Procès de MHD : retour sur le tabassage mortel dont le rappeur est accusé avec huit autres personnes

Neuf personnes, soupçonnées d'être impliquées dans le meurtre d'un jeune homme à l'été 2018, dont le rappeur MHD, vont être jugées devant la cour d'assises de Paris à partir de ce lundi.

THOMAS SAMSON © 2019 AFP

Des coups de pied, des coups de poing, mais surtout une trentaine de coups de couteau, dont l'un d'eux lui sera mortel. C'est un passage à tabac d'une violence inouïe qu'a subi Loïc K., dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 juillet 2018 à l'angle de la rue Saint-Maur, dans le 10e arrondissement de Paris. Malgré l'intervention des secours, qui tentent de le réanimer, le jeune homme de 23 ans, battu à mort par une dizaine de personnes, décède de ses blessures.

Ce meurtre d'une rare violence, sur fond de règlement de comptes entre bandes rivales, est jugé par la cour d'assises de Paris à partir de ce lundi. Jusqu'au 22 septembre, ils sont neuf à comparaître sur les bancs de la salle Voltaire pour homicide volontaire. Et parmi eux, le rappeur MHD, de son vrai nom Mohamed Sylla, inventeur auto-proclamé de l'"afro-trap", mélange de rap et de musiques africaines.

Une trentaine de coups de couteau

Quelques minutes plus tôt, ce 6 juillet, Loïc K. se trouve sur la place du Buisson Saint-Louis avec sept de ses amis. Le petit groupe voit arriver, du haut de la rue du même nom, sept individus cagoulés. Juste derrière eux, une Mercedes noire les suit. Loïc et ses amis comprennent rapidement qu'ils viennent pour eux. Ils prennent la fuite en courant, en empruntant la rue Saint-Maur. Loïc ferme la marche.

Mais à quelques mètres du jeune homme de 23 ans, la berline accélère et le percute violemment par l'avant-gauche, le projetant au sol. Il tente de se relever, mais il est "immédiatement ceinturé" par plusieurs individus. Et son supplice ne fait que commencer. Pendant de longues minutes, Loïc est frappé à coups de pieds et de poings et poignardé à plusieurs reprises. Inerte, le jeune homme est pourtant attrapé par les pieds par l'un de ses agresseurs, qui le traîne au sol pour dégager le passage, avant de lui asséner un dernier coup de pied au visage et de prendre la fuite avec ses comparses. Les secours arrivent quelques minutes plus tard et tentent un massage cardiaque, en vain. Il est 3h34 quand les pompiers prononcent le décès de Loïc.

Sur place, les policiers retrouvent un Opinel ensanglanté et une batte de baseball. En plus des ecchymoses, l'autopsie révèle une trentaine de plaies par arme blanche, dont "une lacération importante ayant fortement découpé la pointe du nez" et une plaie à la cuisse, qui a provoqué une hémorragie fatale.

Des rivalités exacerbées

Pour les enquêteurs du 2e district de la police judiciaire parisienne, en charge des investigations, il s'agit d'un règlement de comptes entre groupes rivaux du nord-est parisien, auxquels ils sont régulièrement confrontés. Ils connaissent bien les deux bandes: celle de la Grange-aux-Belles dans le 10e arrondissement de Paris, à laquelle appartenait Loïc, et celle des Chaufourniers dans le 19e, connu sous le nom de Cité rouge. Depuis la mort d'un jeune des Chaufourniers en 2017 lors d'une rixe, les rivalités entre les deux bandes sont exacerbées.

Mais ce 6 juillet, un événement précède le meurtre de Loïc. Vers 20h55, des membres de la cité de la Grange-aux-Belles s'introduisent au domicile familial de Binke K., munis de bâtons et de gourdins, et le menace de mort. Sauvé par la famille qui se trouve dans l'appartement, Binke K. alerte sa bande des Chaufourniers. Le groupe se déplace dans le 10e arrondissement de Paris et s'en prend à l'un des membres de la Grange-aux-Belles, réfugié dans un bar.

Si les forces de l'ordre arrivent rapidement sur les lieux et interpellent cinq personnes, d'autres réussissent à prendre la fuite. Mais la scène s'est déroulée sous les yeux de plusieurs clients. Plusieurs d'entre eux, présents dans le bar, affirment avoir reconnu le rappeur MHD, qui réside dans la cité des Chaufourniers.

Pour les enquêteurs, l'artiste de 28 ans fait aussi partie de l'expédition punitive qui a ôté la vie quelques heures plus tard à Loïc K. Grâce au recoupement de plusieurs vidéos, ils ont pu déterminer la position et les actions de chaque agresseur, identifiant MHD comme "l'individu D". Selon leurs conclusions, le rappeur est descendu de la Mercedes, a frappé Loïc K., s'est enfuit à pied avant de revenir et de déplacer le corps de quelques mètres en le tirant par les pieds.

De "simples rumeurs"

Après six mois d'enquête, le rappeur est interpellé et placé en garde à vue le 15 janvier 2019. Devant le juge d'instruction, MHD conteste formellement avoir participé à cette vendetta. S'il était bien à Paris ce soir-là, il est "rendu avec ses amis dans un bowling porte de la Chapelle", puis près d'un bar de la Cité rouge en milieu de soirée, avant "de regagner le domicile de ses parents vers 2h du matin".

Pourtant, si les enquêteurs identifient "l'individu D" comme étant MHD, c'est qu'ils sont sûrs de le reconnaître sur les vidéos, notamment en raison de sa coupe et de ses cheveux teints en blond, identiques à "son concert du 14 juillet 2018 au festival de Dour". Sur les vidéos, "l'individu D" arbore un ensemble de survêtement Puma, marque dont le rappeur est ambassadeur. D'autant que ce modèle, selon l'entreprise, n'était pas encore commercialisé à cette époque, mais uniquement réservé à ses égéries. Et parmi les témoins, ils sont plusieurs à certifier le reconnaître formellement.

Des "simples rumeurs", estime l'artiste. "On est plus de 20 à la cité à avoir une teinture blonde", avance le rappeur devant le juge d'instruction. Et l'ensemble Puma? Il reçoit des colis "chaque semaine en tant qu'ambassadeur de la marque" et les "donne parfois" dans "le quartier Chaufourniers", explique-t-il.

Des "charges très faibles"

C'est pourtant sa Mercedes qui est utilisée pour l'expédition punitive. Elle est retrouvée partiellement incendiée le lendemain, près de la cité des Chaufourniers. À l'intérieur du véhicule, les enquêteurs découvrent des photos d'identité du rappeur et un cahier, intitulé "MHD, histoires d'enfances irrégulières". Si l'artiste reconnaît être le propriétaire de la berline, il affirme la prêter régulièrement à ses amis et "ignorer qui a pris le volant" ce soir-là.

Contactés par BFMTV.com, les avocats du rappeur n'ont pas souhaité réagir. Mais lors de l'annonce de son renvoi devant les assises, l'un d'eux Me Antoine Vey, avait déclaré que le dossier "repose sur de très faibles charges qui pourront être balayées lors du procès". Me Juliette Chappelle, qui représente la famille de Loïc K. n'a pas non plus répondu à nos sollicitations.

Les neuf suspects, tous mis en examen pour "homicide volontaire", encourent trente ans de réclusion criminelle.

Article original publié sur BFMTV.com

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