"Je suis sortie du cabinet en pleurs" : traumatisées par des gynécologues, elles témoignent

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D’après une étude menée par l’Ifop, 60% des femmes ont déjà renoncé à des soins gynécologiques, pour diverses raisons. Qu’il s’agisse d’un sentiment de défiance, de malaise à l’égard de son propre corps, d’un traumatisme lié à un premier rendez-vous ou d’un manque de temps et d’envie, ce chiffre met en lumière un constat inquiétant aux raisons multiples. Pour Yahoo, quatre femmes ont accepté de livrer les raisons qui les ont menées à éviter les rendez-vous gynécologiques.

Le chiffre est tombé ce mardi 18 janvier 2022. Selon une étude de l’Ifop pour Qare, 60% des femmes ont déjà renoncé à un rendez-vous chez un.e gynécologue. Un chiffre qui tranche avec l’importance des soins gynécologiques, "tout sauf accessoires", comme le rappelle Julie Salomon, directrice médicale de Qare. Si 23% des mères de famille sondées abandonnent ces soins pour se consacrer à la santé des autres, 43% disent ne pas trouver le temps de se rendre chez un.e gynécologue, tandis qu’une femme sur trois ne s’y est pas rendue depuis deux ans. 'Chez les jeunes, 33% se déclarent mal à l’aise avec leurs corps. Par ailleurs, 31% des 18-24 ans déclarent ne jamais avoir été chez un.e gynécologue" précise l’étude. Mais derrière ces chiffres peuvent aussi se cacher des histoires traumatisantes qui mènent certaines femmes à se tenir éloignées des cabinets de gynécologie parfois pendant de longues années... voire définitivement.

Des rendez-vous "violents"

Dans de nombreux cas, la crainte du jugement moral conduit à se passer de soins, comme c’est le cas pour Emma, 26 ans. Son parcours gynécologique a commencé il y a huit ans, lorsque l’intense douleur de ses règles l’a menée à consulter. Elle se tourne alors vers le gynécologue de sa mère qui lui prescrit une pilule. En six mois, elle prend 18 kilos. Lorsqu'elle alerte le praticien, sa réponse est hallucinante : "Il m’a dit : ‘Il suffit de manger moins !’" Si elle décide de ne plus consulter ce gynécologue, Emma continue de prendre la pilule pendant deux ans. C’est alors qu’elle pense enfin mettre un nom sur l’origine de ses douleurs : l’endométriose, une maladie inflammatoire et chronique de l’appareil génital féminin, encore trop méconnue. La jeune femme se rend chez un spécialiste de l'endométriose avec sa compagne. Mais là encore, c'est la douche froide : "Il a été très désagréable avec ma compagne, il la regardait comme si elle était dérangeante dans son bureau, comme si ce n’était pas ok qu’elle soit là."

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Après avoir échangé très brièvement sur l'endométriose, "sans rien expliquer" à Emma, le spécialiste la questionne étrangement : "Il m’a demandé si j’avais des rapports avec des hommes... alors que ma compagne est dans la pièce. Je lui réponds ‘non’... et sur son carnet, il note ‘vierge’. C’est hyper violent quand on est une femme lesbienne de se faire délégitimer comme ça, en un mot. On invalide nos relations." Sonnée, Emma repart avec une prescription pour une IRM. Mais à l’hôpital, elle réalise que le gynécologue ne l’a pas du tout mise au fait du protocole qui allait suivre : "On m’a donné deux énormes seringues, une que je devais m’insérer dans le vagin, l’autre dans l’anus. C’est quand même quelque chose qu’on devrait préciser. Je l’ai vécu comme une agression." Lors des résultats de l’IRM, son gynécologue pose le diagnostic : "une suspicion d’endométriose", c'est tout ce qu'il lui dit. Emma s'insurge : "S’il n’y a pas une énorme endométriose à traiter, on te laisse dans ton coin." Traumatisée par toutes ces expériences, Emma a finalement capitulé : "J’ai trouvé une pilule par moi-même, je n’ai plus de règles depuis 5 ans, et je ne vais pas voir de gynécologue parce que je n’ai pas envie qu’on invalide ma relation avec une femme, ou qu’on me prescrive des soins sans me dire tout ce qu’il y aura à faire derrière. Je n’ai pas confiance en ce corps médical."

Ce jugement aussi violent que traumatisant de la part d’un.e praticien.ne, Laetitia en a aussi fait l’amère expérience avec une gynécologue parisienne, consultée après un véritable "parcours du combattant" pour trouver un.e professionnel.le avec qui elle se sentirait enfin à l’aise. "Elle m’a fait des réflexions sur mon poids et m’a dit qu’elle ne voyait pas l’intérêt de me prescrire une contraception parce que ‘vu votre poids, vous ne risquez pas d’avoir des partenaires réguliers’. C’était d’une violence ! Par la suite, j’ai passé huit ans sans voir de gynécologue" confie-t-elle. S’ensuivent donc des années sans soins gynécologiques au cours desquelles Laetitia préfère mentir pour continuer de se protéger : "Je mentais à la pharmacie en disant que j’avais perdu mon ordonnance pour renouveler ma pilule, puis j’ai carrément arrêté de la prendre en faisant le choix de repasser au préservatif." Aujourd’hui, Laetitia a enfin trouvé une praticienne qui lui convient, mais est consciente des risques qu’elle a pris : "J'ai eu de la chance de n'avoir aucun problème gynécologique, mais avec zéro frottis en 8 ans, j'aurai pu avoir une mauvaise surprise."

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"Mes parents m'ont obligée à aller chez le gynéco"

Si certaines prennent le risque de se passer de soins après de mauvaises expériences, d’autres choisissent de consulter ailleurs. Selon l’étude de l’Ifop, 38% des femmes interrogées préfèrent se tourner vers leur médecin généraliste pour les soins gynécologiques, quand 9% d’entre elles consultent d’autres professionnel.le.s de santé, comme des pharmacien.ne.s, infirmier.e.s ou sages-femmes.

C’est le cas d'Ophélie. Cette étudiante de 23 ans n’a rien oublié de son premier rendez-vous chez un gynécologue : "J’avais 14 ans, mes parents m’ont obligée à y aller parce qu’ils étaient persuadés que j’avais déjà fait ma première fois, mais ce n’était pas du tout le cas. Ça m’a blasée." À ses 21 ans, Ophélie doit y retourner, cette fois pour un kyste à l’ovaire. "Ça s’est vraiment mal passé, j’ai détesté. Il m’a dit de façon hyper sèche que j’allais devoir me faire opérer, sans prendre de pincettes. Je suis sortie du cabinet en pleurant." Après son opération par ce même gynécologue, Ophélie n’en a plus consulté. À la place, elle a choisi de prendre rendez-vous avec une sage-femme avec qui le contact est plus aisé : "Je trouve ça plus doux."

Même son de cloche pour Sonia, 26 ans. Son premier contact avec un gynécologue remonte à ses 21 ans : "Je souffrais d’acné hormonale, alors j’ai consulté pour être sous pilule." Problème : cette pilule ne convient pas à la jeune femme, comme c’est malheureusement le cas pour beaucoup d’autres femmes, peu ou mal suivies. "Je l’ai très mal vécu, confie-t-elle. J’ai pris beaucoup de poids, et j’ai même fait une dépression avant de l’arrêter." Aujourd’hui encore, Sonia s’insurge de l’attitude de son ancien gynécologue : "Il m’a prescrit une pilule pour la vie, sans programmer un rendez-vous des mois plus tard, afin de s’assurer que je tolérais bien la pilule. À mon sens, c’est irresponsable." Après avoir eu son premier rapport sexuel, elle n’est plus jamais allée consulter un.e gynécologue : "Je ne vois pas l’intérêt d’aller consulter tous les 6 mois. En plus, ça coûte cher, même si c’est remboursé, il faut souvent avancer les soins. J’essaie de me renseigner, de m’informer sur les signes qui peuvent être alarmants." Pour son frottis du col de l'utérus et la pose d'un stérilet en cuivre, Sonia a elle aussi préféré se tourner vers une sage-femme. Une décision qu’elle explique sans détour : "L’aspect ‘médecin’ me refroidit, ça manque d’empathie. Un.e gynéco, c’est souvent des soucis, trop connoté ‘maladie’ dans mon esprit. Maintenant, c’est une sage-femme qui s’occupe de moi, et j’en suis ravie. Je me sens plus à l’aise pour raconter ma vie et mes pratiques sexuelles. Avec un.e gynécologue, j’ai toujours eu cette peur d’être jugée."

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Vers des soins gynécologiques plus bienveillants ?

Tandis que les tabous commencent peu à peu à se briser, dans le sillage de bien d’autres mouvements, de nombreuses femmes témoignent des violences gynécologiques qu’elles ont subies. Difficile alors de faire à nouveau confiance à un.e praticien.ne. Mais aux traumatismes provoqués par ces rendez-vous s’ajoute le manque de soin. Une sorte de double peine. Selon l’étude de l’Ifop, 40% des femmes qui renoncent aux soins gynécologiques ne savent pas vers qui se tourner. Comme le déplore Laetitia, qui pointe du doigt le manque d’informations autour des autres choix qui s’offrent aux femmes lorsqu’il s’agit de soins gynécologiques : "J'ai découvert assez tardivement que l'on pouvait demander à son médecin traitant de renouveler sa pilule, ou que l'on pouvait consulter des sages-femmes. Du coup, je ne l'ai pas fait, alors que ça aurait peut-être été la bonne solution à l'époque pour moi." Pour pallier cette méfiance grandissante vis-à-vis des gynécologues, plusieurs initiatives sont mises en place. À l'instar de celle d'un groupe de militantes féministes qui a crée Gyn&Co, une plateforme participative qui recense les gynécologues, médecins généralistes et sages-femmes bienveillant.e.s à l’égard de leurs patientes.

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