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La science de la peur : pourquoi aimons-nous avoir peur ?

Pourquoi aimons-nous avoir peur ? [Photo: Getty]
Pourquoi aimons-nous avoir peur ? [Photo: Getty]

À chaque Halloween, nous sommes nombreux à essayer d’effrayer les autres avec nos costumes, à visiter des maisons hantées ou à regarder des films d'horreur terrifiants.

Cette envie d’avoir peur semble quelque peu contre-intuitive, mais nous le faisons quand même.

« Nous associons souvent la peur (une émotion ressentie lorsque nous percevons une menace ou un danger) ou le fait d’avoir peur à la nervosité, le stress, la transpiration, un rythme cardiaque élevé, c’est-à-dire une expérience typiquement négative. Pourtant, beaucoup d'entre nous cherchent à avoir peur à un moment ou un autre », explique le Dr Diana Gall de Doctor4U.

Mais, avoir peur n'est pas toujours amusant, comme lorsque vous entendez un bruit bizarre au beau milieu de la nuit, que vous réalisez que quelqu'un pourrait être en train de vous suivre ou que vous êtes seul à la maison et vous repérez une araignée géante en train de s’amuser dans votre baignoire.

Alors, pourquoi adorons-nous regarder des films d’épouvante, alors que sortir les poubelles après la tombée de la nuit n’est pas envisageable !?

Et pourquoi certaines personnes semblent-elles aimer se faire peur plus que d'autres ?

Pour répondre à ces questions, il est important de se pencher sur ce qui se passe réellement dans le corps lorsque nous avons peur.

Les picotements au niveau de la nuque, la chair de poule sur les bras, le cœur qui bat plus fort représentent tous des signes physiques de la peur, mais que se passe-t-il vraiment dans le corps quand nous avons peur ?

« La sensation de peur a un impact similaire à la sensation d’excitation ou de joie dans le corps, car la partie primitive du cerveau, l'amygdale, associée à la ‘réponse de combat, fuite ou paralysie’ est activée », explique la psychologue Dr Rina Bajaj.

« Cela signifie que notre corps est en état d’alerte ou particulièrement excité, et certains neurotransmetteurs et produits chimiques sont stimulés dans le corps, y compris l'adrénaline. Les sentiments, sensations et émotions du corps sont en ébullition et nous aident parfois à nous sentir vivants, surtout si la partie logique de notre cerveau sait parfaitement que le danger n’est pas réel ».

La peur contrôlée et la peur réelle

Dr Gall confie qu’il faut savoir faire la différence entre la peur réelle et la peur liée aux sensations fortes.

« Tout d'abord, la peur, ou le fait d'avoir peur, déclenche la réponse combat-fuite du corps, mais ce dernier se rend vite compte qu’il n’y a pas de ‘réel’ danger quand nous avons peur à cause d’un film effrayant, d’Halloween, de maisons hantées, d’une attraction, etc. », explique Dr Gall.

« Ce que nous recherchons vraiment lorsque nous voulons avoir peur, c'est une forme de peur contrôlée, lorsque nous savons parfaitement que nous sommes en sécurité », ajoute-t-elle.

Lorsqu'il s'agit de peur « construite », comme lorsque nous regardons un film d'horreur, les effets potentiels sont semblables à n’importe quel autre événement stressant, explique Glenys Jackson, responsable clinique de la santé mentale chez Bupa.

« Cela signifie que notre cœur peut se mettre à battre plus rapidement, que notre respiration peut s’accélérer, que nos muscles peuvent être plus tendus et que nous pouvons nous mettre à transpirer », précise-t-elle.

« Mais, nous sommes conscients que cette expérience a lieu dans des 'conditions sûres’ (nous savons que ce que nous voyons n'est pas réel, idem pour les expériences immersives d'Halloween, les trains fantômes, etc.). Du coup, le corps ne reste pas en alerte, et les effets s'estompent lorsque la ‘menace’ disparaît, à la fin du film par exemple.

Vous aimez donc probablement les films d'horreur car vous savez parfaitement qu’il n’y a pas de vrai danger. Regarder le Clown Dansant tourmenter un groupe d'adolescents vous terrifie sûrement, mais, au fond, vous savez que vous êtes en sécurité.

Cependant, il est difficile d’être aussi confiant quand la peur survient à cause d’un problème bien réel.

En d'autres termes, la peur survient même quand le corps sait qu’il n’est pas menacé, mais au lieu de libérer des hormones afin d’être plus fort et plus rapide pour se défendre, le corps libère des hormones qui permettent de se sentir bien, lorsque les bonnes conditions sont réunies.

Certaines personnes aiment se faire peur [Photo: Getty]
Certaines personnes aiment se faire peur [Photo: Getty]

Une petite dose de frissons

D’après Dr Gall, de nombreuses théories tentent d’expliquer pourquoi nous apprécions ce type de peur contrôlée. Certains pensent que nous courons après la mort (Freud), mais la plupart des théories traitent plutôt de la libération chimique associée.

« Lorsque nous avons peur, le cerveau libère de la dopamine, de l'adrénaline et des endorphines. Ces produits chimiques peuvent traîner dans le corps et créer une sensation d'euphorie, lorsque la réponse de combat ou de fuite a été activée et que nous réalisons qu'il n'y a pas de réel danger », explique-t-elle.

Les humains sont également curieux par nature, ce qui peut également jouer un rôle. Certaines personnes souhaitent tout simplement mieux comprendre l’inconnu et donner un sens aux choses.

L’amour/la haine de la peur

Bien sûr, tout le monde n'aime pas avoir peur. Certains évitent même tout ce qui est potentiellement effrayant, mais certaines personnes aiment les frissons plus que d'autres pour une bonne raison.

Kenneth Carter, psychologue clinicien et professeur à l’Oxford College de l’université Emory a confié à Live Science que ceux qui aimaient regarder des films d’horreur avaient un trait de personnalité particulier associé à la recherche de sensations fortes.

Ce trait détermine dans quelle mesure nous aimons faire certaines choses, comme regarder des films d'horreur ou sauter en parachute.

Des études ont révélé que les personnes qui possèdent ce trait ont généralement des niveaux inférieurs d’adrénaline et de cortisol et des niveaux plus élevés du neurotransmetteur dopamine dans leur corps.

Les amateurs de sensations fortes éprouvent donc plus de plaisir et moins de stress lorsqu’ils sont confrontés à des situations terrifiantes.

Une étude récente publiée dans la revue Anxiety, Stress & Coping a conclu que ceux qui possédaient ce trait de personnalité étaient également généralement moins stressés et plus efficaces dans le contexte des sports à haut risque. Ils sont par conséquent également mieux équipés pour gérer des jobs stressants.

Nous pourrions déterminer si une personne aime se faire peur ou non assez tôt, car ce trait se développerait au début de l’enfance, parfois dès 3 ans, d’après une étude publiée dans la revue BMC Pediatrics.

L’étude a révélé que ce trait de caractère se développait avec l'âge, culminant vers la fin de l’adolescence, ce qui, d’après K. Carter, pourrait expliquer pourquoi tant de films d'horreur sont destinés à ce groupe d'âge.

Que vous ayez passé Halloween à faire le plein de frissons ou recroquevillé dans votre canapé, rappelez-vous juste que se faire peur n’a rien d’effrayant.

Marie Claire Dorking