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EN IMAGES - James Brown disparaissait il y a 14 ans : retour sur le parcours du divin enfant de la soul

(David Corio/Michael Ochs Archives/Getty Images)
(David Corio/Michael Ochs Archives/Getty Images)

Le 25 décembre 2006 disparaissait le “Godfather of Soul”. Un artiste hors norme, dont les performances scéniques et les chansons influencèrent les plus grands représentants de la musique noire américaine. Retour, en images, sur la vie tourmentée d’une étoile dont la lumière n’est pas près de faiblir.

De la terre à la lutte

Si la mort de James Brown, un 25 décembre, a quelque chose de christique, sa naissance est quant à elle entourée d’un halo de mystère. Aussi bien le lieu (Caroline-du-Sud ? Géorgie ?) que la date précise (entre 1928 et 1933) sont sujets à interrogations. Messianique, James Brown avait d’ailleurs coutume de dire : “James Brown est universel. Il se sent partout chez lui. À New York, à Los Angeles, à Chicago, à Mexico...” Reste qu’avant de faire le tour du monde, c’est bien à Augusta en Géorgie, que le futur Mr. Dynamite a poussé comme une mauvaise herbe, gagnant une misère en cirant les chaussures près de la gare centrale ou ramassant le coton dans les plantations des riches propriétaires locaux.

VIDÉO - James Brown : le génie de la soul

Il fera même office – du moins selon ses dires –, de rabatteur pour des prostituées : “Je faisais ça pour aider mes parents à payer leur loyer, parce qu'ils avaient vraiment des boulots pourris.” Un temps boxeur professionnel, il raccroche très tôt les gants, “parce que, avouera-t-il, un boxeur ne fait hurler les filles que quand il se fait massacrer sur le ring.” Sa rencontre avec la justice va lui permettre de découvrir sa véritable vocation.

Attaque à main armé et groupe de soul

Enfant, James Brown avait été fasciné par un “medicine show”, l'un de ces spectacles itinérants en vogue aux États-Unis à la fin des années 1930. “J'étais tout gosse à ce moment-là, rembobinera-t-il plus tard, mais j'ai immédiatement réalisé que c'était un truc pour moi. J'étais profondément convaincu que je pouvais bien mieux chanter que les gens que j’entendais.” Sa condamnation pour attaque à main armée, à 16 ans, va lui en donner l’occasion. Incarcéré au centre de détention juvénile de Camp Toccoa, le jeune homme fait alors la connaissance, à l’occasion d’un match de baseball, de Bobby Byrd, un excellent organiste féru de gospel. Une fois libéré, il forme en sa compagnie The Starlighters, première ébauche d'un groupe de rhythm’n blues appelé à devenir les désormais célèbres Famous Flames.

(Gilles Petard/Redferns)
(Gilles Petard/Redferns)

Please, please, please

Une des chansons du groupe, Please Please Please, parvient jusqu'aux oreilles d'un responsable du label de Race records, King, qui lui signe sur-le-champ un contrat d'enregistrement. Le succès du disque est foudroyant. Pourtant un pur morceau gospel, le hit se hisse d'emblée au sommet des charts rhythm’n blues. “C'est la volonté divine, expliquera le chanteur quand on l'interrogera sur ce paradoxe, j'ai amené Dieu dans ma musique et c'est ainsi qu'il m'a remercié.” Deux ans plus tard, James Brown et les siens conquièrent New York avec Try Me, une ballade où se font déjà entendre les qualités vocales inimitables du leader. Suivront onze tubes entre 1959 et 1961, dont I'll Go Crazy, Think et Night Train, qui vont lui permettre de traverser les frontières. Notamment celles de Angleterre, où il devient une référence pour la scène naissante du British blues boom.

(Michael Ochs Archives/Getty Images)
(Michael Ochs Archives/Getty Images)

La fusée Apollo

En 1962, James Brown prend une décision qui va changer le cours de sa carrière. En dépit des réticences de son manager, il décide en effet de produire lui-même un concert public qui sera diffusé sous le nom de Live at the Apollo. Résultat : “le meilleur live de l'histoire de la musique”, dixit l’artiste lui-même. Désormais escorté d’une solide réputation, James Brown poursuit sur sa lancée et offre aux années 1960 une bande sonore immortelle. Papa's Got a Brand New Bag, I Got You, It's a Man's Man's Man's World : le “Godfather of Soul” inonde le monde de hits inoxydables, innervés par une énergie inégalée jusqu’alors.

(Michael Ochs Archives)
(Michael Ochs Archives)

Une bête de scène

James Brown n’était pas seulement un interprète à la voix reconnaissable entre mille. Il était surtout un showman époustouflant, doublé d’un danseur hors pair. Travailleur acharné, ses performances scéniques étaient un savant mélange de routines millimétrées et d’improvisations virtuoses, servies par un sens du rythme hors du commun et des gimmicks devenus cultes – à l’image de la cape de boxeur dont il se parait quand il feignait d’être épuisé. Attentif à l’évolution des modes, il adoptait toutes les danses naissant dans les clubs noirs, du mashed potato au boogaloo. La scène de l’Olympia, qu’il investit en 1966, se souviendra d’ailleurs longtemps des pas prodigieux qu’il y esquissa. Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, présents ce soir-là, en furent – paraît-il – démoralisés. On ne ressort pas indemne d’une rencontre avec le “Hardest working man in show business”…

(Raymond Boyd/Getty Images)
(Raymond Boyd/Getty Images)

Pionnier du funk

À la fin des années 1960, la star redéfinit encore son style avec des chansons comme I Got the Feelin, Licking Stick-Licking Stick (1968), ou encore Get Up (I Feel Like Being a) Sex Machine – un tube enregistré dans la foulée d’un concert sur une inspiration géniale de l’artiste. Il abandonne alors peu à peu le chant soul pour une approche plus rythmique, calquée sur la musique, introduisant de nombreuses ruptures et des breaks, ainsi que des parties parlées s'adressant souvent directement au public. Cette déstructuration ne va pas tarder à trouver un nom de baptême : le funk.

Say it loud

On aurait toutefois tort de limiter l’aura de James Brown à celle d’un artiste, aussi talentueux fût-il. Car sous le brushing impeccable de la star couvait un véritable leader d’opinion, proche d’autres grandes voix de la communauté afro-américaine, comme Mohammed Ali. Un statut que le chanteur va pleinement assumer en 1968, à une époque où les États-Unis vivent au rythme de la lutte pour les droits civiques et de la guerre du Vietnam. Il prend alors une nouvelle dimension, sociale cette fois, en publiant Say It Loud (I'm Black and I'm Proud), qui ne tarde pas à devenir l'hymne de la communauté noire. “À force d'être constamment insultés, les Noirs avaient honte, se justifiera-t-il plus tard. J'ai donc transformé tout ce qui était négatif en positif et j'ai écrit une chanson sur la fierté.” Des paroles qui résonnaient encore, il y a quelques mois à peine, dans les manifestations consécutives à la mort de George Floyd.

(Robert Abbott Sengstacke/Getty Images)
(Robert Abbott Sengstacke/Getty Images)

Influenceur avant l’heure

On reconnaît généralement la grandeur d’un homme au nombre des personnes qui marchent dans son sillon. Dans le cas de James Brown, on ne les compte plus. Sly and The Family Stone, The Temptations, toutes les vedettes de la Motown ou presque, Michael Jackson, Prince : tous ont été, d’une manière ou d’une autre, les débiteurs du parrain de la soul. Jusqu’aux tenants du mouvement hip-hop, qui en ont fait l’artiste le plus samplé de l’histoire. Une dette que James Brown résumait lui-même dans l’une de ces formules dont il avait le secret : “Je leur ai appris tout ce qu’ils savent, mais pas tout ce que je sais !”

(M. Caulfield/WireImage for BET Entertainment)
(M. Caulfield/WireImage for BET Entertainment)

Drogue, prison, et violences conjugales

Au sommet de sa gloire dans les années 1960, James Brown subit de plein fouet l’arrivée du disco à la fin de la décennie suivante, pour le plus grand plaisir d’une certaine Amérique qui ne lui a toujours pas pardonné ses prises de position politiques jugées “extrémistes”. Si de grands musiciens comme Miles Davis le citent encore comme une influence majeure de leurs propres styles, sa carrière s’étiole inexorablement. Une dégringolade qui affecte sa vie privée, désormais rythmée par les scandales (arrestations en état d'ivresse ou drogué, détention illégale d'armes, violences conjugales aggravées…) qui lui vaudront diverses cures de désintoxication et quelques années de prison (notamment entre 1988 et 1991). La scène d’ouverture du biopic Get on Up, que lui a consacré Tate Taylor, résume à elle seule cette descente aux enfers. On y voit un “Mr. Dynamite” totalement shooté au PCP et paranoïaque prendre d’assaut un séminaire de compagnie d’assurance, armé d’un fusil à pompe, se lançant soudainement dans une diatribe hallucinée : “Quand on est à l'église et qu'on a envie de chier, on ne chie pas dans l'église. On attend d'être rentré chez soi. Quand tu es chez James Brown, c'est pareil !” Lorsqu’on sait que cette scène était en-dessous de la réalité, selon les dires du réalisateur du film, on comprend mieux pourquoi le parrain de la soul a fait une crise cardiaque en 1979.

(Ron Cockerille/Augusta Chronicle via Getty Images)
(Ron Cockerille/Augusta Chronicle via Getty Images)

Quatre mariage et un… Héritage

Connu pour être volage, James Brown n’était pas à proprement parler un père de famille modèle. Marié à quatre reprises, l’interprète de Sex Machine fut le père de nombreux enfants : six reconnus, un adopté et au moins quatre autres non reconnus. Une vaste famille dont le monde entier apprendra à connaître les membres après la mort de la star, à l’heure du partage du butin. Celui qui souhaitait que la plus grande partie de sa fortune (estimée à plus de 100 millions de dollars) serve à l'éducation des enfants pauvres de Caroline du Sud et de Georgie a d’ailleurs dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe. Plus de dix ans après sa disparition, pas un centime n’avait encore été utilisé à cette fin. Et pour cause : ses six enfants légitimes ont livré pendant plus d’une décennie une guerre sans merci à la fiducie qui détenait les droits musicaux et la demeure de Beech Island du musicien. Lorsque l’on sait que certains d’entre eux avaient déjà intenté un procès à leur père pour des questions de droits d’auteur, on se doute que l’amour filial n’était pas vraiment leur motivation principale… Il aura finalement fallu attendre le 19 juin 2020 pour que l’ultime bataille de cette triste querelle connaisse son épilogue. À cette date, les juges de la Cour suprême de Caroline du Sud ont décidé que Tomi Rae Hynie, la dernière partenaire de James Brown, n'avait aucun droit sur sa succession, car leur mariage ne les liait pas légalement.

Foudroyé par une pneumonie

Depuis 1991, James Brown avait renoué avec la scène, multipliant les prestations, certes moins physiques mais toujours aussi convaincantes musicalement. Il avait même prévu de se produire à New York le 31 décembre 2006. Sa santé défaillante, durement affectée par des décennies d’excès en tous genres, ne le lui permit pas. Hospitalisé le 24 décembre à l'hôpital Emory Crawford Long d'Atlanta pour une pneumonie sévère, le parrain de la soul s’est éteint le lendemain matin des suites d'une insuffisance cardiaque congestive, à l’âge de 73 ans.

(Rick Diamond/WireImage)
(Rick Diamond/WireImage)

Un hommage unique

Trois jours après la mort de la légende, plusieurs milliers de personnes se sont massées devant l'Apollo Theater, pour pouvoir s'incliner dans la salle de concert devant la dépouille du chanteur, qui y avait fait ses débuts en 1956. Jamais, jusqu’alors, le mythique théâtre n’avait accueilli de veillée funèbre pour aucun de ses artistes. Un privilège à la hauteur de l’influence du King of Soul, qui refusait toujours d'évoquer la mort, car, insistait-il : “James Brown ne parle que de la vie.” Ses chansons, éternelles, s’en chargent désormais pour lui.

 (Corbis via Getty Images)
(Corbis via Getty Images)