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Taux de sucre des aliments vendus Outre-Mer: attentes et inquiétudes autour d'une enquête de Bercy

(Photo: Zen Rial via Getty Images)
(Photo: Zen Rial via Getty Images)

ALIMENTATION - Que vous soyez en Martinique ou à Paris, le soda Fanta n’aura pas vraiment le même goût. En 2011, un rapport a prouvé que les aliments et boissons importés en Outre-mer étaient largement plus sucrés que dans l’Hexagone. Assez pour poser un problème de santé publique et mener à la création d’une loi en 2013. Loi dont l’application réelle est questionnée en cette rentrée 2021.

Dans son édition du 24 août, le Canard Enchaîné a affirmé que la publication d’une enquête de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) sur la bonne application de la loi Lurel avait été reportée par le ministère de l’Economie à la fin de l’année à cause de ses résultats “accablants”.

Cette loi permet de contrôler la quantité de sucre dans les boissons et aliments importés dans les Outre-mer. Elle impose aussi que le taux de sucre ne doit pas dépasser celui d’un produit similaire de la même marque vendu dans l’hexagone. Depuis son entrée en vigueur donc, il ne devrait plus être possible de trouver dans les supermarchés ultramarins des yaourts avec 29,8% de sucre en plus qu’à Paris - comme l’a établi le rapport mené en 2011 par les régions Martinique et Guadeloupe.

Mais sept ans après sa promulgation, est-ce réellement le cas? Non, selon les informations du Canard Enchaîné. De quoi interpeller les élus ultramarins, parmi lesquels Victorin Lurel, député et auteur de la loi, qui a réclamé au gouvernement la diffusion publique “immédiate” de ce rapport.

Bercy et la DGCCRF démentent

Contactés par Le HuffPost ce 3 septembre, le ministère de l’Economie tout comme la DGCCRF démentent fermement les révélations du Canard Enchaîné sur le report de publication du rapport et évoque un retard dû à la crise du coronavirus.

“Les investigations nécessaires à l’enquête étaient prévues pour le deuxième semestre 2020. Toutefois, comme un grand nombre d’enquêtes prévues à cette période, leur lancement effectif a été retardé par les conséquences de la crise sanitaire et certains contrôles ont été reprogrammés au cours des premiers mois de l’année 2021”, précise l’institut.

Pour l’instant, “son bilan n’a pas encore été rédigé par les services centraux de la DGCCRF”. Prochaine date de publication annoncée? “Fin octobre” avec la publication prévue d’un compte rendu sur leur site.

À noter que l’enquête “vise tout particulièrement le secteur des boissons rafraîchissantes sans alcool”, c’est-à-dire les sodas. Et le point de comparaison est tout trouvé: en 2011, un rapport des régions Martinique et Guadeloupe mettait justement en évidence que le Fanta orange distribué aux Antilles contenait 42 % de plus de sucre que le même soda dans l’Hexagone. Reste désormais à savoir si dix ans plus tard, le chiffre a baissé.

Un problème de santé publique

Si les révélations du Canard ont eu un tel écho dans les DROM-COM, c’est parce que la question du taux de sucres dans les aliments est liée à un véritable problème de santé publique.

Dans les départements ultramarins, les taux de personnes souffrant d’obésité, d’hypertension artérielle ou de diabète sont au moins deux fois plus importants que la moyenne nationale. Ainsi, à La Réunion, la prévalence du diabète atteint 14%, contre 5% à l’échelle nationale.

En Martinique, “près de 28% des 16 ans et plus sont en situation d’obésité, deux fois plus qu’au niveau national”, s’est ému le président de la collectivité Martinique Serge Letchimy. Les chiffres alarmants, et qui le sont encore plus en cette période d’épidémie de coronavirus dans laquelle “l’obésité est un facteur majeur de comorbidité”, a ajouté l’élu local en appelant le gouvernement à “faire toute la lumière” sur la publication du rapport.

Des chiffres nécessaires à une prise de conscience

L’élu martiniquais et ses collègues guadeloupéens réclament notamment la diffusion du rapport pour “faire appliquer les sanctions qui s’imposent”. Toutefois, des données chiffrées précisent sont également réclamées par les scientifiques.

En 2019, des experts de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), mandaté par la DGS pour un rapport sur l’alimentation et la nutrition dans les Outre-mer , déploraient l’absence de données précises. Ou - en lisant entre les lignes - l’absence de chiffres détaillés prouvant ou pas l’application et les effets de la loi Lurel.

Interrogé par Le Monde à la sortie du rapport, André Atallah, chef du service de cardiologie du Centre hospitalier de Basse-Terre en Guadeloupe, indiquait que “le Fanta orange est revenu à 9 au lieu de 14 g pour 100 ml. Mais un grand nombre de produits manufacturés comportent encore trop de sucres.”

Dans ce contexte, renforcé par la terrible 4e vague de Covid qui frappe les régions ultramarines, les résultats de l’enquête de la DGCCRF sont donc plus qu’attendus.

Dans le journal L’Humanité ce vendredi 3 septembre, le porte-parole de la DGCCRF a même évoqué de “premiers éléments de l’enquête qui montrent une bonne application de la loi”, à rebours donc des informations du Canard. Rendez-vous est pris en octobre pour avoir le fin mot de l’affaire.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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