Qu'est-ce que le "rêve indien", ce challenge TikTok qui inquiète les parents ?
Populaire dans les cours de récréation depuis, le "rêve indien", aussi connu sous le nom de "sommeil indien" inquiète de plus en plus les adultes. Inspirée du jeu du foulard, cette tendance dangereuse populaire sur TikTok est la cause de nombreux incidents.
Apparu en 2021 dans les cours de récréation, le jeu du "rêve indien" ou "sommeil indien" a connu un regain en septembre dernier et continu de préoccuper les enseignants. Challenge principalement relevé par les adolescents, ce jeu fascine de plus en plus d'enfants. Dérivé du tristement célèbre "jeu du foulard", le "rêve indien" s'est rapidement propagé via le réseau social TikTok qui a fini par masquer le hashtag. La raison ? Sa dangerosité. Trop souvent pris à la légère par de nombreux adolescents en quête de frissons, ce jeu inquiète les parents et les enseignants.
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"Il faut expliquer aux enfants qu’il ne faut pas jouer avec ces jeux-là"
Le concept est simple. Le Dr. Céline Levavasseur, pédiatre au centre hospitalier du Belvédère à Mont-Saint-Aignan, explique que le but est "de respirer très fort et très vite. Les jeunes vont hyperventiler jusqu'à atteindre l'hyperoxie (l'hyperoxie est due à un excès d'apport en oxygène, ce qui peut avoir des conséquences sur l'organisme ; ndlr) puis se mettre en apnée jusqu'au malaise. Ce sont des sensations dites plaisantes." Très fréquemment pratiquées lors de séances de yoga, ces techniques de respiration sont connues et maîtrisées par les adultes. "Mais les enfants vont se bercer de cette manière pour se faire tourner la tête et très vite, ils apprennent avec leur corps à avoir des sensations de vertige."
Malheureusement, les effets de ce jeu s'avèrent difficilement contrôlables et les évanouissements sont nombreux. Les risques pour la santé sont considérables. De multiples cas de traumatismes crâniens et des crises d'épilepsie ont été recensés. Le phénomène est tel qu'en 2021, une collégienne est décédée après avoir fait un malaise. Depuis la rentrée de septembre 2023, l'intervention des pompiers et du SAMU a été plusieurs fois demandée, notamment dans la Somme et à Saint-Brieuc. Le Dr. Levavasseur alerte et appelle à la prévention : "Il faut expliquer aux enfants qu’il ne faut pas jouer avec ces jeux-là."
"S'ils y jouent après les repas ils peuvent s’évanouir et se vomir dans les poumons"
Loin d'être un challenge ordinaire, le "rêve indien" est un jeu plus dangereux qu'il n'y parait. Le premier risque est de se blesser pendant la chute. "Lors du malaise, si les enfants ne sont pas en sécurité, ils peuvent se casser une dent ou se taper la tête sur le bord du lavabo, causant alors un traumatisme crânien" indique le Dr. Levavasseur. Avec pour objectif de garder le jeu secret et d'échapper à la surveillance des adultes, les amateurs de sensations fortes se cachent dans les toilettes de leur école ou dans leur salle de bain. Le pire moment pour relever le défi reste le déjeuner : "S'ils y jouent après les repas, ils peuvent s’évanouir et se vomir dans les poumons."
Outre les conséquences physiques, le "rêve indien" impacte aussi l'activité cérébrale et cardiaque. Le manque d'oxygène endommage les neurones. À titre de comparaison, le cerveau adulte ne supporte pas le manque d’oxygène au-delà de trois minutes. Les enfants, eux, le tolèrent un peu plus longtemps. "Quand je réanime un bébé, c'est dix minutes maximum. Plus ils sont jeunes, plus ils récupèrent rapidement" déclare l'experte. Cependant, lorsque cette privation est répétitive, on remarque que certaines zones du cerveau ne sont pas bien oxygénées. Il n'est à ce jour pas possible de prévoir quelle zone cérébrale risque d'être impactée. Cela peut être la zone du langage, la zone de l’épilepsie, la zone de la mémoire, de la vue… Le Dr. Levavasseur affirme qu'avec le temps "on peut remarquer qu'un enfant à du mal à écrire, à retenir, à s'exprimer ou simplement à se tenir en équilibre." Même si aucune étude ni IRM de suivi n'a été réalisée sur les enfants et les adolescents adeptes de ce jeu, la mauvaise oxygénation est, en revanche, connue pour ses conséquences parfois irréversibles sur le fonctionnement moteur.
Que faire si l'on est témoin de cette pratique ?
Ce challenge n'est pas à prendre à la légère. Si vous êtes témoin de l'hyperventilation d'un proche, la priorité est de rétablir une respiration normale avant le malaise. Le Dr. Levavasseur recommande d'allonger la personne sur le côté, en position latérale de sécurité : "Il est tout à fait possible qu'ils perdent l'équilibre ou qu'ils fassent un malaise lors du processus de retour à la normale." En cas d'évanouissement, il est important de positionner la personne sur le côté en PLS. L'intervention du SAMU est indispensable.
Spécialisée en allaitement et en psychologie post-partum, le Dr. Levavasseur avoue avoir déjà conseillé des mamans inquiètes dont les aînés s'amusaient à relever ce défi : "De ce que j'ai pu voir, lorsque les enfants remarquent l'inquiétude des parents, ils renoncent au challenge." Mais pour éviter le drame, beaucoup se demandent comment sensibiliser les jeunes aux dangers auxquels les réseaux sociaux peuvent parfois les exposer. "Tout comme pour les agressions sexuelles, l'alcool ou la drogue, il faut en discuter et expliquer que le corps est leur meilleur ami. Il ne faut pas lui faire du mal, car les conséquences peuvent être irréversibles ou temporairement handicapantes" conseille la pédiatre.
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