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Ukraine: cette médecin a filmé les horreurs de la guerre à Marioupol au jour le jour

C'est un document exceptionnel que nous diffusons ce vendredi matin: Ioulia Paievska, médecin ukrainienne de Marioupol, a filmé ses interventions auprès des blessés du premier jour de la guerre à la veille de son arrestation, le 10 mars. Auparavant, elle a pu transmettre la carte mémoire de sa GoPro à une équipe de journalistes.

C'est un corps allongé sur une civière et qu'on recoud dans l'urgence, ce sont deux jeunes gens qu'on tente de sauver, ce sont aussi des larmes. C'est avant tout un document exceptionnel sur les horreurs de la guerre en Ukraine: caméra GoPro fixée au front, la médecin Ioulia Paievska a filmé au plus près les horreurs de la guerre à Marioupol, depuis le premier jour de l'invasion russe jusqu'à la veille de sa capture par les troupes russes, deux semaines plus tard.

Auparavant, la praticienne a pu transmettre sa carte mémoire à une équipe de journalistes qui l'a sortie de la ville assiégée afin d'en faire connaître le contenu dans le monde entier. Tandis que Marioupol tombe actuellement sous le complet contrôle du Kremlin à mesure que les derniers défenseurs du site d'Azovstal se rendent, ces images témoignent aussi de l'héroïsme de la ville-martyre du sud-est ukrainien.

Un frère et une soeur

Ioulia Paievska commence à filmer son travail à l'hôpital dès le 24 février. Alors que les Russes viennent à peine d'entrer en Ukraine, leurs victimes affluent déjà sur les brancards. Deux jours plus tard, sa caméra enregistre un effroyable drame familial. Un frère et une soeur sont confiés à son équipe après avoir été pris au milieu d'une fusillade à hauteur d'un check-point. Leurs parents ont été tués.

Ioulia Paievska parle avec la jeune fille: "Tu as mal où ma chérie? Aux jambes, aux bras ?" "Tu es belle, intelligente... Calme-toi", tente-t-elle encore. Son équipe ne pourra rien, en revanche, pour ranimer son frère. Des tragédies du quotidien qui ne laissent pas la médecin indemne: on peut d'ailleurs l'entendre fondre en larmes.

Une expérience qui vient de loin

L'expérience de Ioulia Paievska en matière de médecine de guerre vient de loin. Elle est ainsi connue depuis plusieurs années en Ukraine pour avoir mis sur pied une unité d'évacuation des blessés, "Les Anges de Tera" d'après son propre surnom.

Son amie Olena Monova a décrit son sacerdoce devant les caméras: "Son équipe a sauvé nos blessés sur nos champs de bataille". "En passant, elle a aussi sauvé les soldats russes comme le prescrivent toutes les conventions", ajoute-t-elle.

Sa GoPro en livre la preuve. On voit ainsi Ioulia Paievska accueillir un soldat russe et donner cette consigne à ses collègues: "Couvrez-le, il tremble!" Tandis que le militaire ukrainien qui accompagne le prisonnier l'accable de questions et de commentaires, elle intervient:

"Ça suffit, officier!"

Arrêtée et transférée en Russie

Mais la médecin sait bien que ses bons offices ne la protègeront pas éternellement. Sentant que le siège de Marioupol et donc sa tâche touchent à leur fin, elle remet la carte mémoire de son appareil à des reporters le 9 mars. À charge pour eux de porter le fichier hors les murs. Une odyssée qui ne sera pas une mince affaire. Pour sortir le document numérique de la ville désormais investie de tous côtés par l'envahisseur, les journalistes ont dû le dissimuler dans un tampon hygiénique. Il fallait au moins ça pour passer les quinze points de contrôle russes et diffuser le regard de Ioulia Paievska dans le monde entier.

Interpellée dès le lendemain, le 10 mars, cette dernière est envoyée en Russie, où la justice l'accuse d'avoir collaboré avec le bataillon d'Azov.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Le maire de Marioupol estime qu'au moins 20.000 habitants ont été tués