Vaccination contre le papillomavirus au collège : une campagne « difficile à mettre en place » faute de moyens
VACCINATION - « On a très peu d’adhésions à cette vaccination, donc on est un peu déçues, parce qu’on savait que ça allait se passer comme ça », regrette une infirmière scolaire. Alors que la campagne de vaccination contre le papillomavirus a débuté ce lundi 2 octobre dans les collèges, pour les filles mais aussi pour les garçons de 5e, très peu d’élèves sont pour l’instant volontaires.
Son démarrage est prévu dans près de 7 000 collèges volontaires avant d’être étendu à tout le territoire. Cette vaccination contre le papillomavirus est gratuite, entièrement prise en charge par la Sécurité sociale et recommandée mais non obligatoire. Les élèves qui le souhaitent et ont le consentement des deux parents recevront une première dose dans les prochaines semaines, puis une seconde six mois plus tard, dans leur collège et sur le temps scolaire.
Sauf que les adolescents volontaires sont pour le moment très rares à s’être manifestés. « On nous a annoncé ça au mois de juillet, alors que les élèves étaient déjà partis, pour une mise en place dès la rentrée, souligne auprès du HuffPost Sandie Cariat, membre du bureau national du SNICS-FSU, le syndicat majoritaire des infirmiers de l’Éducation nationale. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain. »
Dans le collège de 800 élèves à Clermont-l’Hérault (académie de Montpellier) où elle travaille, seules deux personnes se sont manifestées, sur les 200 adolescents inscrits en 5e. Et la situation est similaire partout, « en métropole et en Outre-Mer », assure-t-elle. « Depuis juillet, on a simplement sensibilisé les familles par des mails, des communications par le biais de l’ENT, et ça ne suffit pas », regrette-t-elle.
Une défiance vis-à-vis de la vaccination
Il y a, selon l’infirmière scolaire, plusieurs autres raisons qui font que les élèves et les familles n’adhèrent pour l’instant pas. Tout d’abord, la confiance dans la vaccination, après la pandémie de Covid, a pris du plomb dans l’aile. « On fait face à une suspicion vis-à-vis de la vaccination, admet-elle. D’autres épisodes, type H1N1 ou hépatite B, ont aussi laissé des séquelles. C’est difficile derrière de mettre en place cette campagne. »
Or, si cette initiative est une « bonne chose » pour les élèves, elle pâtit d’un manque de moyens, de temps et de personnel pour effectuer « une réelle sensibilisation ». « Tout le travail en amont est fait par le personnel de santé dans les établissements scolaires, et on est loin d’avoir une personne dans chaque établissement, regrette-t-elle. Il y a plus de 23 000 établissements scolaires et nous ne sommes que 7 900 infirmières sur toute la France. »
En 2022, le grenelle de l’éducation a initié la création de 50 postes d’infirmiers scolaires, « une goutte d’eau » selon les professionnels. « On est censées faire de l’éducation à la sexualité, à la bienveillance, à la santé sur tous les sujets, le sommeil, les écrans, les conduites addictives, la vaccination, de la prévention contre le harcèlement… », énumère Sandie Cariat, qui estime réaliser environ 40 consultations individuelles d’élèves par jour.
Donner des moyens pour l’éducation à la santé
Comme la plupart des infirmières scolaires, elle partage son temps entre plusieurs écoles primaires et le collège où elle travaille. Elle estime que son poste devrait être occupé non pas par une mais par deux infirmières. « On reçoit les élèves au quotidien, j’assure 40 consultations par jour en moyenne, plus les réunions de suivi des élèves, celles sur le harcèlement et l’éducation à la santé… souligne-t-elle. Cette vaccination, c’est un plus pour les élèves, il faudrait vraiment qu’elle soit légitimée, réfléchie et amplifiée, mais en donnant des moyens à l’Éducation nationale. »
D’autant qu’en ce qui concerne le sujet de l’éducation à la vie sentimentale, affective et sexuelle, « les élèves sont très intéressés ». « Plus on leur met d’heures dans le programme et plus ils adhèrent, assure-t-elle. Cela leur permet de nous identifier comme personnel référent et de venir nous voir en consultation individuelle. Ce sont souvent aussi des moments où l’on détecte les élèves qui vont mal, ceux qui peuvent souffrir de harcèlement ou qui subissent des violences, sexuelles ou autres. »
« Avec du temps, on arrive à rassurer les familles »
Depuis 2001, la loi prévoit trois séances annuelles d’éducation à la sexualité tout au long de la scolarité. « Il n’y a que 20 % des établissements qui parviennent à organiser les trois cours par an, souligne Sandie Cariat. Après, il y en a énormément où il y a, a minima, une intervention par an sur ces thématiques-là. Mais trois séances par an sans moyens supplémentaires, c’est n’importe quoi. »
Si dans certaines familles, le sujet de la sexualité peut être difficile à aborder, pour des raisons culturelles ou religieuses, c’est un problème « à la marge » pour l’infirmière scolaire. « C’est vrai qu’il y a des publics où c’est un peu plus difficile, reconnaît la professionnelle. Mais en général, à partir du moment où l’on dit que cela fait partie du programme, qu’on est soutenus par les équipes et qu’on explique aux familles le contenu de ce que l’on fait pendant la séance, même s’il peut y avoir une réticence au départ, on arrive à les rassurer. » Mais c’est encore une fois une question de temps et de moyens.
En France, la vaccination est recommandée chez les filles de 11 à 14 ans depuis 2007, et chez les garçons depuis 2021. Moins de la moitié des adolescents sont cependant vaccinés en France, l’un des taux les plus faibles d’Europe. Les papillomavirus sont liés à l’apparition de plusieurs cancers, dont celui du col de l’utérus.
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