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Fruitariens, ils ne mangent que des fruits et crient au miracle

Ils ne consomment que des fruits, et souvent des graines et des noix. Les fruitariens sont peu nombreux, certes, mais font beaucoup de bruit, en vantant les mérites de ce régime “miraculeux”. Perte de poids, regain d’énergie, équilibre mental, ses bienfaits seraient nombreux selon leurs dires. Mais aurait-on pour autant raison de l’adopter ? Nous avons enquêté.

Getty Images
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Depuis 3 ans, Tina Stoklosa et Simon Beun, 39 et 26 ans sont fruitariens. Au Dailymail, ce couple belgo-polonais vivant à Bali, a expliqué ne consommer que des fruits sucrés ainsi que de l’eau de coco fraîche pour se désaltérer. Malgré la frugalité apparente de leur repas, ils ne souffrent d’aucune carence ni problème de santé particulier. C’est en tout cas ce qu’ils affirment aux médias et sur leurs réseaux sociaux, n’hésitant pas à montrer les bons résultats de leurs tests sanguins. Tina, qui a connu beaucoup de problème de poids par le passé aurait retrouvé la ligne et ne craindrait plus de grossir de nouveau : “Avec peu ou pas d’exercice, je peux manger autant que mon petit ami, un homme de 26 ans, et ne pas prendre de poids. […] Le maintien du poids est tellement facile avec les fruits”.

“J’avais l’impression de marcher à 30cm du sol”

Mais le régime aurait également eu des effets positifs sur son moral, et ce, en seulement quelques jours : “Je me sentais incroyablement légère, optimiste, j’avais l’impression de marcher à 30cm du sol. C’était comme si j’étais amoureuse de tout”, a-t-elle en effet déclaré au Dailymail. Fervent défenseur de ce mode d’alimentation, le couple lui prête toutes les vertus, dont celle de guérir le cancer, la dépression et les maladies chroniques.

Claude Vigneault, un Québécois passé du végétalisme au fruitarisme, vante lui aussi les mérites de ce régime sur happycow.net. S’il a opéré ce changement de régime à 48 ans, c’est dit-t-il , pour affirmer sa volonté de “Se nourrir sans provoquer de meurtre d’animaux ni de plantes”. Et son bilan après six mois est très positif : “En ne mangeant que des fruits, je ne me sens pas moins énergique que lorsque je mangeais un régime riche en protéines”. Mieux, l’homme semble y trouver une nouvelle jeunesse : “J’ai senti que j’avais une profonde désintoxication et, de manière surprenante, un certain nombre de problèmes physiques ont commencé à disparaître”.

Malgré ces témoignages enthousiastes, nombreux sont les spécialistes à tirer la sonnette d’alarme au sujet du fruitarisme. “Ce régime ne procure pas tous les éléments nutritifs et les vitamines nécessaires pour être en bonne santé !”, déclare à ce sujet Magda Santos, nutritionniste à Paris 17. Selon cette dernière, “les risques des carences nutritionnelles sont élevés, notamment en protéines, calcium, fer, zinc, vitamine B (en particulier la B12) et acides gras”…

Fruitarien, Steve Jobs est mort d’un cancer du pancréas

Pour la spécialiste, le danger principal est celui de dérégler “le taux de glucose contenu dans le sang”, ce qui peut avoir des conséquences graves sur le pancréas. Elle cite l’exemple de Steve Jobs : après s’être nourri uniquement de jus de fruits frais suite à une greffe du foie, le fondateur d’Apple est en effet décédé d’un cancer du pancréas. Quant à l’acteur Ashton Kutcher, qui endossait son rôle au cinéma, il a lui aussi été hospitalisé pour des problèmes pancréatiques après avoir adopté le régime fruitarien. De quoi s’interroger…

“L’autre danger important est l’apport faible en protéines. A part l’avocat et les figues séchées, tous les autres fruits ne fournissent pas une quantité significative de ce macronutriment, ce qui dérègle l’organisme et fait fondre la masse musculaire”, précise Magda Santos. Une inquiétude partagée par sa consœur Nina Cohen-Koubi qui alerte sur le risque d’anémie et d’affaiblissement de l’immunité lié aux carences en zinc, protéines, fer et acides gras saturés et insaturés. “Je suis contre un mono-aliment comme base d’une alimentation”, déclare d’emblée la médecin nutritionniste parisienne, qui redoute aussi l’incidence psychologique d’un tel régime : “Ne manger que des fruits est d’une extrême monotonie. Peu de personnes sont capables de le faire !”.

Le plus difficile ? Le manque de sensation de satiété

Pour varier les plaisirs, Tina et Simon font le choix de changer de lieu de vie au fil des saisons, en se déplaçant en Asie du Sud-Est. Parce qu’ils ont un faible pour les fruits tropicaux, plus sucrés et savoureux que les autres à leurs yeux, ils se dirigent souvent vers les tropiques, où ils semblent trouver leur bonheur. Mais qu’en est-il pour ceux qui n’ont pas la possibilité de voyager ? S’il reconnaît que “la restriction de la gamme d’aliments pourrait être la principale cause d’abandon du fruitarisme lorsque cela se produit dans les premières semaines”, le fruitarien Claude Vigneault pense que ce n’est pas un obstacle insurmontable. Pour le quadragénaire, c’est en effet l’absence de sensation de satiété, même après avoir ingéré beaucoup de fruits, qui est le plus difficile à vivre…

Malgré cela, le régime “n’est sûrement pas à conseiller au delà de trois jours chez toute personne en bonne santé et encore moins pour ceux qui souffrent d’une pathologie chronique”, indique Nina Cohen-Koubi. Le seul cas où le fruitarisme peut être approprié selon elle ? Lors des périodes de fièvre, où “il est conseillé de s’hydrater beaucoup”. Dans ce cas, explique-t-elle, “les fruits sous forme de compotes peuvent être intéressants, ainsi que les jus de fruits et les bouillons”…

Wassila Djellouli