La Nupes peut-elle être supplantée par un « rassemblement de la gauche et des écologistes » ?
Face à une NUPES qui bat de l’aile, une autre expression fait discrètement son chemin. Avec le risque de ne pas réussir à faire mieux ?
POLITIQUE - « Mélenchon ne dit pas qu’il y a un point de non-retour sur le fait qu’on souhaiterait enterrer la NUPES, ce n’est pas vrai ». L’intervention de Mathilde Panot résonne étrangement, mardi 24 octobre, dans la salle des conférences de presse de l’Assemblée. Dimanche, le leader insoumis a pourtant écrit noir sur blanc sur son blog que « le point de non-retour est franchi » et encore plus explicitement envers son noyau dur : « Les bases LFI savent donc qu’elles doivent se passer des députés qu’elles ont élus il y a un an. ». Un nouvel épisode révélateur des tensions maximales au sein de l’ex (?) alliance de gauche et de la difficulté pour chacun d’acter ou non la mort de la Nupes.
Comment Jean-Luc Mélenchon est devenu le problème principal de la NUPES, y compris au sein de LFI
Un putatif « rassemblement de la gauche et des écologistes » apparait de plus en plus régulièrement dans les prises de positions des alliés, depuis que le conflit entre Israël et le Hamas a isolé LFI. Le premier à dégainer est le Parti communiste le 15 octobre, dans une déclaration intitulée « Ouvrons une nouvelle page du rassemblement de la gauche et des écologistes ! ». La direction communiste acte sa prise de distance avec la coalition et dit vouloir « rencontrer dans les prochains jours toutes les forces de gauche et écologistes et débattre publiquement des conditions et des contenus pour construire ce rassemblement dont le pays a besoin. »
Rebelote au Parti socialiste deux jours plus tard. La direction décide d’un moratoire des députés PS dans les activités de l’intergroupe à l’Assemblée - contrairement aux députés communistes qui peuvent y rester - et se dit « dans l’attente de la construction de ce nouveau cadre commun de l’union de la gauche et des écologistes ».
Même chez les écologistes, les seuls à ce jour à ne pas avoir officiellement pris leurs distances - malgré des critiques non dissimulées envers le leader insoumis - le ton est le même : « Nous sommes majoritaires à avoir envie que ça se passe bien, que ça s’appelle Nupes ou pas. (...) Donc si à un moment, il faut que cela s’appelle autrement, cela restera l’union de la gauche et des écologistes, sous un nom ou sous un autre », déclarait la secrétaire nationale du parti Marine Tondelier sur France Culture le 14 octobre.
« C’est une erreur de la part des insoumis de considérer que l’unité ne passe que par la Nupes » - David Cormand, écologiste
Opportunément, La France Insoumise a été la première à déposer la marque « Nouvelle union populaire écologique et sociale » à l’INPI le 18 mai 2022. Même si l’ex-secrétaire national des Verts, Julien Bayou en a fait autant en septembre, beaucoup estiment que dans l’opinion et par ce geste, LFI est la Nupes et inversement. « C’est une erreur de la part des insoumis de considérer que l’unité ne passe que par la Nupes puisque la Nupes leur appartient », relève David Cormand, eurodéputé écologiste, auprès du HuffPost. « Pour LFI, il n’y a pas d’unité possible sans que ce soit à leurs conditions. Ce n’est pas ça qui peut rassembler », prévient-il.
Autre exemple criant, les futures élections européennes de juin 2024. Alors que La Nupes n’a pas réussi à présenter de liste commune, la France Insoumise va « défendre le programme de la Nupes », prévient Manon Aubry, eurodéputée LFI candidate à sa réélection, sur Sud Radio, le 24 octobre, alors qu’elle pourrait partir seule.
Aux élections européennes de juin 2024, je porterai le programme de la NUPES pour être à la hauteur de l'immense espoir soulevé en juin 2022.
J'appelle toutes celles & ceux qui se reconnaissent dans ce programme à venir le défendre avec nous. pic.twitter.com/X9EMyU0X5I— Manon Aubry (@ManonAubryFr) October 24, 2023
De quoi entraver l’union en vue de 2027 ?
En façade chacun assure qu’il œuvre au rassemblement. « On veut travailler avec ceux qui, en sincérité, veulent réussir le rassemblement de la gauche et des écologistes, pour un candidat unique à l’élection présidentielle en 2027 », répète Olivier Faure dans un entretien à l’AFP le 17 octobre.
Ces dernières semaines, des discussions discrètes ont eu lieu entre écologistes, socialistes, communistes et insoumis frondeurs. L’Express rapporte une rencontre en marge du match de rugby France-Afrique du Sud, le 15 octobre, en présence de Marine Tondelier, Benoît Hamon, Yannick Jadot et Olivier Faure. Côté Insoumis ? Le député de la Somme François Ruffin. Avec Clémentine Autain, Raquel Garrido ou Alexis Corbière.
Tous en ont commun d’avoir pris le contre-pied de Mélenchon sur la qualification terroriste du Hamas et plus largement sur le fonctionnement de La France Insoumise pas assez « démocratique ». « Le problème n’est pas la Nupes, le problème c’est la méthode Mélenchon », décrivait déjà Olivier Faure dans Libération le 11 octobre.
« Clarifications » vs « précisions »
À cette critique, le cercle proche de Mélenchon répond que l’ancien parlementaire est le seul à avoir atteint les 22 % à la dernière présidentielle, là où ses rivaux de gauche n’ont pas dépassé les 5 %. L’argument a du poids : compliqué d’exclure de l’alliance des le mouvement qui pèse le plus lourd. Et les lieutenants fidèles de l’ex-candidat à la présidentielle, ironisent sur ce nouvel attelage qui les en excluerait, comme l’a tweeté Adrien Quatennens en utilisant le mot « goche », ironie empruntée à son patron quand il ne veut pas s’allier avec les autres.
Aucune réaction des chefs des partis de « la goche et des écologistes » (PS, PCF, EELV) au discours va-t-en guerre de Macron ni à l’adhésion de la France à la théorie du choc des civilisations à peine masquée derrière le vocable confus de « guerre au terrorisme ».
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) October 24, 2023
En réalité, personne n’ose être le premier à acter le décès de la Nupes. De peur de perdre et d’être accusé d’être le meurtrier. Alors chacun se renvoie la responsabilité de la potentielle fin d’une union que les électeurs pourraient juger sévèrement. Dans Dimanche en Politique le 23 octobre sur France 3, Olivier Faure réclame des « des clarifications » à LFI sur le fonctionnement de la NUPES. Le 24, c’est Manuel Bompard qui réclame Olivier Faure des « précisions » sur le moratoire socialiste révèle Le Figaro. Le jeu de dupes est loin d’être fini.
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