Cette ONG aide les réfugiées ukrainiennes à avorter en Pologne

Des organisations internationales viennent en aide aux femmes ayant des difficultés d'accès à l'IVG. En Pologne, les réfugiées ukrainiennes sont dans cette situation.

UKRAINE - Alors que le droit à l’avortement est menacé aux États-Unis, le sujet est également bien présent en Pologne, pays très anti-IVG et où de nombreuses femmes ukrainiennes, victimes de trafics, de violences et de viols, sont réfugiées depuis le début de leur guerre avec la Russie. Des ONG et activistes, comme Women On Web, tentent de leur venir en aide.

Service d’aide à l’avortement médicamenteux, l’organisation est présente en Pologne depuis des années. “Avant la guerre, des femmes polonaises traversaient la frontière pour avorter en Ukraine, où la législation était moins dure”, raconte au HuffPost Venny Ala-Siurua, directrice exécutive de l’ONG.

Depuis 2005, Women on Web fournit des kits de pilules abortives aux femmes dont la grossesse date de moins de 12 semaines, dans plus de 200 pays dont la Pologne. “Nous recevons environ 25 000 messages par an de ce pays, chiffre-t-elle. Entre 2020 et 2021, nous avons reçu 60 000 demandes. Même si toutes les demandes n’aboutissent pas, c’est très élevé.”

Depuis le début de l’invasion russe, des réfugiées ukrainiennes traversent la frontière tous les jours et font face aux dures lois polonaises anti-IVG. L’avortement n’y est permis que dans trois cas de figure : en cas de viol, d’inceste ou si la grossesse met en danger la vie de la femme.

“En pratique, c’est presque impossible d’avorter légalement en Pologne. Même les pilules du lendemain sont sur ordonnance.”Venny Ala-Siurua, directrice exécutive de Women on Web

“En pratique, c’est presque impossible d’avorter légalement en Pologne, dénonce Venny Ala-Siurua. Même les pilules du lendemain sont sur ordonnance.” En cas de viol, par exemple, il faut qu’une enquête criminelle soit ouverte, qu’un procureur délivre un certificat qui prouve que le crime a eu lieu. “C’est déjà très compliqué pour les Polonaises mais c’est encore pire pour les Ukrainiennes qui sont traumatisées par la guerre et qui doivent justifier les crimes dont elles ont été victimes”, estime-t-elle.

“Entre les mains de criminels locaux”

Nouvelle graduation dans l’horreur : certaines Ukrainiennes sont tombées à leur arrivée en Pologne “entre les mains de criminels locaux” qui ont profité de leur vulnérabilité pour les agresser ou les violer, comme le rapporte Libération, qui cite le média ukrainien Zaborona.

“Le mois dernier, une Ukrainienne de 19 ans qui avait fui la guerre a déclaré qu’un homme de 49 ans lui avait offert un abri, mais qu’elle avait ensuite été violée, y relate la journaliste Nastya Podorozhnya, à l’origine de la plateforme Martynka, une ligne d’assistance psychologique et juridique via Télégram mise en place pour aider les ukrainiennes réfugiées en Pologne.

“La police et les procureurs ont recueilli des preuves, procédé à un examen médical et à un interrogatoire, poursuit-elle. Une semaine plus tard, le tribunal a statué qu’il n’y avait pas eu de violence contre la jeune fille parce qu’elle n’avait pas résisté activement. Le juge a changé l’accusation de viol en exploitation sexuelle dans une situation de dépendance.” L’homme a écopé de 3 ans de prison contre 12 pour viol.

La législation polonaise pas respectée

La législation polonaise n’est donc pas toujours respectée, même en cas de risque médical. En septembre, Izabel, une Polonaise de 30 ans, est morte parce que les médecins n’ont pas pratiqué d’avortement. Et ce, alors que la situation mettait en péril sa santé et que le fœtus présentait des malformations.

“Le viol de guerre est déjà en lui-même un crime très difficile à documenter et signaler, souligne Venny Ala-Siurua, de Women on Web. C’est très improbable que les femmes ukrainiennes qui en ont été victimes puissent obtenir l’autorisation d’avorter en Pologne.”

Dès le début de l’invasion russe, le site a traduit ses contenus en Ukrainien. “Nous collaborons avec des lignes d’assistance ukrainiennes et des activistes en Pologne, qui prodiguent des conseils juridiques gratuits et renvoient les femmes vers nous si elles ont besoin d’avorter”, détaille Venny Ala-Siurua.

Nous avons réussi à envoyer des kits d’avortement dans des hôtels, auberges et centres d’hébergement, même quand les femmes n’ont pas d’adresse fixe."Venny Ala-Siurua, directrice exécutive de Women on Web

Les femmes porteuses d’une grossesse non désirée bénéficient tout d’abord d’une consultation en ligne avec un médecin. Les raisons de l’avortement ne sont jamais demandées aux femmes. S’il n’y a pas de contre-indication, un kit d’avortement médicamenteux (Mifépristone et Misoprostol) leur est envoyé par la poste via des pharmacies en ligne.

Les consultations sont gratuites pour les plus démunies. ”À la fin du processus, on demande aux femmes de faire un don, avec des tarifs qui s’adaptent en fonction de la situation de chacune, explique-t-elle. Cela peut être une toute petite contribution voire rien du tout, si la personne n’a pas de revenus.”

Pour les femmes ukrainiennes, aucune contribution n’est demandée. Le service reçoit cinq demandes par jour et dit avoir aidé une cinquantaine de femmes réfugiées en Pologne. “Nous avons réussi à envoyer des kits d’avortement dans des hôtels, des auberges et des centres d’hébergement, même quand elles n’ont pas d’adresse fixe”, souligne Venny Ala-Siurua.

6 réfugiés sur 10 en Pologne

Selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’Onu (HCR), plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, dont 90 % sont des femmes et des enfants. Près de six réfugiés sur dix ont fui en Pologne. Selon les gardes-frontières polonais, la barre des trois millions a été dépassée cette semaine.

La Pologne doit renforcer “de façon urgente” ses mesures de prévention et de surveillance pour protéger les réfugiés ukrainiens sur son sol, en particulier les femmes, victimes de trafics, de violences et de viols, a mis en garde vendredi 29 avril l’ONG Human Rights Watch.

Aucun des cinq centres d’accueil visités par HRW n’avait prévu de mesures “pour dépister les abus ou identifier le besoin de traitements appropriés”, médicaux ou psychologiques “après un viol ou des violences sexistes”.

L’organisation “Avortement sans frontières” (Aborcja Bez Granic), une coalition de six ONG polonaises et internationales, a de son côté affirmé avoir aidé 267 femmes déplacées en Pologne à accéder à des avortements entre début mars et mi-avril, souvent en leur fournissant des pilules abortives.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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