La vasectomie et le préservatif ne sont pas les seuls contraceptifs pour hommes

LIVRE - La contraception chez les hommes, vers la fin d’un tabou? Alors même que le youtubeur français Nota Bene a récemment pris la parole en vidéo pour évoquer sa vasectomie, une bande dessinée entend, elle aussi, lancer un pavé dans la mare. Elle s’intitule Les contraceptés et parait ce jeudi 14 octobre en librairie.

Ses auteurs, Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain, sont tous les deux journalistes. Âgés d’une trentaine d’années, ils sont tous les deux en couple avec des femmes.

Au cours d’un dîner entre amis, il y a quelques années, une discussion autour de la pilule contraceptive les bouscule. Comment se fait-il qu’ils n’aient jamais pensé aux conséquences que pouvait avoir le petit médicament sur leurs compagnes? Pourquoi n’ont-ils, eux, jamais envisagé d’alternative pour limiter les risques d’une grossesse non désirée?

Des injections de testostérone

Ces questions, ils ont voulu y répondre. Pendant trois ans, ils ont sillonné la France à la rencontre de spécialistes de la contraception masculine, mais aussi d’hommes qui ont opté pour des méthodes différentes au préservatif ou à la vasectomie. Ces outils “alternatifs” peuvent être parfois un brin artisanaux, mais se sont avérés efficaces. Il en existe deux.

La première méthode est dite hormonale”, nous explique Guillaume Daudin. Elle consiste en une injection intramusculaire hebdomadaire de testostérone. Ce traitement, visant à réduire le nombre spermatozoïdes, est réversible, mais doit se limiter, selon l’OMS, à 18 mois.

Le problème, c’est qu’elle n’est pas beaucoup pratiquée “car le réseau français est tel qu’il ne permet pas son déploiement, poursuit le co-auteur. L’injection n’est pas disponible partout et elle doit être pratiquée par un infirmier ou une infirmière. Cela nécessite pas mal de logistique.”

Le slip chauffant

La seconde est dite “thermique” et s’apparente parfois à ce qu’on appelle un “slip chauffant”. Ledit sous-vêtement, que certains hommes fabriquent eux-mêmes lors d’ateliers, n’est pas un radiateur, il vise à remonter les testicules hors du scrotum. Les glandes sexuelles étant ainsi “réchauffées”, cela entraîne l’arrêt de la spermatogenèse. Pour ce faire, il convient de porter le slip pendant quinze heures quotidiennement et d’attendre trois mois d’usage pour être certain d’être “contracepté”.

Dans leur bande dessinée, les deux journalistes ont rencontré un homme du nom de Maxime Labrit qui, dans son garage transformé en petit labo, a mis au point un anneau thermique en silicone permettant d’arriver au même résultat. Aujourd’hui, il assure avoir vendu 10.000 exemplaires. “Dans les années 1980, période d’expérimentation de la contraception masculine, on a estimé à seulement quelques centaines d’hommes le nombre d’utilisateurs du slip chauffant”, précise Guillaume Daudin.

Ce dernier s’est laissé convaincre. Depuis un an, il porte un anneau thermique. “C’est très simple: ça se met le matin, ça se retire le soir, confie-t-il au HuffPost. La journée, on oublie qu’on le porte, comme un sous-vêtement. Au bout de quelque temps, ça fait même bizarre quand on ne l’a pas.”

Le procédé n’est pas homologué, il n’a pas été validé par les autorités sanitaires, faute d’étude à grande échelle. Cependant, il est reconnu comme efficace et sans effet secondaire, d’après une étude de l’Association française d’urologie, publiée en 2020. Il peut être prescrit par certains médecins dans le cadre de protocoles d’essai, mais nécessite un suivi et, notamment, plusieurs spermogrammes au cours de la période d’utilisation.

Et la pilule masculine?

Quid de la pilule masculine dans tout ça? Comment se fait-il qu’elle n’existe toujours pas à ce jour? Professeure émérite à l’université de Twente, aux Pays-Bas, Nelly Oudshoorn est l’une des meilleures spécialistes dans le monde sur le sujet. Dans les pages ci-dessous, elle apporte quelques éléments de réponse à nos auteurs.

(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)
(Photo: Steinkis)

Une question demeure. Pourquoi ces méthodes contraceptives sont-elles encore si peu démocratisées? “Les premiers responsables, constate Guillaume Daudin, ce sont les hommes. Sous la pression d’une espèce de main invisible du patriarcat, ils sont très tranquilles avec la contraception actuelle dans leur couple et ne se posent pas la question. Ils laissent cette charge à leur partenaire.”

“Tout le monde se renvoie la balle”

Les laboratoires ont, eux aussi, leur part de responsabilité, selon lui. “Parce qu’ils estiment que les hommes ne sont pas intéressés par la contraception, ils ne vont pas proposer de méthode, continue le journaliste. Ils n’investissent pas dedans pensant qu’il n’y a pas de marché.”

Enfin, aux autorités publiques d’ouvrir le dialogue. “Quand elles parlent aux Français de contraception, elles parlent aux femmes”, constate le co-auteur du livre. L’élargissement du remboursement de la contraception aux femmes de moins de 25 ans, avancée par Olivier Véran au mois de septembre, peut en témoigner. Pourquoi ne parler qu’aux femmes? Parce que “le poids financier de la contraception repose avant tout sur [elles]”, a répondu le ministre à l’AFP, au mois d’octobre.

“Tout le monde se renvoie la balle”, commente Guillaume Daudin. L’enquête qu’il publie lui a ouvert les yeux, mais l’a surtout informé. Aujourd’hui, force est de constater que le déficit d’information en la matière “provoque des réactions amusées, des moqueries et une absence d’intérêt, ajoute-t-il. Si tous les hommes savaient qu’il existe d’autres méthodes pour se partager la contraception au sein du couple, ce serait déjà différent.” La BD qu’il signe, ce jeudi, vient combler un manque.

À voir également sur Le HuffPost: Pourquoi on ne parvient toujours pas à créer une pilule contraceptive pour les hommes?

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

LIRE AUSSI...