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"Elle n'est jamais revenue": des parents ukrainiens déplorent le vol de leurs enfants par les Russes

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, des enfants sont transférés en Russie, sans l'accord de leurs parents. À Kherson, libérée des envahisseurs, la "stratégie militaire" du Kremlin est désormais révélée au grand jour.

Anna Kmarska, 12 ans, originaire de Kherson, est retenue depuis plusieurs mois contre la volonté de ses parents en territoires contrôlés par les Russes. Cette ville, une des premières prises militaires du Kremlin il y a près d'un an, a été libérée par l'armée ukrainienne en novembre dernier. Mais beaucoup d'enfants manquent à l'appel.

"Il s’agit de déportation d’enfants car on ne m’a pas ramené ma fille. Elle est partie avec son école, elle n’est jamais revenue", témoigne sa mère au micro de BFMTV.

En effet, avant le départ des Russes, des tracts étaient affichés sur les commerces. On pouvait y lire: "Les parents souhaitant envoyer leurs enfants en colonie de vacances, rapprochez-vous des administrations des écoles de votre lieu de résidence."

Les parents d'Anna ont alors accepté cette proposition, pour éloigner leur fille des bombardements incessants. Depuis, ils se battent pour récupérer leur fille, encore dans le Donbass, qui leur lance des appels à l'aide.

"Ma petite maman, ramenez-moi à la maison s’il vous plaît, vous me manquez beaucoup, venez me chercher", a-t-elle lancé dans une vidéo que BFMTV s'est procurée.

Une "stratégie" bien huilée

Depuis février dernier, des milliers d’enfants ukrainiens ont été victimes de transferts forcés, organisés par les autorités russes. Selon la plateforme Children of War, plus de 15.000 disparitions ont été signalées.

Ces déportations sont notamment organisées par une femme, Maria Lvova-Belova, la commissaire aux droits de l’enfant de Vladimir Poutine depuis 2021. Pour d’autres, elle est surnommée "Bloody Mary".

L'ancienne sénatrice du parti présidentiel mène une politique de déportation d'enfants qu’elle assume et exhibe même sur sa chaîne Telegram.

"Les enfants originaires de ces territoires sont les nôtres, et leur avenir est ici avec les enfants russes", clame-t-elle dans des clips de propagande.

Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, "on ne peut voir ces séjours et ces transferts d’enfants que dans le cadre d’une politique militaire".

Déportés jusqu'en Sibérie

À 4000 kilomètres de leur Donbass d'origine, BFMTV est allé à la rencontre d'enfants adoptés, sans l'accord de leurs parents, par des familles russes. Roman Vinogradov, pasteur à Sadovy en Sibérie, a adopté cinq enfants ukrainiens grâce à un décret de Vladimir Poutine qui permet d’octroyer beaucoup plus rapidement la nationalité aux enfants ukrainiens.

D’après le couple, les jeunes Ukrainiens, désormais russes, vivent épanouis. Pourtant, quelques minutes après le début de l'interview avec l’une d’entre eux, Alla, elle explose en sanglots.

"Ma vie là-bas était bien. Avant d’être placée, je vivais dans un petit village du Donbass. On habitait dans une maison. Je vivais avec ma maman et avec ma sœur Alessia", confie-t-elle.

Leur mère, qui a perdu la tutelle de ses enfants pour des problèmes d’alcoolisme, ne récupérera jamais ses enfants selon Roman Vinogradov: "Si elle vient revendiquer ses droits de mère, elle n’aura rien."

125 enfants évacués

Face à cette situation, certains parents ont décidé de ne pas se laisser faire. Natalia Borisenko a réussi à rentrer en Russie avec d'autres parents en passant par la Biélorussie. Une fois arrivés dans une "colonie de vacances", les parents ont réussi à récupérer leurs enfants.

"On ne savait pas si on allait y arriver", déclare la mère de Daria, 12 ans, arrivée à la gare de Kharkiv.

Soulagée d'être revenue chez elle, Daria a pu raconter les stratégies russes pour que les enfants oublient leur famille. Couverts de cadeaux, bien nourris et occupés par des activités physiques et ludiques, les jeunes adolescents stationnaient plusieurs semaines dans ces centres, avant d'être placés dans des familles russes, et tirer un trait sur leur identité ukrainienne.

Malgré tout, "ma mère me manquait et ma maison aussi, on voulait toutes rentrer à la maison", concède Daria au micro de BFMTV.

Fin janvier, seulement 125 autres enfants ont pu rentrer de Russie comme Daria.

Article original publié sur BFMTV.com

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