Airbags défectueux de Citroën - "Plus que 15 jours à risquer ma vie", "Trop de scandales, et nous, le petit peuple, on doit se laisser faire", "On roule avec un cercueil" : les détenteurs d'une Citroën ont peur pour leur vie

"Envoyé Spécial" a mené l'enquête sur les airbags Takata. Aujourd'hui, plus de 130 modèles de voitures, toutes marques confondues, sont concernés par le scandale. 15 personnes ont perdu la vie en France à cause de ces airbags. Une plainte a été déposée ce 21 janvier par l'UFC-que-Choisir contre le groupe Stellantis.

Airbags défectueux de Citroën -
Airbags défectueux de Citroën - "Plus que 15 jours à risquer ma vie", "Trop de scandales, et nous, le petit peuple, on doit se laisser faire", "On roule avec un cercueil" : les détenteurs d'une Citroën ont peur pour leur vie. (Photo : Getty Images)

Le constructeur automobile Stellantis est dans la tourmente. Ce mardi 21 janvier, l'UFC-Que Choisir a déposé une plainte contre ce dernier, dans le cadre de l'affaire des airbags défectueux de l'équipementier Takata. Cette histoire ne vous parle pas ? Si vous possédez un véhicule de la marque Citroën, Opel, Seat ou même Volkswagen, vous pouvez être concernés.

Au total, sur l'ensemble du territoire français, on dénombre une trentaine d'accidents liés aux airbags Takata, dont 15 personnes ont perdu la vie depuis 2016. Un scandale dans le monde de l'industrie automobile, qui implique des millions d'airbags fabriqués par l'équipementier japonais Takata entre 1998 et 2019. Et si le défaut de ces airbags est bien connu depuis plus de dix ans, il a pourtant été révélé tardivement. Les premiers problèmes liés aux airbags surviennent en 2008, aux Etats-Unis. Il faudra attendre 2015 pour que Takata reconnaisse officiellement que les gonfleurs contenant du nitrate d’ammonium sont instables. Aujourd'hui, près de 500 000 véhicules sont considérés comme de véritables bombes à retardement, et font l'objet d'un rappel par Stellantis en France.

"Pratiques commerciales trompeuses, tromperie aggravée et mise en danger délibérée de la vie d'autrui." L'UFC-Que-Choisir ne mâche pas ses mots. Dans sa plainte datant du 21 janvier, l'association de consommateurs dénonce une gestion catastrophique des rappels de véhicules équipés d'Airbags Takata défectueux. Si certains constructeurs automobiles se sont empressés de rappeler leurs véhicules concernés depuis une dizaine d'années, d'autres ont préféré laisser traîner. Citroën en fait partie.

Il aura fallu attendre mai 2024 pour que Citroën daigne lancer sa campagne "Stop Drive". Cinq ans après la fin des modèles concernés, la marque rappelle à l'usine ses C3 et DS3 produites entre 2009 et 2019. Mais le mal est déjà fait. Alors pourquoi le constructeur automobile a-t-il tant tardé à rappeler ses véhicules ? Selon l'UFC-Que-Choisir, le coût faramineux d'un tel rappel aurait pu être un frein pour la marque. L'association de consommateurs pointe également un "manque d'anticipation" ainsi qu'un "défaut de priorité" de la part de Citroën. Une priorité accordée aux résultats financiers plutôt qu'aux automobilistes.

Il est 18h15 lorsque Tom, prend le volant de sa Citroen C3 le 15 novembre 2023. Sur une départementale proche de Pau, alors qui roule à 55 km/h, une autre voiture percute la sienne. Et là, c'est le drame. Son airbag explose. Tom se voit en sang, du t-shirt au pantalon. "Je me suis dit que j'allais y passer", confie-t-il aux caméras d'Envoyé Spécial. Sa clavicule est cassée. Mais surtout, une capsule métallique de la taille d'une balle de golf est retrouvée au fond de son épaule. "Votre fils est un miraculé", assure le chirurgien aux parents de Tom. À quelques millimètres près, cette pièce en métal envoyée à 300km/h vers le corps du jeune homme venait le tuer sur le coup. Aujourd'hui, près d'un an après l'accident, la voiture de Tom vient tout juste de livrer ses secrets : son airbag a explosé. "On vous dit que c'est fait pour vous protéger, mais c'est fait pour vous tuer", confie-t-il. Après plusieurs opérations, des mois d'arrêt maladie et une cinquantaine de séances chez le kiné, Tom compte bien trouver le responsable.

Et Tom n'est pas la seule victime. Trois jours après son accident, un autre habitant du sud de la France voit l'airbag de sa Citroën C3 exploser, et le tuer sur le coup. Depuis 2016, au moins 14 autres personnes ont été tuées de la même manière.

Pour les caméras d'Envoyé Spécial, la marque tenait à montrer que tout est sous contrôle. Ce jour-là, le tournage est étroitement surveillé par l'attaché de presse de Citroën et tous ses directeurs locaux, régionaux et nationaux. "L'objectif c'est de réparer le plus vite possible tout le parc roulant disponible, et c'est une opération qu'on est en train de mener, probablement à fin novembre", assure Hervé Albouy, directeur concession Citroën de Toulouse. Mais après de longues recherches, les journalistes de l'émission découvrent qu'au moment du tournage, Stellantis rappelait uniquement ses véhicules situés au sud de Lyon. Et même pour ceux-là, trouver un rendez-vous pour changer son airbag peut être long. Très long.

Sur X, les automobilistes concernés n'hésitent pas à se confier. Aline, propriétaire d'une Citroën, a dû attendre six mois pour pouvoir changer ses airbags défectueux. Une autre internaute assure quant à elle avoir dû attendre huit mois pour avoir un rendez-vous chez son garagiste. "Plus que quinze jours à risquer ma vie avec mon Airbag Takata", glisse Chloé sur X. "Celui côté passager est désactivé depuis des mois déjà."

Notre base de données, elle est faite de nos clients. Premiers clients, premières mains, avec la facture de vente. Mais quand cette personne vend son véhicule, nous n'avons plus aucune traçabilité dans notre base de données.Concessionnaire Citroën en Guadeloupe

Mais ça, c'est dans le meilleur des cas. Parce que pour d'autres, le combat s'avère encore plus compliqué. "Citroën, que j’appelle ce matin, m’indique que l’airbag est bien dangereux et que je fais partie de la campagne de rappel. Pourtant, on m’indique que sans courrier recommandé de Citroën, je ne peux pas changer mon airbag Takata", explique un jeune homme sur X. Un courrier qu'il n'a jamais reçu pour son véhicule d'occasion. "Ce n’est pas normal que nous devions arrêter d’utiliser notre véhicule sans réparation en roulant avec un cercueil. Faites quelque chose. Trop de scandales, et nous, le petit peuple, on doit se laisser faire sans possibilité de réponse."

Pas moins de 14 accidents mortels causés par des airbags Takata ont eu lieu dans les départements d'outre-mer. Et pour cause : pour des raisons d'humidité et de chaleur, les véhicules roulants dans ces départements sont plus exposés à ce risque.

En Guadeloupe, Evelyne, 44 ans, est décédée l'année dernière tuée par son airbag. Elle laisse trois enfants derrière elle. La mère de famille avait bien reçu une lettre pour le rappel de son véhicule, mais celle-ci est arrivée un mois après son décès. "Si on avait reçu ça avant, ça aurait peut-être pu être évité", confie Ruth, l'une des filles d'Evelyne, à Envoyé Spécial. En effet, le constructeur peut avoir du mal à remonter jusqu'aux propriétaires de véhicules d'occasion. "Notre base de données, elle est faite de nos clients. Premiers clients, premières mains, avec la facture de vente. Mais quand cette personne vend son véhicule, nous n'avons plus aucune traçabilité dans notre base de données", explique le concessionnaire Citroën guadeloupéen aux journalistes d'Envoyé Spécial. Une excuse que n'arrivent pas à entendre les familles des victimes.

Le groupe Stellantis risque gros dans cette affaire. L'UFC-Que-Choisir réclame en effet une indemnisation pour tous les automobilistes touchés, ainsi qu'une commission d'enquête parlementaire. Si le procès va jusqu'au bout, le constructeur automobile pourrait bien devoir sortir de sa poche plusieurs millions d'euros, au moins.

Aux Etats-Unis, l'équipementier Takata avait été condamné à payer un milliard de dollars pour solder le scandale de ses airbags défectueux. Outre-Atlantique, plus de 400 blessés ont été recensés et au moins 35 décès ont été attribués aux airbags défectueux de Takata.

Au début du mois de janvier, le ministère des Transports a lancé une campagne d'information, ainsi qu'un site permettant de vérifier si votre véhicule est concerné. Pas moins de 24 marques sont concernées par le rappel. Si votre véhicule a été construit entre 1998 et 2019, vérifiez votre courrier ou contactez le constructeur pour vérifier si vous êtes concerné. Si vous l'êtes, alors contactez au plus vite un réparateur/garagiste de la marque de votre véhicule afin d'effectuer un changement d'airbags. Celui-ci est entièrement gratuit et rapide. Le véhicule doit être immobilisé une demi-journée au maximum.

Selon le recensement effectué par les journalistes d'Envoyé Spécial, près de 130 modèles de véhicules - toutes marques confondues - sont potentiellement dangereux pour leurs conducteurs. Toyota, Audi, Lexus, Nissan, BMW, Volkswagen, Ford, Opel, Tesla, Honda, Jeep, LandRover, Suzuki, Mercedes, Subaru, Mazda, Skoda, Mitsubishi, Seat, Cupra, Skoda, Subaru, Toyota et même Ferrari sont concernés. D'autres s'ajoutent également à cette longue liste : Cadillac, Chevrolet, Chrysler et Jaguar. Et, toujours selon les estimations partagées dans le reportage, au moins 10% de ces voitures seraient toujours en circulation aujourd'hui.

"Je crois que c'est la seule fois où je m'estime heureux de rouler en Renault", souffle un internaute sur X. Effectivement, il existe deux marques de voitures françaises qui n'ont jamais équipé leurs véhicules d'airbags Takata : Renault et Peugeot. Pour toutes les autres, il est plus que conseillé de vérifier. Lors du tournage d'Envoyé Spécial en Guadeloupe, un nouvel airbag explose. Emilie est morte sur le coup. Pour son mari et ses enfants, c'est le choc. Au courant des défauts des airbags Takata, ils avaient vérifié la voiture accidentée, et ce même si le constructeur leur assurait qu'il n'y avait pas de rappel sur ce véhicule. Après le drame, la famille d'Emilie décide de vérifier leur autre voiture, du même constructeur. Là encore, le véhicule n'est pas concerné par la vague de rappel. Pourtant, en démontant le volant, ils y découvrent bel et bien un airbag Takata. Devant les traces de corrosion qu'il présente, la famille d'Emilie s'inquiète. "Quand on découvre ça, oui on a peur", confie sa fille. "On ne sait plus en quel véhicule, aujourd'hui, faire confiance."