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Carole, ancienne alcoolique se confie sur son combat : "Je suis née dans l’alcool"

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Le tabou de l'alcoolisme chez les femmes, Carole en a fait son combat. Abstinente depuis plusieurs années, elle se confie sur cette addiction qui fait partie de sa vie depuis son plus jeune âge.

"Je suis née dans l’alcool". À ans 52 ans, Carole se bat contre l’addiction dont souffriraient entre 500 000 et un million de Françaises, selon les chiffres rapportés par Addict Aide. Fondatrice du groupe Facebook Alcool au féminin, elle vient en aide à celles qui, comme elles, ont sombré. "C’est mon combat. C’est même une vocation", explique-t-elle. Et pour cause. Abstinente depuis dix ans, entre elle et l’addiction, c’est une histoire qui commence dès son plus jeune âge puisqu’elle a toujours connu ses parents alcooliques. Si elle n’a jamais vu son père ivre, sa mère, elle, ne se cache pas. "Je lui en ai beaucoup voulu parce que ce n’était pas la maman idéale". Éprouvant de la honte en la voyant "dans des états pas possible", elle se promet de ne pas tomber dans les mêmes travers, et pourtant. Si la situation de sa mère se dégrade lors de sa séparation avec son conjoint et la perte de son emploi, c’est également après une rupture que Carole sombre dans l’alcool. Un soir, alors qu’elle vient tout juste de se réconcilier avec le père de ses filles, elle organise un dîner aux chandelles "avec du vin et une bonne bouteille de champagne". Ce même jour, elle apprend que son ex-compagnon a déjà refait sa vie de son côté. "J’ai hurlé dans la rue, je suis rentrée chez moi et les deux bouteilles y sont passées. C’est comme ça que je suis tombée dans l’alcool", se souvient celle qui rêvait de fonder la famille idéale. Au fil des jours, elle se met à boire chez elle, en société.

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"Maman sent l’alcool, je ne la supporte plus"

Si ses filles ont l’habitude de la voir boire "un verre de vin à table", Carole explique avoir "complètement glissé" le jour où la honte de ne plus pouvoir se passer de l’alcool la pousse à "boire en cachette" sans jamais en parler à personne. N’ayant pas été "alcoolique avant", elle se dit : "Un soir de plus, ce n’est pas grave. Plus un autre soir, et un autre soir jusqu’à ce que ce soit toute la semaine". "Les femmes qui basculent dans l’alcool, c’est bien souvent qu’elles ont des fragilités comme la vulnérabilité aux comportements alcooliques, des troubles psychiques comme l’anxiété ou la dépression. Il y a plusieurs histoires différentes derrière l’alcool", explique le professeur Laurent Karilla. Auteur du livre "Alcoolisme au féminin", (éditions, Leduc), le médecin psychiatre souligne que l’alcool est un "tampon psychique" qui "se greffe" à "un trouble prédominant". Ainsi, il estime qu’il est "rare" que le problème d’origine soit l’alcool. Carole confie être allée jusqu’à "acheter ces affreuses bouteilles de vin 'La villageoise', juste pour avoir du vin et parce que les bouteilles étaient pas chers. Et comme c’était petit, je pouvais facilement les planquer". Dans le déni, "ce que j’ai vécu, moi je l’ai fait à mes filles en deux ans", regrette-t-elle. "Je suis arrivée dans un état lamentable très vite. Je dormais quasiment toute la journée". Elle confie la garde de ses filles à son ex-compagnon "et là, ça a été grandeur et décadence". Si ses enfants ne lui font pas de reproche, elles n’en pensent pas moins : "Un jour, je suis tombée sur le journal intime de l’une d’elles qui disait : ‘Maman sent l’alcool, je ne la supporte plus’".

"D’un seul coup, je n’ai plus bu une goutte d’alcool"

Des mots qu’elle a elle-même eus envers sa propre mère, décédée en 2008, à qui elle ne voulait pas ressembler. Le professeur, spécialiste des addictions, rappelle que l’addiction des parents explique "40 à 70 % des choses", qu’elle n’est pas forcément héréditaire. "J’ai vu que je perdais pied, mais inconsciemment, je ne voulais pas admettre que j’étais alcoolique comme ma mère". Pourtant, Carole continue de boire même quand ses filles sont chez elle. La mère de famille prend conscience qu’elle a un vrai souci avec l’alcool le jour où elle est expulsée de son domicile. "Est-ce que c’est l’instinct de survie ou le traumatisme d’être expulsée ? D’un seul coup, je n’ai plus bu une goutte d’alcool". À la rue, elle est hébergée "à droite à gauche chez des personnes pas forcément bien intentionnées". Pas question pour autant de retomber dans l’alcool : "C’est ma folie qui m’a sauvée parce que je ne me rendais pas compte de ce qui se passait". Victime d’hallucinations auditives et visuelles, elle est prise en charge par une assistante sociale après "une bouffée délirante". Comme Carole, de nombreuses femmes souffrant de cette addiction ne consultent "que quand elles voient que ça devient problématique, qu’il y a des problèmes dans le couple, au travail physique ou psychique. Avant cela, ça reste masqué", déclare le psychiatre qui officie en tant que porte-parole de SOS addiction et à l'hôpital Paul-Brousse, spécialisé dans l'addictologie. Internée pendant huit mois à l’hôpital psychiatrique d’Eaubonne (en région parisienne), elle fait la rencontre de son conjoint (décédé à cause de l'alcool) et adhère à l’association Addictions alcool vie libre qui l’aide à s’en sortir.

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L'alcool trop glamourisé ?

Très vite, elle devient bénévole et accompagne les femmes addicts à l’alcool à s’en sortir. Aujourd’hui, Carole Gazon regrette que "les femmes n’osent pas dire qu’elles ont un problème avec l’alcool" par peur d’être jugées. Un avis que partage le professeur : "L’alcool est moins bien vu chez la femme car, il y a une histoire de l’image de la femme aux multiples casquettes : c’est une mère de famille, une femme qui travaille et qui, maintenant, télétravaille. Au siècle dernier, une femme qui buvait était considérée comme une femme de mauvaises fréquentation, une femme de rue. Alors qu’un homme, c’était juste un alcoolique. Cette différence se maintient". Pour autant, il remarque que la consommation d’alcool a été glamourisée avec "les happy-hour, les after-work". "La génération des 20-40 ans d’aujourd’hui n’est pas la même celle d'hier. Aujourd’hui, les filles se retrouvent entre elles après une journée de boulot ou de fac pour boire certains types d’alcool comme le rosé, les piscines et autres mojitos. La série Sex and the City est l’exemple parfait de cette glamourisation". Pour autant, celles qui tombent dedans sans réussir à gérer leur consommation, sont "méprisées" voire "rejetées" jusque dans "le corps médical", déplore Carole Gazon. "Une femme doit être belle ou au moins soignée, mise en valeur, doit être une mère parfaite, doit être une amante parfaite et travailler", une image "trop idéalisée" qui les enfoncerait d’autant plus dans la maladie à laquelle "les médecins traitant ne sont pas assez bien formés". "Ils n’ont que huit heures dans leurs cursus sur la maladie alcoolique et 24 heures sur les addictions", souligne-t-elle.

Comment reconnaître une addiction ?

Bien décidée à poursuivre son combat, la mère de famille a créé le groupe Facebook réservé aux femmes "Alcool au féminin" où les hommes n’ont pas leur place "comme ça, elles se sentent plus en confiance pour se parler". En France, le nombre de femmes dépendantes ne cesse d’augmenter et cette maladie serait la seconde cause de mortalité, pourtant elle reste encore abou. Pour reconnaître une addiction à l’alcool, Laurent Karila propose le concept des 5C : "La perte de contrôle, l’envie irrépressible de consommer, un usage compulsif du produit c’est-à-dire qu’on ne peut pas s’en empêcher, un usage continue dans le temps (sur un an) et enfin les conséquences qu’elles soient physiques, psychiques ou sociales. Il faut qu’il y ait ces 5 C sur un an pour dire qu’une personne est alcoolique". Une fois détectée, l'addiction peut être soignée : "En consultant des médecins, grâce à des hospitalisations, des désintoxications pour que le patient devienne abstinent et qu’il maintienne cette abstinence". Pour venir en aide aux consommateurs compulsifs, le gouvernement a mis en place le site https://www.alcool-info-service.fr ainsi que le numéro vert : 0 980 980 930.

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