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Le lac de Serre-Ponçon où va Macron n’est pas une méga-bassine mais il est tout aussi symbolique


Le lac de Serre-Ponçon partiellement asséché, près d’Embrun (Hautes-Alpes), le 16 mars 2023.
Le lac de Serre-Ponçon partiellement asséché, près d’Embrun (Hautes-Alpes), le 16 mars 2023.

ENVIRONNEMENT - Le décor s’annonce majestueux. Emmanuel Macron présente ce jeudi 30 mars dans les Hautes-Alpes, depuis la commune montagnarde de Savines-le-Lac, un plan très attendu destiné à améliorer la gestion de l’eau, ressource menacée par le réchauffement climatique.

Avec en arrière-plan le lac de Serre-Ponçon, plus grand réservoir d’eau douce d’Europe de l’ouest, le chef de l’État doit dérouler une cinquantaine de mesures pour réduire les gaspillages et mieux utiliser l’eau. La symbolique est forte dans ce haut lieu de la géographie française et interroge même certains conseillers dans la période actuelle, relatent nos confrères de Politico.

La création de Serre-Ponçon n’a pas tout à fait les mêmes explications que les bassines agricoles comme celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) - qui ont cristallisé toutes les tensions le week-end dernier et où des affrontements ont plongé deux manifestants dans le coma, comme ont pu le laisser entendre le président de la région Paca Renaud Muselier, ou le ministre de l’agriculture Marc Fesneau.

« On a besoin de projets et de retenues et on voit bien cet été dans d’autres endroits. Si on n’avait pas Serre-Ponçon, c’est un immense ouvrage qui a été fait il y a 50 ans (...) Aujourd’hui, tout le monde s’en réjouit, les agriculteurs, les gens qui s’occupent de tourisme, les associations environnementales. Ça permet de maintenir les étiages », disait notamment le ministre.

Un lac asséché à l’été 2022

Le réservoir d’eau artificiel de Serre-Ponçon a été achevé en 1959 par la construction d’un barrage sur la Durance, deux kilomètres à l’aval de son confluent avec l’Ubaye. Le but à l’époque et pour les années futures : contribuer à la régulation des crues de la Durance, à l’irrigation de la région provençale et à la production d’électricité.

Le barrage est le premier maillon de ce qu’EDF nomme la « chaîne hydroélectrique » de la Durance et du Verdon, qui fournit l’eau potable à plus de 3 millions de personnes, contribue à l’irrigation de 80.000 hectares de terres agricoles et sert en eau industrielle près de 400 entreprises.

Mais son aménagement avait été imaginé dès le XIXe siècle après des événements dévastateurs comme les crues de 1843 et 1856, ou les sécheresses de 1895 et 1896. Rien qu’entre 1832 et 1890, près de 200 crues de plus de 3 mètres se sont produites au Pont de Mirabeau, le point de passage entre quatre départements (Vaucluse, Var, Bouches-du-Rhône et Alpes-de-Haute-Provence).

Le plan d’eau de Serre-Ponçon est par ailleurs devenu avec les années un lieu touristique important pour l’économie de la région.

Mais un lieu lui aussi directement touché par le changement climatique. En juillet dernier, l’impact des fortes chaleurs et du manque de pluie en France s’était particulièrement fait ressentir autour du lac. Des images satellites (ci-dessous) attestaient de son assèchement accéléré.

Il a fallu s’adapter « à descendre plus loin dans le lac ». Quelques plages ont fermé, il a fallu déployer des moquettes pour accéder aux bateaux sans se blesser sur les cailloux. Ancrer les bateaux à des bouées plutôt qu’aux pontons. La quasi totalité de la réserve agricole a été sollicitée et des mesures de restrictions mises en place.

Un niveau de remplissage « normal pour la saison »

En cette journée « événement » pour le lac et face à l’été potentiellement compliqué qui s’annonce avec la sècheresse, le compte Twitter de l’office du tourisme de Serre-Ponçon a par ailleurs publié un thread expliquant son niveau de remplissage actuel, qualifié de « normal pour la saison ».

Actuellement à 60% de sa capacité, le lac-réservoir est en phase de remplissage, alimenté par les eaux de la Durance et la fonte des neiges. A l’automne et en hiver, la réserve en eau est sollicitée pour produire de l’électricité. Mais depuis mi-février, priorité est donnée au stockage.

Le lac artificiel de Serre-Ponçon reste donc sans commune mesure avec les méga-bassines comme celle de Sainte-Soline où de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont eu lieu samedi 25 mars. Plusieurs associations et mouvements écologiques sont opposés à ces retenues d’eau creusées dans la terre ; ils dénoncent en effet un « accaparement » de l’eau par « l’agro-industrie » à l’heure du changement climatique.

Seize bassines, d’une capacité totale d’environ 6 millions de mètres cubes, doivent être créées pour stocker, en plein air, de l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de « substitution ». Ce projet soutenu par l’État est porté par un groupement de quelque 450 agriculteurs qui y voient un moyen d’assurer la survie de leurs exploitations face aux sécheresses à répétition.

Dans les deux cas, au lac de Serre-Ponçon et à Sainte-Soline, le réchauffement climatique jouera un rôle majeur dans les années futures, alors que les experts anticipent une diminution de 10 à 40 % de la ressource en eau, jusqu’ici abondante dans le climat tempéré de la France, dans les prochaines décennies.

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