EN IMAGES - Jean-Louis Trintignant fête ses 90 ans : retour sur la vie du comédien en 15 anecdotes

(Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)
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Le Conformiste, Le Grand silence, Un homme et une femme, Amour… Jean-Louis Trintignant a tenu plus de 140 rôles au cinéma et à la télévision. Une carrière colossale que l’acteur, qui fête ses 90 ans ce vendredi 11 décembre, a continué de mener malgré les décès déchirants de ses filles Pauline et Marie. Des femmes de sa vie aux terribles drames qui ont bouleversé son existence, retour en quinze anecdotes sur le parcours d’un monstre sacré du septième art.

Une blessure indélébile

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Raoul Trintignant, le père de l’acteur, s’engage dans la Résistance. Arrêté en mai 1944, l’industriel est emprisonné jusqu’à la Libération. Une fois le conflit terminé, sa mère Claire Tourtin est victime d’un châtiment qui marque à jamais Jean-Louis Trintignant. "Ma mère a été tondue dans une charrette. Bien sûr, mon père l'a sauvée, mais il m'a dit ce truc qui m'a bouleversé toute ma vie : 'Comment as-tu pu laisser faire ça ?' C'était lourd pour un enfant. C'est peut-être pour ça que je suis devenu acteur. Au fond, la décadence des familles bourgeoises, peut-être que j'ai joué ça toute ma vie…", raconte-t-il au JDD en septembre 2017.

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Un premier mariage de courte durée

Durant ses études d’arts dramatiques à Paris, le jeune homme fait la connaissance de Colette Dacheville, connue auprès du public sous le nom de Stéphane Audran. Le courant passe très vite entre eux et le couple se marie le 18 novembre 1954, à Vincennes. Leur union vole rapidement en éclats, lorsque le comédien entame une liaison avec Brigitte Bardot après leur rencontre lors du casting du film Et Dieu… créa la femme, en 1955. Les ex-compagnons se retrouvent douze ans plus tard dans le film Les Biches de Claude Chabrol, le second époux de Stéphane Audran.

L’inverse d’un coup de foudre

Lorsque la préparation du long-métrage Et Dieu… créa la femme débute en 1955, Brigitte Bardot et Roger Vadim sont déjà mariés depuis trois ans. Fou amoureux de sa compagne, le cinéaste réalise ce long-métrage pour elle. Il lui impose de bien s’entendre avec son partenaire Jean-Louis Trintignant, qu’elle finit par épouser dans le film. Pourtant, lors de leur première rencontre, l’entente n’est pas au beau fixe entre eux. "Il est tarte ! Je ne pourrai jamais faire croire que je suis amoureuse de ce type !", lance la comédienne à la suite de ce premier échange. L’acteur affirmera de son côté avoir pensé que sa partenaire "était une petite c*nne".

"Une passion dévorante"

Pendant ce tournage, Brigitte Bardot est troublée par l’attitude un peu gauche de son partenaire. "À force d'être naturelle dans mes scènes d'amour avec Jean-Louis, je finis tout naturellement par l'aimer. J'éprouvais pour lui une passion dévorante", déclare l’icône dans ses mémoires intitulées Initiales B.B. La tension monte d’un cran sur le plateau, lorsque Roger Vadim assiste malgré lui au rapprochement entre ses deux vedettes. "Trintignant jouait les amants tyranniques. Il voulait une preuve d’amour, un sacrifice, et menaça de ne plus revoir Brigitte si elle ne me quittait pas immédiatement. J’avais peur du dernier jour, du dernier plan, de la dernière minute de tournage", confiera le metteur en scène.

"J’ai aimé Jean Lou à la folie"

Alors que Roger Vadim voit sa compagne s’éloigner de lui pour vivre son idylle avec Jean-Louis Trintignant, le réalisateur et Brigitte Bardot attendent la fin du tournage de Et Dieu… créa la femme pour se séparer. Une fois le film terminé, cette dernière quitte l’appartement qu’elle occupait avec le cinéaste et sa passion avec son partenaire de jeu dure un an. Leur relation fait scandale dans une société où le divorce n’est pas encore toléré. S’il est de courte durée, leur amour est inoubliable pour BB. "J’ai aimé Jean Lou à la folie, je l’aimais comme je n’ai peut-être plus jamais aimé, mais je ne le savais pas, j’étais trop jeune", déclarera-t-elle. La star assurera également que ses "instants d’amour avec Trintignant ont été les plus heureux de [sa] vie".

"Il y avait un mec dans le lit"

Interrogé par So Film en 2017, Jean-Louis Trintignant se confie sur un épisode marquant de sa relation avec Brigitte Bardot. Alors qu’il effectue son service militaire après avoir joué dans Et Dieu… créa la femme, le jeune homme se voit accorder une permission et décide de faire une surprise à sa compagne. Mais à son arrivée, il déchante. "Un soir, alors qu'on ne s'était pas vus depuis trois mois, j'ai eu une permission inespérée. Quand je suis entré dans sa chambre, Brigitte a couru et s'est enfermée dans une autre pièce et il y avait un mec dans le lit, un chanteur connu. Il m'a dit : 'Je suis désolé, mon pauvre vieux…', raconte-t-il. Il a été très gentil et m'a demandé s'il pouvait faire quelque chose pour moi. Je lui ai répondu : 'Oui, donnez-moi un million.' Il m'a demandé de lui passer son pantalon et il m'a fait un chèque. Je ne l'ai pas encaissé mais j'étais content." Ce chanteur n’était autre que Gilbert Bécaud. Une découverte qui met un terme à l’idylle entre les deux vedettes.

Un deuxième mariage et trois enfants

Jean-Louis et Nadine Trintignant se marient en 1961 et deviennent parents de trois enfants : Marie, née en 1962, Pauline en 1969 et Vincent en 1973. Tandis que le comédien vit une liaison passionnée avec Romy Schneider sur le tournage du Train, la réalisatrice tombe sous le charme du cinéaste Alain Corneau pendant la préparation de Ça n’arrive qu’aux autres, qu’elle met en scène et sur lequel il travaille en tant qu’assistant.

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"Pour nous, c’étaient Alain et Nadine. Jamais l’un sans l’autre. Lorsque je venais passer un après-midi avec elle, notre conversation s’arrêtait naturellement quand Alain rentrait, car ils allaient s’accaparer l’un l’autre. Ils n’aspiraient qu’à être ensemble", confie une amie du couple à Paris Match en novembre 2020. "Écartelée", Nadine Trintignant finit par quitter son époux en 1976 après 17 ans de vie commune. Elle dit "oui" à Alain Corneau en 1998 et ce dernier adopte ses enfants, avec le consentement de Jean-Louis Trintignant. Le couple reste ensemble jusqu’au décès du réalisateur en 2010, emporté par un cancer du poumon.

(Photo by REPORTERS ASSOCIES/Gamma-Rapho via Getty Images)
(Photo by REPORTERS ASSOCIES/Gamma-Rapho via Getty Images)

Une première perte déchirante

En 1970, Pauline, la deuxième fille de Nadine et Jean-Louis Trintignant, décède à l’âge de dix mois sur le tournage du Conformiste de Bernardo Bertolucci, à Rome. "Un matin, alors que je partais tourner, je suis allé embrasser Pauline dans son berceau. Elle était morte, on n’a pas su comment. […] J’ai dit à Nadine : 'Soit on se suicide, soit on accepte de vivre pour Marie'", raconte-t-il dans l’ouvrage Du côté d’Uzès : entretiens avec André Asséo, paru en 2012. Un épisode tragique de la vie du comédien, sur lequel il revient en mai 2017, révélant avoir nourri une rancœur envers le cinéaste pendant de longues années, car il n’a pas su comprendre sa douleur. "Je venais de perdre ma fille Pauline et j'ai quand même joué un film, explique-t-il à L’Obs. Une fois, il m'a dit : 'Il y a une scène, tu as mis une intensité exceptionnelle. À quoi tu pensais ?' Alors j'ai trouvé cette question tellement gênante que je lui ai dit : 'Je pensais aux pneus de ma voiture'. C'était une blague bien sûr, je pensais plus à Pauline qu'aux pneus de ma voiture. Et Bertolucci, il l'a pris au premier degré. Dans les interviews, il disait : 'Trintignant, il était formidable, il pensait aux pneus de la voiture.' Je trouvais que c'était un manque de subtilité, alors que je l'ai beaucoup aimé à l'époque."

(Photo by Alain Dejean/Sygma via Getty Images)
(Photo by Alain Dejean/Sygma via Getty Images)

Un amour impossible

En 1973, Romy Schneider et Jean-Louis Trintignant se donnent la réplique dans le drame Le Train. Sur le tournage, les deux stars vivent une liaison. L’attraction qui attire leurs personnages n’est pas seulement fictive, comme le raconte Sarah Briand dans l’ouvrage Romy, une longue nuit de silence. Les amants ne parviennent pas à cacher l’attirance qui les pousse l’un vers l’autre, et qui accapare l’attention de l’actrice. "Elle ne pense qu’à cette passion intense qui la hante et aux moments qui suivent ceux où le réalisateur dit 'Coupez !'", écrit l’auteure. Mais à l’instar de Julien, qu’il incarne dans le film, Jean-Louis Trintignant n’est pas prêt à quitter son épouse et leurs enfants pour vivre pleinement cette histoire d’amour. La fin du tournage marque donc celle de leur passion…

(Photo by Patrice PICOT/Gamma-Rapho via Getty Images)
(Photo by Patrice PICOT/Gamma-Rapho via Getty Images)

La même passion

Féru de courses automobiles et conducteur chevronné, Jean-Louis Trintignant rencontre la pilote Marianne Hoepfner au cours d’un rallye. En 1982, ils font équipe sur le rallye de Monte-Carlo, et se placent en 51e position sur 140. Un palmarès qui n’égale pas celui de leur histoire d’amour, qui se poursuit depuis. En 2000, les deux partenaires décident de se marier.

(Photo by Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images)
(Photo by Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images)

Rongé par la culpabilité

Dans le livre d’entretiens À la vie à la mort de Catherine Ceylac publié en 2018, Jean-Louis Trintignant se confie sur la mort de sa fille Marie, décédée sous les coups de Bertrand Cantat en 2003. Ne souhaitant pas évoquer le chanteur, il commence par déclarer : "Je suis mort le 1er août 2003, le jour où Marie est morte. À l'intérieur de moi, tout est détruit". Le comédien fait ensuite part de ses regrets en ajoutant : "Je devais venir la retrouver ce soir-là et je ne suis pas venu. C’était un grand voyage en voiture, quatre ou cinq jours. C’est peut-être de ma faute : si j’avais été présent ce soir-là, elle ne serait sans doute pas morte. Cette culpabilité me pèse beaucoup parce que je suis presque sûr d’avoir raison".

(Photo by Frédéric REGLAIN/Gamma-Rapho via Getty Images)
(Photo by Frédéric REGLAIN/Gamma-Rapho via Getty Images)

"Je changerais de trottoir si je le voyais"

Libéré en 2007 après avoir purgé une peine de quatre ans de prison, Bertrand Cantat sort l’album Amor Fati dix ans plus tard. L’ancien chanteur du groupe Noir Désir accorde alors un entretien aux Inrockuptibles et fait la couverture du magazine en octobre 2017, ce qui déclenche une vive polémique. Au cours de cette interview, le musicien affirme avoir conscience d’avoir "commis l’irréparable". "Après avoir accompagné Marie [Trintignant] à l’hôpital, j’ai été viré et je suis revenu à l’appartement. Pour me flinguer", poursuit-il. Des propos auxquels Jean-Louis Trintignant réagit auprès d’une journaliste d’iTélé. "Je croyais qu'après le drame il le ferait, mais il ne l'a pas fait. C'est son problème", déclare-t-il à propos de sa supposée tentative de suicide. Questionné sur sa réaction s’il en venait à croiser le meurtrier de sa fille, l’acteur ajoute : "Je changerais de trottoir si je le voyais. [...] Je ne peux pas dire que c’est de la haine, mais c’est quelqu’un que je ne veux pas rencontrer".

(Photo by Jeremy Bembaron/Sygma via Getty Images)
(Photo by Jeremy Bembaron/Sygma via Getty Images)

"Je pense beaucoup au suicide"

Jean-Louis Trintignant se bat depuis plusieurs années contre un cancer de la prostate. "Quand on est vieux, on a vécu, on a vu beaucoup de choses et ça fait moins peur car le cancer est beaucoup plus lent", confie-t-il au micro de RTL en septembre 2017. Il révèle avoir été profondément affecté par la perte de son frère aîné, emporté par la maladie plus de quarante ans plus tôt. "J'ai perdu mon frère à 41 ans, il est mort d'un cancer et ça m'a beaucoup traumatisé, touché, poursuit-il. C'était mon frère aîné, on avait deux ans de différence et je me disais : 'C'est injuste ! Pourquoi mon frère a un cancer et moi j'en ai pas ?'" Un mois plus tard, lors de la promotion du film Happy End de Michael Haneke, l’artiste évoque à nouveau sa maladie et fait un parallèle surprenant et poignant vis-à-vis du rôle qu’il interprète. "Ce personnage m’a énormément touché. Je suis à la fin de ma vie, comme lui. Je pense beaucoup au suicide, comme lui", déclare-t-il au cours d’une interview accordée au JDD. À propos de ses futurs projets, il conclut avec ironie : "Réussir mon suicide, peut-être".

Un grand-père comblé

Au cours d’un entretien réalisé pour Nice-Matin en février 2020, Jean-Louis Trintignant tient à relativiser sur son combat contre la maladie. "Vous savez, pour 60 % d'entre nous, on a tous un cancer. Mais quand on est vieux, ce n'est pas la maladie la plus grave", confie-t-il. Il ajoute qu’il "ne prend même pas de traitement" et considère que "ce n’est pas normal de vivre jusqu’à cent ans", avant d’en dire davantage sur sa philosophie. Le monstre sacré du septième art admet être "un pessimiste acceptable" et se décrit comme quelqu’un de "désespéré mais pas triste". Il cite ensuite son petit-fils Paul, née de la relation entre sa défunte fille et François Cluzet : "Il est poète, voyage beaucoup et pas bêtement. En tout cas, il me dit que les progrès ont toujours été accomplis par des gens optimistes jamais par des gens comme moi". À propos des enfants de la regrettée actrice, Roman, Paul, Léon et Jules, ainsi que du petit garçon de son fils Vincent, le comédien assure avec tendresse : "Mes petits-enfants, justement, sont merveilleux et je les adore. Et bien, quand on a ça, on n'a pas tout raté. Oui, ça vaut la peine de vivre".

Un petit accident

Invité sur le plateau de Vivement dimanche en décembre 2018, Jules Benchetrit raconte une anecdote vécue avec son grand-père Jean-Louis Trintignant. "Ton grand-père, il a une autre passion que tu connais mieux que moi, c'est la voiture, les rallyes", lance Michel Drucker au fils de Marie Trintignant et Samuel Benchetrit. Une passion que l’artiste a apparemment tenté de transmettre à son petit-fils, avec plus ou moins de réussite. "La dernière fois qu'il m'a emmené en voiture, il m'a pété le bras, révèle le jeune acteur de 22 ans avec une certaine tendresse teintée de pudeur. J'apprenais à conduire. C'est vers la fin, on a eu un petit accident, et voilà."

(Photo by AFP via Getty Images)
(Photo by AFP via Getty Images)