Mac Lesggy à la météo sur M6, un choix qui laisse (climato)sceptique

 À compter de ce lundi 4 septembre, Mac Lesggy est ainsi aux commandes de la « météo instructive » de M6.
À compter de ce lundi 4 septembre, Mac Lesggy est ainsi aux commandes de la « météo instructive » de M6.

ENVIRONNEMENT - Un costume excentrique, des lunettes rondes, un ton sérieux. Depuis 1991, le personnage de Mac Lesggy séduit les foyers avec son émission de vulgarisation scientifique E=M6, qui répond à des questions en lien avec le quotidien. Après 33 saisons, les audiences sont toujours au beau fixe, à tel point que M6 a décidé de confier à son animateur vedette une toute nouvelle mission pour la rentrée : celle d’animer sa météo quotidienne. À compter de ce lundi 4 septembre, Mac Lesggy est ainsi aux commandes de la « météo instructive » de M6, un format similaire au Journal météo climat de France télévisions.

Du lundi au jeudi soir à 19h40, Mac Lesggy présentera le bulletin météo habituel, puis poursuivra avec « une pastille explicative sur des problématiques climatiques », précise la chaîne au HuffPost, qui a décliné notre demande d’interview avec le présentateur. Lors d’une conférence de présentation des programmes de rentrée en juillet, Guillaume Charles, membre du directoire chargé des antennes et des contenus du Groupe M6, a expliqué que l’animateur luttera « contre les contre-vérités » autour du climat.

La foudre du Giec

Un choix qui étonne alors, que Mac Lesggy est régulièrement pointé par des scientifiques pour ses propos climato-dénialistes. Et depuis l’annonce de son arrivée aux commandes du journal météo de M6, ses prises de bec sur Twitter avec les chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ont redoublé.

Le 5 juillet, jour de l’annonce de ses nouvelles fonctions par M6, l’animateur de 60 ans décide de marquer le coup sur Twitter en s’exprimant sur le changement climatique… Et il crée immédiatement une polémique en laissant entendre que la lutte contre le réchauffement est vaine. « Le réchauffement climatique […] est inarrêtable à court ou moyen terme. Seule une politique active d’adaptation permettra d’en limiter les conséquences », a-t-il écrit dans le tweet ci-dessous, s’attirant les foudres d’un bon nombre de climatologues, dont Valérie Masson Delmotte, ancienne co-présidente du groupe 1 du Giec.

La chercheuse a recadré le présentateur en s’appuyant sur les projections du rapport du Giec, dont les conclusions sont le résumé des connaissances actuelles sur l’évolution du climat. « Le réchauffement futur n’est pas acté par les émissions de gaz à effet de serre passées […]. Si les émissions mondiales étaient mises à zéro, il n’y aurait quasiment pas de réchauffement supplémentaire », a-t-elle répliqué. En d’autres termes, Valérie Masson Delmotte explique ici que tout n’est pas perdu pour le climat, d’où l’importance de diminuer les activités humaines polluantes pour atténuer les conséquences du réchauffement planétaire.

Des propos « en décalage avec l’état des connaissances »

Le changement climatique n’est pas « inarrêtable », dit également au HuffPost Goneri Le Cozannet, co-auteur du Giec sur le chapitre « adaptation ». « Le rapport du Giec montre justement que le réchauffement peut être stabilisé à condition de réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effets de serre et explique comment procéder », argumente-t-il.

« D’autre part, le rapport du Giec montre que l’adaptation devient de moins en moins efficace à mesure que le climat se réchauffe. Par exemple, pour les coraux, il n’existe pas de méthode d’adaptation démontrée au-delà de 2 °C de réchauffement climatique », ajoute-t-il, appuyant que les deux actions, « atténuation et adaptation » sont complémentaires et ne doivent être opposées.

Malgré les explications des scientifiques, Mac Lesggy s’est défendu, refusant d’entendre raison : « Merci pour ces éléments, bien connus. Ils confirment malheureusement le tweet initial : à notre niveau, l’adaptation est urgente, la baisse des concentrations [de gaz à effet de serre] ne faisant guère l’objet d’un consensus politique/technique au niveau mondial. » Pour clôturer ce dialogue de sourds, Valérie Masson-Delmotte déplore le propos de l’animateur, un « discours d’inaction (...) en décalage avec l’état des connaissances ».

Technosolutionnisme

Et les propos dissonants avec l’état des connaissances scientifiques ne s’arrêtent pas là. Le 31 juillet, rebelote, le présentateur prêche pour le technosolutionnisme, qui consiste à croire que tous les bouleversements climatiques en cours peuvent être résolus par l’innovation technologique. « Pour atténuer le réchauffement climatique et s’y adapter, oui à la science et aux techniques », écrit-il sur Twitter. Sauf que les technologies pour sauver le climat, comme le captage de CO2 ou la géo-ingénierie, outre le fait qu’elles sont loin d’être au point, ont de nombreuses limites et peuvent avoir des effets néfastes sur les terres, l’eau, et la biodiversité.

Pour la plupart des scientifiques spécialisés dans le climat, croire que la technologie va résoudre la question du réchauffement n’est rien d’autre qu’une forme de climatoscepticisme. « Cela nous éloigne de la politique alors que le problème est politique », expliquait récemment à France Inter Nathanaël Wallenhorst, professeur à l’Université catholique de l’Ouest, docteur en sciences de l’environnement et de l’éducation, selon lequel seule « une rupture sociopolitique dans le fonctionnement des sociétés qui va permettre de contenir l’emballement climatique pour permettre une forme de pérennité de la vie humaine en société ».

Outre les remous provoqués par les récentes prises de position de Mac Lesggy sur le climat, celles sur d’autres questions en lien avec l’écologie sont décriées depuis des années déjà, en particulier sur l’agriculture. En 2019, il avait dénoncé le manque de « rigueur scientifique » d’un épisode d’Envoyé Spécial sur le glyphosate, ce qui lui avait valu une plainte pour diffamation, rappelle Libération.

Puis, en 2021, son émission E=M6 agriculture avait été accusée de faire la part belle à l’élevage intensif, rappelle le média L’ADN. « Les truies ne sont pas enfermées, elles sont juste bloquées pendant un certain temps pour ne pas écraser leurs petits », pouvait-on par exemple entendre dans un épisode diffusé mars 2021. En espérant que les dérapages seront moins nombreux dans sa nouvelle émission.

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