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Virgil Abloh, Jean-Pierre Pernaut: Parler de son cancer ou le taire, leur décision illustre un dilemme

Que l’on s’appelle Virgil Abloh ou Jean-Pierre Pernaut, que l’on soit célèbre ou inconnu, l’annonce d’une maladie chronique à son entourage, proche ou moins proche, est un moment qui n’est jamais simple, et pour lequel il n’existe pas de formule magique. (Photo: Getty)
Que l’on s’appelle Virgil Abloh ou Jean-Pierre Pernaut, que l’on soit célèbre ou inconnu, l’annonce d’une maladie chronique à son entourage, proche ou moins proche, est un moment qui n’est jamais simple, et pour lequel il n’existe pas de formule magique. (Photo: Getty)

PSYCHOLOGIE - Un cancer contre lequel “il se battait en privé depuis des années”. Dimanche 28 novembre, le créateur Virgil Abloh est décédé des suites d’un angiosarcome cardiaque, une forme rare et agressive de cancer du cœur, à l’âge de 41 ans. Comme Chadwick Boseman, célèbre acteur de Black Panther, décédé en 2020 d’un cancer du côlon à 43 ans, le styliste et directeur artistique de Vuitton avait choisi de ne pas rendre public son combat contre la maladie. Deux décès qui ont pris tout le monde de court, tant pour l’annonce en elle-même que pour sa raison.

À l’inverse, le 24 novembre dernier, Jean-Pierre Pernaut déclarait être atteint d’un cancer du poumon. “J’ai été idiot, con de ne pas arrêter de fumer plus tôt”, confiait l’ancien présentateur du 13-Heures de TF1 dans une interview au Parisien.

Préserver l’intimité

Que l’on s’appelle Virgil Abloh ou Jean-Pierre Pernaut, que l’on soit célèbre ou inconnu, l’annonce d’une telle maladie à son entourage, proche ou moins proche, est un moment qui n’est jamais simple, et pour lequel il n’existe pas de formule magique. “Souffrir d’une maladie chronique comme le cancer relève de l’ordre de l’intimité, de la souffrance physique et morale. Cette intimité, certains ont envie de la préserver, quand d’autres ont besoin ou envie de la rendre publique”, explique au HuffPost le docteur Ophélie Soulie, psychiatre à l’institut Curie de Paris.

De fait, pour cette spécialiste en psycho-oncologie, il existe “tout autant de réponses ou de manières de gérer la maladie que de malades eux-mêmes. Chacun fait comme il peut, avec les ressources qu’il a”.

Certains, comme Virgil Abloh, gardent privée cette information. Quelle que soit la notoriété d’une personne, s’ouvrir sur la maladie, partager cette difficulté auprès de ses proches, peut être très douloureux. “Le dire rend réelle l’angoisse que génère la maladie. À partir du moment où vous partagez cette information, l’idée d’être malade, de pouvoir en mourir, est mise en exergue. Ce qui est douloureux, c’est la prise de conscience de cette réalité”, poursuit-elle.

Source de soulagement

En même temps, ce partage peut aussi être source de soulagement. En trouvant du soutien dans la sphère familiale, ou dans la sphère professionnelle, par exemple. “Pourquoi informe-t-on ses proches?”, interrogeait Sarah Dauchy, alors psychiatre à l’institut Gustave Roussy, centre de soins, de recherche et d’enseignement prenant en charge les patients atteints de cancer, contactée par Le HuffPost à l’occasion de la sortie du film Juste la fin du monde, de Xavier Dolan. “Est-ce par besoin de partager et recherche de soutien, ou par devoir d’informer, voire de préparer à la perte?”, poursuit-elle.

“En annonçant la maladie, le patient va s’alléger d’un poids énorme”, explique à Psychologies Marie-Frédérique Bacqué, professeur de psychopathologie à l’université de Strasbourg. “Il va se libérer du fardeau du secret”.

Garder des repères

Dans le cas de Jean-Pierre Pernaut, “cette idée de partage, en rendant la maladie publique, permet de transmettre certaines informations”, suppose-t-elle. À ce sujet, l’ancien présentateur a lui-même fait part de sa volonté d’informer, d’inviter ceux qui le souhaitent et le peuvent à arrêter le tabac. “Je ne suis pas devenu un ayatollah de l’antitabagisme, mais je fais partie des gens qui n’ont pas fait suffisamment attention aux mises en garde qu’on me lançait. J’ai été idiot, con de ne pas arrêter de fumer plus tôt. S’il y a deux personnes qui arrêtent parce que j’en parle, j’ai gagné.”

Virgil Abloh n’a pas cessé de créer et de travailler sur ses collections pendant ses mois de lutte contre le cancer. Sa dernière collection pour Louis Vuitton est d’ailleurs présentée ce mardi 30 novembre. “Quand on a du mal à parler de ce que l’on vit, cela peut-être parce qu’on en a peur, mais aussi pour garder une forme de stabilité, des repères, dans un moment de chaos”, explique Ophélie Soulie. À ce moment-là, on peut ne pas avoir envie de se montrer uniquement à travers le filtre de sa maladie, de garder la maîtrise de l’image que l’on renvoie”.

À voir également sur Le HuffPost: Jean-Pierre Pernaut atteint d’un cancer du poumon

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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