Le plan Eau d’Emmanuel Macron doit contenir ces mesures pour être efficace

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu va présenter ce jeudi 30 mars le plan Eau du gouvernement. (Cette photographie montre une partie du lac asséché de Montbel, dans le sud-ouest de la France, le 21 février 2023)
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu va présenter ce jeudi 30 mars le plan Eau du gouvernement. (Cette photographie montre une partie du lac asséché de Montbel, dans le sud-ouest de la France, le 21 février 2023)

ENVIRONNEMENT - Lutte contre le gaspillage, réutilisation des eaux usées, « volet agricole »... Après la plus grande sécheresse hivernale en France depuis 1959, le gouvernement a promis de mettre les bouchées doubles sur les économies d’eau. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a annoncé lundi que le plan du gouvernement pour améliorer la gestion de l’eau, ressource menacée par les sécheresses et le réchauffement climatique, sera présenté ce jeudi 30 mars. C’est Emmanuel Macron en personne qui le rendra public depuis les Hautes-Alpes.

« Le fond de l’affaire, c’est le fait de se retrouver avec un réchauffement climatique qui nous oblige à penser une sobriété dans l’eau », a rappelé Christophe Béchu, citant les experts climats qui estiment « entre moins 10 et moins 40 % » de disponibilité en eau douce en France dans les prochaines décennies.

« Jusqu’ici on a fait la cigale avec les ressources en eau, il va désormais falloir être la fourmi », alerte Fabienne Trolard, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture (Inrae), jointe par Le HuffPost. Selon la chercheuse, et sa consœur Agnès Ducharne du CNRS, pour éviter la pénurie d’eau cet été, des mesures d’urgences mais aussi de moyen et long terme, doivent être prises par le gouvernement. En voici des exemples ci-dessous.

Appel à la sobriété dans les foyers

  • Les écogestes

« À cette période de l’année où ce n’est pas l’agriculture qui est la plus gourmande en eau, l’un des plus gros postes de consommation d’eau potable vient des consommateurs », explique au HuffPost Agnès Ducharne, directrice de recherche au CNRS, au laboratoire METIS à Paris.

La première mesure d’urgence pour économiser l’eau et éviter son gaspillage est donc d’appliquer les « écogestes » tels que : tirer la chasse d’eau moins fréquemment, prendre des douches au lieu des bains et réduire le temps passé sous l’eau. « C’est une contribution individuelle non négligeable. Actuellement, notre consommation moyenne d’eau s’élève à 150 litres d’eau potable par jour et par personne », ajoute la spécialiste du cycle de l’eau. Et un tiers de cette eau disparaît dans les toilettes.

À cet égard, pour les villes en alerte sécheresse, comme c’est le cas actuellement pour 87 communes du Var, dont deux sont en alerte renforcée, la préfecture peut prendre des mesures de restrictions comme l’interdiction d’arroser son jardin, de laver sa voiture ou encore de remplir sa piscine ou son spa privé.

  • Stocker l’eau dans les jardins

Mais on peut aller encore plus loin dans les économies d’eau. « Il faut encourager les gens qui ont un espace extérieur à avoir des dispositifs de stockage de l’eau », considère Fabienne Trolard. En vertu de l’article 641 du Code civil, il est effectivement autorisé en France de récupérer l’eau qui tombe du ciel pour arroser son gazon et ses plantations par exemple.

« Malheureusement, c’est le seul usage pour l’instant permis en France, alors qu’en Allemagne et en Belgique, ça fait trente ans qu’on construit des maisons avec des citernes sous les immeubles pour récupérer les eaux de pluie », déplore la scientifique.

  • Consommer moins d’électricité

Efficace aussi pour économiser de l’eau : consommer moins d’électricité chez soi. En effet, pour fabriquer de l’électricité, beaucoup de modes de production requièrent de l’eau. « En hydroélectricité, si on turbine moins, l’eau retenue dans les grands barrages, c’est de l’eau que l’on garde pour plus tard. Quant aux centrales électriques, qu’elle soit thermiques ou nucléaires, elles ont besoin d’eau pour le refroidissement des installations », abonde la directrice de recherche du CNRS. L’avantage, c’est que les écogestes de sobriété énergétique, depuis cet hiver, nous les connaissons par cœur.

Mettre en place des quotas et augmenter le coût de l’eau

« Outre les actions individuelles, il me semble que les mesures qui doivent être mises en place à l’échelle nationale sont l’abaissement des quotas et l’augmentation du prix de l’eau », poursuit Agnès Ducharne.

Afin de redonner de la valeur à l’or bleu, la spécialiste pense que les pouvoirs publics devraient se pencher sur l’idée de généraliser les quotas à tous les secteurs d’activité, déjà mis en place pour certains usages agricoles et industriels, afin de « revoir à la baisse les prélèvements d’eau aux plus gros usagers. »

« On pourrait aussi envisager une mesure de tarification progressive pour les usagers », poursuit-elle. Le principe serait de faire augmenter progressivement le prix du m3 d’eau au rythme de la consommation. Ainsi, les premiers mètres cubes sont ainsi « très peu chers voire gratuits », et cela inciterait à des comportements plus sobres. Ce système existe depuis le 1er janvier 2023 à Montpellier et treize communes alentour. Concrètement, le tarif de l’eau est le suivant : de 0 à 15m3 consommés : 0 € ; de 15 à 120 m3 : 0,95 € ; de 120 à 240 m3 : 1,40 €. Et au-delà de 240 m3 : 2,70 €.

Recycler l’eau

La réutilisation les eaux usées traitées (REUT) pourrait aussi être une piste envisagée par le gouvernement dans son plan sécheresse. Le ministre Christophe Béchu a en effet regretté ce mercredi 22 février sur France info que « moins de 1 % de nos eaux usées soient retraitées, alors qu’elles sont réutilisées 10 fois plus en Italie, 20 fois plus en Espagne et près de 85 fois plus en Israël ».

Le principe de la réutilisation des eaux usées est simple, une fois que l’eau est utilisée dans les habitats, elle va être recueillie puis traitée dans des stations d’épuration afin d’être réinjectée dans le circuit d’eau potable. Actuellement, elle est rejetée dans les cours d’eau. Cette eau recyclée peut servir à bien des usages comme l’irrigation agricole, le nettoyage des voiries, la lutte contre les incendies, ou même les arrosages de golf. Le recyclage de l’eau est aussi primordial dans le secteur industriel.

« Le problème, c’est qu’il faut réfléchir à une toute nouvelle infrastructure de distribution, d’assainissement et de traitement des eaux. Ce sont des investissements à moyen et long terme qui sont longs et coûteux », note la scientifique de l’Inrae. Malgré tout, elle juge qu’« avec un peu d’intelligence et des systèmes de filtration à l’entrée des habitations », on pourrait même réutiliser l’eau pour les toilettes, ou pour les machines à laver.

Adapter notre modèle agricole

Autre secteur sur lequel devra plancher le gouvernement dès cet hiver : l’agriculture qui absorbe la moitié de la consommation d’eau potable en France. Et pour cause, les cultures sont déjà assoiffées.

  • Des espèces moins gourmandes en eau

« Le blé ne prend pas correctement racine en ce moment. Pour que les racines s’allongent, il faut qu’il y ait de l’eau à puiser dans les sols. Et il n’y en a pas. Si ça continue le rendement en blé cette année sera catastrophique », remarque la chercheuse de l’Inrae, Fabienne Trolard. Mais face aux dégâts causés par la sécheresse, les solutions d’urgence ne sont pas convaincantes et c’est sur le long terme que la réflexion doit être menée.

C’est pourquoi, au-delà des restrictions, le ministère de la Transition écologique doit aussi se pencher sur les mesures d’adaptation aux périodes de sécheresses de plus en plus récurrentes. Le choix des espèces végétales cultivées doit être par exemple revu : alors que le maïs très gourmand en eau domine les champs français, le sorgho pourrait petit à petit le remplacer. « Dans le Sud, les maraîchers commencent déjà à planter des espèces tropicales », affirme encore Fabienne Trolard.

  • Les retenues d’eau artificielles peu efficaces

La stratégie de construction des retenues artificielles - qui ont déjà fait polémique comme à Sainte-Soline - n’est en revanche pas adaptée au changement climatique, selon Agnès Ducharne. « Le ministère de l’Agriculture et la filière agricole ont eu tendance à penser ces dernières années qu’augmenter la capacité de stockage dans des retenues artificielles permettrait aux agriculteurs de passer le cap des sécheresses. Mais il n’y a désormais plus de pluies suffisantes pour remplir ces ouvrages de stockage », précise-t-elle à ce propos.

« Pour résumer, sur ce plan sécheresse, le gouvernement ne doit pas proposer seulement des écogestes mais agir dans tous les secteurs dans notre économie », conclut l’experte.

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