Le Zodiaque-Heriberto Seda: la course à la célébrité par le crime

Notre série d'été Copycat Killer - BFMTV
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"C’est le Zodiaque qui vous parle." A la fin des années 1960, le tueur aux lettres cryptées a terrorisé la région de San Francisco, aux Etats-Unis, avant de s’évanouir sans explication. Son spectre a refait surface vingt ans plus tard sur la côte Est, sous l'œuvre macabre de son copycat qui, lui, n’a pas réussi à échapper à la police.

Dans la nuit du 20 décembre 1968, un double meurtre marque le début d’un parcours criminel sanglant. David Faraday et Betty Lou Jensen flirtent dans leur voiture, aux abords du lac Hermann, entre Vallejo et Benicia en Californie, quand des coups de feu arrachent les amoureux à leur idylle. La jeune femme tente de prendre la fuite mais est abattue de cinq balles dans le dos. Le même sort est réservé à son compagnon.

Sur le lieu du crime, une zone isolée à l’abri des regards, aucun témoin, aucune trace laissée par l’assaillant ne permet aux enquêteurs de se lancer sur une piste. Sept mois plus tard, une nouvelle attaque tétanise la région. Darlene Ferrin et Michael Mageau sont visés par des tirs d’arme à feu alors qu’ils se trouvent dans leur véhicule à Blue Rock Springs Park, près de Vallejo. La jeune femme succombe à ses blessures, son amant en réchappe.

Signature et recherche de célébrité

Les policiers font le lien avec le double meurtre commis en décembre 1968. La scène est identique et surtout, elle est signée.

"Pour la première fois, le tueur laisse une inscription sur la portière de la voiture, tracée à la pointe d’un couteau, avec la date du précédent crime et celle du 4 juillet 1969", explique à BFMTV.com Stephane Berthomet, un ancien policier installé au Canada qui mène des enquêtes documentaires sur des affaires criminelles.

Une inscription similaire, énumérant ses méfaits, est relevée le 27 septembre 1969 sur le véhicule de Bryan Hartnell, poignardé à mort avec Cecilia Ann Shepard, aux abords du lac Berryessa. Le tueur veut qu’on fasse le lien entre ses différents crimes et est dévoré par une quête assoiffée de "célébrité médiatique", note Stéphane Berthomet.

A partir du mois d’août 1969, il inonde le San Francisco Chronicle, le San Francisco Examiner et le Vallejo Times Herald - des journaux locaux - de lettres dans lesquelles il revendique ses meurtres. L’homme les signe d’un cercle barré d’une croix, comme une sorte de cible dans un viseur, et se fait appeler "le Zodiaque". "C’est le Zodiaque qui vous parle."

"Ce sont des lettres écrites en messages codés. Les cryptogrammes sont extrêmement complexes, suffisamment pour que leur mystère ait résisté des décennies", observe Stéphane Berthomet.

Messages cryptés

Près de 50 ans après la série de crimes du Zodiaque, un rébus a pu être résolu. Un concepteur de sites Web américain, un mathématicien australien et un logisticien belge, passionnés par cette affaire, ont réussi à décrypter l’un des nombreux messages adressés à la presse et à la police entre 1968 et 1969.

"J'espère que vous vous amusez bien à essayer de m'attraper. Je n'ai pas peur de la chambre à gaz car elle va m'envoyer au paradis très bientôt parce que j'ai maintenant assez d'esclaves pour travailler pour moi", aurait écrit le Zodiaque, évoquant, dans un code déchiffré en 1969, le plaisir qu’il prend à tuer des inconnus.

S’il affirme que son identité se cache dans l’un de ces cryptogrammes, celle-ci n’a toujours pas été mise au jour et les chances de le retrouver se sont peu à peu évanouies après l’envoi de sa dernière lettre, en 1978. Plusieurs descriptions physiques ont pourtant été dressées par les rescapés de ses attaques.

"Parfois, il est présenté comme un homme d’âge moyen, entre 35 et 40 ans, avec des lunettes rectangulaires et des cheveux courts coiffés en arrière. D’autres fois, c’est un homme avec une cagoule qui tombe sur sa poitrine comme un plastron et qui semble de confection artisanale", détaille l’ancien policier installé au Canada.

Au total, cinq meurtres lui sont attribués mais lui en revendique 37, entretenant ainsi la terreur autour du personnage insondable qu’il a construit. Le jeu du chat et de la souris que le Zodiaque a instauré avec la police, cette image qu’il s’est créée et qui a été extrêmement médiatisée à une période où on n’avait pas coutume de le faire, et le fait d’avoir réussi à ne jamais être attrapé, sont autant d'éléments qui peuvent expliquer que son identité a par la suite été usurpée.

Identité usurpée

Le 31 mai 1990, un septuagénaire est grièvement blessé par balles à New York. Il succombe à ses blessures trois semaines plus tard mais parvient cependant à fournir à la police une brève description de son agresseur: il s'agit d'un homme négligé, avec une moustache et une barbe. Pas très avancés, les enquêteurs passent la scène de crime au peigne fin et découvrent que le mystérieux assaillant leur a laissé une lettre manuscrite.

"Je suis le Zodiaque. Les douze signes astrologiques vont mourir", est-il écrit, avec comme signature un cercle barré d'une croix. L'auteur mentionne également trois signes: scorpion, gémeaux et taureau, rapporte la chaîne de télévision américaine Oxygen, spécialisée dans les émissions sur les faits divers.

"C'est une différence notoire avec le tueur du Zodiaque intial qui ne semblait pas viser ses victimes en fonction de leur signes astrologiques. Il s'agissait plutôt de crimes de circonstances", commis au hasard, souligne Stéphane Berthomet.

Quelques jours plus tard, cette même missive est adressée au New York Post, un journal américain. Le tueur affirme qu'il ne débute pas son dessein criminel. "Le premier signe est mort le 8 mars 1990, le deuxième le 29 mars 1990 et le troisième le 31 mai 1990", dit-il. La police parvient à vérifier les informations livrées par le nouveau Zodiaque et constate que Mario Orozco - un scorpion - et Jermaine Montenegro - un gémeaux - ont bien été attaqués par un même homme, mais contrairement à ce qu'assure la lettre, ils ont survécu.

Mais les investigateurs restent dans le flou, et le mystère s'épaissit encore quand celui qui se fait appeler le Zodiaque se met en retrait pendant quatre années. Jusqu'à une nouvelle lettre en 1994. Au mois d'août, le New York Post reçoit une missive dans laquelle l'imitateur se dit responsable de cinq attaques supplémentaires. La police récolte des éléments de preuves qui le rattachent à quatre agressions, dont deux mortelles, celles d'un Lion, d'une Balance, d'une Vierge et d'un Taureau.

"Je pourrais devenir célèbre"

Malgré quelques descriptions, les enquêteurs pataugent toujours. Qui est ce meurtrier qui clame être le Zodiaque? C'est une fusillade en 1996 qui leur permet, par hasard, de répondre à cette question. La police est dépêchée au pied d'un immeuble new yorkais dans lequel un homme séquestre sa soeur, visée par des coups de feu. Après trois heures de prise d'otage et de négociations, le forcené, Heriberto "Eddie" Seda, se rend et est conduit au commissariat. Il reconnaît son acte et signe sa déposition à la façon du Zodiaque.

Un coup de théâtre qui entraîne de nombreuses vérifications: son écriture correspond bien à celle des lettres émises depuis 1990, idem pour les empreintes digitales relevées dessus. Enfin, les pistolets retrouvés chez lui sont identiques à ceux utilisés pour commettre ses crimes. Eddie Seda avoue tout. Ce solitaire ayant grandi dans la précarité new yorkaise explique ne pas avoir digéré son échec aux examens pour rejoindre les rangs de l'armée américaine.

"Ca m'a énervé", raconte au New York Magazine celui qui a découvert le tueur du Zodiaque par le biais d'un documentaire. "Je me suis dit: ce type a terrorisé une ville entière et il n'a jamais été attrapé. Moi je n'ai rien, pas de famille, pas de travail. Avec ça, je pourrais devenir célèbre", raconte-t-il à la journaliste Esther Haynes qui l'a rencontré en prison.

"Eddie voulait faire croire que le tueur du Zodiaque originel était revenu pour reprendre ses meurtres", écrit-elle. Le copycat a été condamné en 1998 pour trois meurtres et neuf tentatives de meurtres à 235 années de réclusion criminelle. A ce jour, il purge toujours sa peine dans une prison de l’Etat de New York.

Article original publié sur BFMTV.com