantage-clé pour la planète, celui de chauffer en utilisant peu d’énergie. En effet, la matière première utilisée par ce système n’est autre que l’énergie naturellement présente dans l’air, l’eau ou le sol. Elle est donc gratuite et renouvelable.
Plus encore, la pompe à chaleur consomme peu d’électricité par rapport à ses concurrents : « À quantité égale d’énergie finale consommée (celle payée par le consommateur), la pompe à chaleur va fournir trois à cinq fois plus de chaleur qu’une chaudière à gaz, un système au fioul ou un radiateur électrique traditionnel », indique au HuffPost Frédéric Wurtz, directeur de recherche au CNRS.
Au-delà de son avantage pour la planète, le gouvernement vante la pompe à chaleur pour son coût. Si elle représente un investissement considérable au départ, elle doit permettre, sur le long terme, de faire des économies considérables. Le ministère de la Transition écologique promet ainsi qu’installer un tel système de chauffage « permet de réduire sa consommation d’énergie de façon drastique et de baisser le montant de vos factures de 55 % » , et assure que « des milliers de foyers, en France, ont déjà choisi ce système, à la fois économique et écologique ».
Un argument remis en question par une étude de 60 millions de consommateurs publiée en avril, appuyant sur la nécessité d’avoir un diagnostic solide avant l’installation de la pompe à chaleur et d’être vigilant aux arnaques. « Le risque est d’avoir une pompe à chaleur mal dimensionnée, avec éventuellement une surconsommation électrique et un confort dégradé », indiquait alors dans une interview à franceinfo Fanny Guibert, journaliste à l’origine de l’étude.
S’occuper d’abord des passoires thermiques
« Installer des pompes à chaleur partout, sans isoler les bâtiments, surtout les passoires thermiques, ça peut être une très mauvaise idée », ajoute Andreas Rüdinger, chercheur en transition énergétique à l’Iddri, l’Institut du développement durable et des relations internationales. « Les pompes à chaleur, ça ne marche pas partout. Ça ne marche pas quand il n’y a pas de réseau d’eau de chauffage préexistant dans le bâtiment, ça ne marche pas non quand il n’y a aucune isolation des murs et des fenêtres », précise-t-il.
Un point essentiel à prendre en compte dans la planification écologique du gouvernement, alors que la France compte 4,8 millions de passoires thermiques, selon le ministère du Logement, 7 millions selon la Fédération nationale de l’immobilier.
Le gouvernement a tenté d’y remédier, avec la mise en place début 2020 du dispositif d’aide publique MaPrimeRénov’. Problème : en 2021, 70 % de cette aide a servi à des changements de système de chauffage, seulement 20 % ont été consacrés à l’isolation… alors même qu’elle doit être la première étape pour bien rénover un logement.
La France est-elle prête à produire autant de pompes à chaleur ?
Dernier point de vigilance : les moyens de production français ne sont pas encore à la hauteur des ambitions du gouvernement. Pour produire 1 million de pompes à chaleur par an, c’est la filière tout entière qui va devoir s’adapter.
La France dispose d’un leader dans le domaine : le groupe Atlantic, numéro deux du marché en Europe. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher avait fait le déplacement, fin juin dans le Pas-de-Calais, pour inaugurer l’extension d’une de ses usines.
Mais le pari n’est pas encore gagné. « On se rend compte qu’il va y avoir un problème de ressources humaines, de personnel à trouver et à former. Plusieurs composants sont aussi fabriqués à l’étranger », relève Frédéric Wurtz, directeur de recherche au CNRS. Selon les informations obtenues par le journal L’Opinion auprès du ministère de la Transition énergétique, la France n’assure même pas la moitié de la chaîne de valeur des pompes à chaleur. Produire ces appareils dans l’Hexagone, c’est aussi un enjeu de souveraineté énergétique, alors que les coupures d’électricité ont menacé tout l’hiver dernier.
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