La variole du singe se transmet-elle surtout par les rapports sexuels ?

Alors que plusieurs études ont été publiées, la connaissance de l’épidémie de variole du singe commence à s’affiner. Et l’idée d’une transmission au cours des rapports sexuels se précise (photo au microscope réalisée à partir d’un échantillon clinique et colorisé digitalement).

Smith Collection / Gado / Getty Images

Alors que plusieurs études ont été publiées, la connaissance de l’épidémie de variole du singe commence à s’affiner. Et l’idée d’une transmission au cours des rapports sexuels se précise (photo au microscope réalisée à partir d’un échantillon clinique et colorisé digitalement).

SANTÉ - C’est une question qui a forcément un impact sur la manière dont les gouvernements mondiaux appréhendent l’épidémie de variole du singe : comment la maladie se transmet-elle ? Plus de trois mois après l’apparition des premiers cas en Espagne, 28 000 malades ont été dénombrés à travers le monde, de premiers décès ont été rapportés et des études scientifiques d’ampleur commencent à rendre leurs conclusions.

Ces derniers jours, trois publications scientifiques de référence, le Lancet, le British Medical Journal et le New England Journal of Medicine ont ainsi publié de premières analyses qui permettent d’en savoir plus sur le profil des personnes contaminées, les symptômes dont elles souffrent et la manière dont elles ont pu contracter la maladie.

Le rapport corporel, « mécanisme dominant de transmission » ?

L’ensemble de ces études ébauchent le même portrait type du patient : un homme adulte entretenant des rapports homosexuels. Une nouveauté par rapport à cette maladie déjà bien connue en Afrique, mais qui y touche essentiellement des enfants. Ainsi, l’étude de The Lancet, réalisée dans des structures médicales de Madrid et Barcelone, parle de 92 % des 181 malades comme étant des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes contre 8% de femmes (3%) et d’hommes hétérosexuels (5%).

Des proportions que l’on retrouve dans les remontées d’informations de Santé publique France. Dans son bilan du 4 août, l’Agence nationale évoquait une immense majorité d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes parmi les malades (96% des cas pour lesquels l’orientation sexuelle est renseignée).

L’autre élément notable de l’étude de la revue britannique porte sur le mode de transmission. Car si, depuis le début de l’épidémie, les scientifiques craignent de livrer des conclusions hâtives et de stigmatiser les hommes homosexuels, les chercheurs du Lancet parlent d’un rôle prégnant des relations sexuelles dans la transmission de la maladie. Ce qui va dans le sens des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, qui a officiellement invité les hommes gays à réduire leur nombre de partenaires sexuels.

« Notre étude accrédite l’idée qu’un rapport de peau à peau durant un rapport sexuel constitue le mécanisme dominant de transmission de la variole du singe, avec des conséquences notables sur la manière dont la maladie doit être appréhendée au niveau sanitaire », peut-on notamment lire dans l’étude. En clair, l’idée qu’il s’agisse d’une infection sexuellement transmissible (IST) n’est pas évoquée à ce stade ; il s’agit surtout de réduire les contacts cutanés prolongés, de muqueuse à muqueuse, particulièrement probables durant un rapport sexuel.

Quid du sperme et des aérosols ?

Un constat qui se retrouve dans les zones du corps concernées par les symptômes physiques : si l’ensemble des patients de l’enquête présentent des lésions cutanées, 78% sont atteints sur la zone anogénitale et 43% au niveau de la bouche. Même chose chez Santé publique France qui évoque 75% de patients atteints d’une « éruption génito-anale », en plus des accès de fièvre et des douleurs musculaires que provoque la maladie. Les études citent aussi des complications rares, mais encore jamais observées jusqu’alors : une inflammation du rectum ou un œdème du pénis.

Dès lors, la question de la pertinence des mesures prises pour protéger les populations (notamment l’isolement) se pose. Et les auteurs du Lancet le disent clairement : « La différence remarquable de charge virale entre les relevés sur les lésions et les relevés pharyngés mérite d’être étudiée plus en profondeur pour guider au mieux la décision d’isoler ou non les personnes. » À l’heure actuelle, en France, les malades sont contraints de s’isoler pendant 21 jours à titre d’exemple.

Ainsi, la piste d’une transmission par voie aérienne perd en crédibilité. Dans un échange avec la revue Science, l’auteur de l’étude résume ainsi les conclusions de son équipe : « La charge virale est très élevée dans les lésions cutanées et très faible dans les voies respiratoires, ce qui explique qu’il est probable que les transmissions se poursuivent par voie sexuelle ».

Reste toutefois de nombreuses zones d’obscurité, que seules des études approfondies et sur un échantillon plus large de patients permettront d’éclairer. À commencer par une hypothèse qui, si elle n’est pas exclue, est pour l’heure tout sauf accréditée par la recherche, à savoir celle de la transmission par le sperme.

Un doute sur l’efficacité de la vaccination ancienne

Une autre incertitude porte sur l’efficacité d’une vaccination ancienne. En effet, dans l’étude du Lancet, 18% des malades ont été vaccinés dans leur enfance contre la variole (« smallpox » en anglais, un virus proche de celui de la variole du singe et dont les vaccins sont censés être efficaces). Ce qui fait dire aux auteurs que « des investigations plus poussées sont nécessaires pour comprendre au mieux la protection offerte par la vaccination (ancienne, ndlr) dans le contexte de l’épidémie en cours ». Cela en notant toutefois que cette vaccination contre la variole, généralisée par l’OMS à la fin des années 1960 jusqu’à l’éradication de la maladie, peut remonter à des décennies, ce qui pourrait expliquer une baisse d’efficacité.

Toujours sur la vaccination, les chercheurs publiés par The Lancet préviennent : « Du fait d’une période d’incubation courte (sept jours en moyenne, ndlr) la vaccination des groupes à risque avant l’exposition à la maladie est probablement plus efficace que la vaccination a posteriori si les autorités sanitaires veulent contrôler l’épidémie. »

Dernier point soulevé par les données des différentes études : le lien entre le fait d’être contaminé par la variole du singe à cause d’une autre maladie. En effet, sans savoir s’il s’agit d’une simple corrélation ou si un lien direct existe, l’étude de The Lancet note que 40% des malades sont aussi infectés par le VIH. En France, dans les chiffres de Santé publique France, ils sont 26% dans le même cas, et 5% des malades sont immunodéprimés.

À voir également sur le HuffPost : Face à la variole du singe, pourquoi est-ce que la communauté gay s’inquiète ?

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