Alain Chabat et les deux grands drames de sa vie : "J’étais K.O. debout, je n’étais pas du tout préparé"

CANNES, FRANCE - MAY 21: Alain Chabat attends the photocall for
Alain Chabat et les deux grands drames de sa vie : "J’étais K.O. debout, je n’étais pas du tout préparé" (Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)

Ce mercredi 23 novembre 2022, Alain Chabat est de nouveau aux commandes de son Late show sur TF1, en deuxième partie de soirée. L’occasion de faire ce qu’il fait de mieux : des vannes. Mais derrière ce tempérament rieur et facétieux se cache un homme meurtri par deux drames. La disparition brutale, à plusieurs années d’intervalles, de deux personnes chères à son coeur.

Dans le paysage médiatique français, Alain Chabat est de ceux qui bénéficient d’une grande popularité, et ce, auprès de tous les publics. Avant de réaliser ou jouer dans des films cultes, comme "La Cité de la peur", "Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" ou encore "Didier" et tant d’autres, il a fait ses armes sur Canal+, participant avec la troupe des Nuls à la création du mythique "esprit Canal", tranchant et provoc’, cynique et décadent. Dans les années 80, lui et sa joyeuse bande d’amis composée de Chantal Lauby, Dominique Farrugia et Bruno Carette, dominent le petit écran français avec leurs sketchs toujours plus lunaires. Mais tout s’arrête brutalement en 1989.

Vidéo. Retour sur la carrière d'Alain Chabat

La mort brutale de Bruno Carette a tout fait basculer

À l’été 1989, Bruno Carette contracte un virus lors d’un voyage en Egypte. Nous sommes alors en plein dans les années terribles du sida, qui fait tant de victimes et cristallise tabous et idées reçues. À son retour en France, le comédien de 33 ans ne s’inquiète pas, et choisit de se reposer chez sa mère, dans le Sud. Mais son état se dégrade rapidement. Hospitalisé en octobre à Paris, à la Pitié-Salpétrière, Bruno Carette s’éteint le 8 décembre 1989, emporté par ce qui se révèlera être une leucoencéphalopathie multifocale progressive, infection rendue possible par le sida. L’annonce de son décès a l’effet d’un cataclysme. Le public français pleure ce comédien au talent fou disparu bien trop tôt. La troupe des Nuls souffre en son for intérieur. L’un des leurs s’en est allé, et les voilà désormais comme amputés d’un membre vital. Plus rien n’a de sens. "À sa mort, on était tellement terrassés que l’on s’est arrêtés", confiait Alain Chabat en 2020 dans un entretien accordé à GQ. Comment continuer les sketchs après tant de douleur ? La tâche est insupportable, mais Alain Chabat, Dominique Farrugia et Chantal Lauby tentent de relever leurs manches. En 1990, ils reprennent du service à 3 avec "Les Nuls, l'émission" sur Canal+. Mais en 1992, c’est le coup d’arrêt : le trio, épuisé, s’arrête.

Vidéo. "Il est parti trop tôt" : Dominique Farrugia, ému, rend hommage à Bruno Carette, mort à 33 ans

Pour GQ, Alain Chabat était revenu sur cette période douloureuse : "Alain de Greef a insisté pour que l’on s’y remette. Il se foutait du projet, son seul souci, c’était clairement de nous sortir la tête de l’eau. Alors, nous y sommes retournés jusqu’en 92." Depuis la mort de Bruno Carette, l’acteur et réalisateur n’a eu de cesse d’éprouver de la culpabilité face à la maladie de son ami, si difficile à appréhender à l’époque : "La vérité, c’est que je n’étais pas du tout préparé à perdre un pote, je ne m’y attendais pas, j’étais certain que Bruno allait guérir, j’étais dans le déni. Et j’ai pris le bus dans la gueule. J’étais K.O. debout. J’ai mis beaucoup de temps à accepter sa mort. Je m’en suis voulu de n’avoir rien vu venir."

Il faut dire que Bruno Carette a eu une place particulièrement importante dans la vie d’Alain Chabat qui, au départ, n’a jamais rêvé du métier de comédien. C’est son ami qui l’a mis sur ce chemin, comme il l’expliquait en 2020 au site Première : "On s’apprêtait à jouer un sketch et je lui assurais qu’il n’y avait pas 50 manières de le faire pour que ce soit efficace et choper un rire. Lui m’a expliqué qu’au contraire, il y avait plein de manière de le faire. Et il a commencé à me montrer des pistes et des variations que je n’avais pas du tout imaginé. Il m’a ouvert le regard vers tout un tas de terrains de jeu possibles là où je ne voyais qu’un instrument d’efficacité. Tout cela, je le dois à Bruno." Après la disparition de Bruno Carette et la fin des "Nuls" sur Canal+, Alain Chabat a tenté de tromper le chagrin en se lançant dans une carrière solo au cinéma. Et des années plus tard, c’est un nouveau drame qui l’a affaibli.

Un deuxième drame et une pause dans la carrière d’Alain Chabat

Nous sommes alors en 2010. Après plusieurs succès sur grand écran, Alain Chabat réalise au Mexique le film "Sur la piste de Marsupilami" avec Jamel Debbouze, Lambert Wilson, Fred Testot, Géraldine Nakache et Patrick Timsit. Dans le même temps, en France, son père, Maurice Chabat, s’éteint à l’âge de 93 ans, dans la nuit du 18 novembre 2010. Averti quelques jours avant de son état de santé, Alain Chabat quitte tout pour se rendre à son chevet. "La production du film, très lourde, fut bouleversée par la mort de son père" expliquait L’Obs. En 2012, "Sur la piste de Marsupilami" sort dans les salles obscures. Mais Alain Chabat préfère rester dans l’ombre. Le décès de son père l’affecte profondément, si bien qu’il ne se voit plus sur les plateaux de télé ou de tournage. La douleur est trop grande. "J'ai eu besoin de prendre du recul. J'ai fait un break de tout pendant deux-trois ans. Je me suis forcé à ne rien faire, pas même écrire, ce qui ne m'était pas arrivé depuis que j'ai commencé à vivre de ce qui me plaît, en 1981" confiait-il à L’Obs en 2019, à l’occasion de son retour au cinéma dans le film d’Éric Lartigau, "#JeSuisLà".

À partir de 2019, Alain Chabat est davantage sorti de sa réserve, lui qui, jusque-là, protégeait sa vie privée. Père de trois grands enfants, Max, Louise et Lucie, il se confiait ainsi sur sa famille dans les colonnes de Psychologies : "Je ne me sens pas sans faille, mais je me sens adulte et père. Dans tout ce bordel, je crois que mes enfants ont trouvé un équilibre qui m’épate. Et ils sont très drôles. Je n’ai jamais eu d’enfant "rêvé" - dans le sens de rêver pour eux – j’aimerais juste qu’ils se réalisent pleinement. Je leur ai beaucoup dit que comme le boulot prenait du temps dans une vie, il est important d’aimer celui qu’ils vont choisir. Qu’il s’agisse de politique ou de pains au chocolat. S’ils ont envie de faire des pains au chocolat, qu’ils s’éclatent et fassent les meilleurs du quartier." Un papa qui, en surmontant les douloureuses épreuves de la vie, a aussi su montrer le chemin à ses enfants...

À lire aussi :

>> Alain Chabat évoque son rapport à la religion : "Je me sens juif, mais je ne me décrirais pas ainsi"

>> Alain Chabat : Late Show, films, âge, femme, fils… Tout savoir

>> "On est un couple ouvert, et il n'y a pas à avoir honte !" : Louise Chabat se confie sur son couple libre