Publicité

Avec « Pour La France », Rachid Hami partage une histoire universelle

Photo
Arnaud Borrel

CINÉMA - « C’est une œuvre romanesque avec un titre personnel. C’est comme si j’avais figé une histoire que je vais oublier petit à petit, qui me fait peur. Là, ça va rester ». Pour La France un est film réalisé par Rachid Hami. Il s’inspire de ce qui est arrivé à son frère, Jallal Hami, jeune Officier Sur Titre de 24 ans, mort noyé lors d’une soirée qualifiée de « bahutage » par l’école de militaire de Saint-Cyr, plus proche du bizutage. Le drame est survenu dans la nuit du 29 octobre 2012.

Le HuffPost a pu rencontrer Rachid Hami pour discuter du film sorti en salles ce mercredi 8 février. Et s’il a choisi de se servir d’une histoire intime pour faire une fiction, il indique que son moteur était surtout « un désir ardent de cinéma ». Selon lui, Pour La France est une œuvre romanesque alors dans le film, les personnages principaux ne s’appellent pas Jallal et Rachid, mais Ismaël et Aïssa.

Le réalisateur de 37 ans a tenu à garder un lien avec les faits réels tout en les tirant vers le cinéma. « Je ne me détache jamais de l’histoire, et en même temps je ne m’y colle jamais. J’ai une distance avec cette histoire que je ne dépasse pas », explique-t-il avant de poursuivre : « je pense que si je la dépasse [la distance, ndlr], je ne partage plus le truc avec les gens ». Pour lui, le cinéma est au centre de tout.

À travers son film, Rachid Hami a voulu retranscrire quelque chose d’universel, une histoire qui peut toucher tout le monde. Il s’est même inspiré du mythe grec d’Antigone, une histoire qui raconte, dans les grandes lignes, le parcours d’une sœur qui se bat pour donner une sépulture à son frère.

« Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on fait du corps d’un jeune mort pour la France sans avoir combattu ? C’est une grande question et c’est là où il y a un combat qui s’ouvre. En fait c’est un combat pour la dignité et la reconnaissance », développe le réalisateur.

La relation aux personnages

Pour La France c’est aussi l’histoire de personnages complexes, d’une famille qui se rencontrent face à la tragédie et face aux souvenirs. Dans le film, c’est Shaïn Boumedine qui incarne le jeune Aïssa, rôle inspiré par Jallal Hami. Et pour le réalisateur les deux hommes se ressemblent « énormément ».

Malgré tout, il voit Aïssa « comme un personnage de cinéma ». « Quand je travaille avec mes acteurs, je ne parle jamais de moi ou de ma famille, on parle de personnage », déclare Rachid Hami. Personnage qu’il ne cherche pas à fantasmer, il explique : « pour moi ce n’est pas un hommage [à Jallal, ndlr] parce que je le décris de manière assez juste, pas comme un saint. C’était quelqu’un de dur et parfois compliqué ».

Dans « Pour La France » de Rachid Hami, Karim Leklou (à gauche) incarne Ismaël et Shaïn Boumedine (à droite) joue le rôle d’Aïssa.
Gophoto - MizarFilms Dans « Pour La France » de Rachid Hami, Karim Leklou (à gauche) incarne Ismaël et Shaïn Boumedine (à droite) joue le rôle d’Aïssa.

En revanche, pour Karim Leklou (BAC Nord) c’est l’inverse. L’acteur de 40 ans incarne Ismaël, le grand frère d’Aïssa. Cette fois-ci le rôle est loin de celui de qui il s’inspire, le réalisateur lui-même. « Le personnage d’Ismaël, il n’est pas moi », insiste le réalisateur. « Karim Leklou a mis beaucoup de lui, il en fait quelque chose qui lui appartient, avec son talent, sa force et ça m’intéresse », continue-t-il. Le seul point commun entre lui et Ismaël c’est « la vérité émotionnelle », et c’est d’ailleurs ce qui porte le film.

Parler du procès « c’est un autre film »

Le film de Rachid Hami retrace le parcours d’Aïssa, de ses débuts à Saint-Cyr jusqu’à son enterrement en passant par son enfance et les moments qu’il a passés avec son frère Ismaël. Mais un élément manque à cette histoire, le procès. Et pour cause : le procès « c’est un autre film » selon lui. Ajouter cet aspect de lutte judiciaire dans le film serait une façon de dénaturer le film, de détruire toute l’œuvre qu’il a construite.

Pour rappel, le 14 janvier 2021, la justice a relaxé 4 des 7 militaires ou anciens militaires prévenus. Les 3 autres ont écopé de peines allant de 6 à 8 mois de sursis. Un verdict que Rachid Hami a toujours « en travers de la gorge », comme il le confie au HuffPost. À l’époque, il avait déclaré être déçu et aujourd’hui la déception persiste. « Ces gens-là ont un casier judiciaire vierge alors que la mort de mon frère est indélébile et ça, c’est quelque chose que je ne peux pas accepter ». En effet, les 3 hommes n’auront pas l’inscription de la peine de sursis dans leur casier judiciaire.

Alors pour retranscrire toute cette autre histoire, il faudrait beaucoup de temps d’écriture. « C’est un film qui s’additionnerait à Pour La France mais en aucun cas ça n’aurait pu rentrer dans ce film-là ».

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi