EN IMAGES - Anna Karina disparaissait il y a un an : retour sur la carrière de l'actrice mythique

Photo by Jean Marie Leroy/Sygma/Sygma via Getty Images
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Il y a tout juste un an, Anna Karina nous quittait. Décédée le 14 décembre 2019 à l’âge de 79 ans, l’actrice de la Nouvelle Vague aura définitivement marqué de son empreinte le cinéma hexagonal et international pour lesquels elle est devenue une véritable icône. Retour sur la vie de la comédienne qui, tout au long de son existence, a été l’inspiratrice et la muse des plus grands.

Baptisée par Coco Chanel

Jeune Danoise débarquée à Paris alors qu’elle n’avait que 17 ans, Anna Karina a connu un premier coup de pouce du destin en croisant la route d’une légende. Alors qu’elle fréquentait à l’époque le milieu de la mode parisienne, celle qui se prénommait encore Hanne Karin Bayer rencontre un beau jour dans les locaux du magazine Elle Gabrielle Chanel, qui la remarque et s’adresse à elle. “Il y avait cette dame avec un grand chapeau, un cigare à la bouche, qui me regarde. Au bout d'un moment elle me demande en anglais - car je ne parlais pas encore français : 'What's your name little girl ?' [‘Comment tu t’appelles, jeune fille ?’, tdlr.] Je lui donne mon nom et elle me dit : 'Ah. J'ai entendu dire que tu veux être comédienne (...) Tu ne vas pas t'appeler Hanne Karin Bayer. Tu t’appelleras Anna Karina, m'a-t-elle dit sur un ton militaire”, se remémorait en 2018 l’actrice auprès de AlloCiné. Dès lors, cette dernière conservera définitivement ce nom choisi par Coco Chanel, qui deviendra pour le restant de sa vie sa nouvelle identité.

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Cette publicité qui a permis à Jean-Luc Godard de la repérer

En 1959, Anna Karina, qui est encore à l’époque une simple cover girl, fait une apparition à 19 ans dans une publicité pour Monsavon où on la découvre en train de barboter dans un bain, recouverte de mousse jusqu’au cou. Un spot publicitaire sur lequel va un beau jour tomber Jean-Luc Godard qui flashe immédiatement sur la jolie brune qu’il entend faire tourner dans son premier film, À bout de souffle, alors en train de se réaliser. Après avoir convoqué celle qui lui avait tapé dans l’œil pour lui proposer un tout petit rôle où elle devait se déshabiller, ce dernier déchante très vite. Effrayée par la proposition, la prude Anna refusera en effet tout net le rôle que le cinéaste veut lui faire jouer. Mais ce ne sera que partie remise. Car JLG la rappellera quelques mois plus tard pour lui offrir cette fois le rôle principal de son deuxième film, Le Petit Soldat, qui traite de la guerre d'Algérie et qui sera interdit à l’époque par les autorités. C’est précisément sur ce tournage que l’histoire d’amour entre le metteur en scène et la jeune femme débutera enfin véritablement.

Photo by RDB/ullstein bild via Getty Images
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La manière dont elle a appris à parler français

Ne parlant pas un mot de français lorsqu’elle débarque à Paris en 1957, Anna Karina ne mettra pourtant pas longtemps à se familiariser avec la langue de Molière. Pour apprendre le français, la jeune fille se rend régulièrement au cinéma où elle découvre les films avec Jean Gabin ou encore Gérard Philippe. “Ça coûtait dix balles à l'époque, et on pouvait rester toute la journée, jusqu'à minuit. Alors je voyais le même film cinq ou six fois de suite”, se souvient l’actrice qui apprend ainsi l'argot en même temps que le français usuel. “J'ai fini par comprendre que, quand Gérard Philippe disait ‘Bonsoir madame’, ça voulait dire à peu près la même chose que quand Gabin disait ‘Salut la vieille’, racontait-elle avec humour en 2019 à SoFilm. Plus tard, j'ai pris des leçons et Jean-Luc m'a beaucoup fait travailler aussi”.

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Ce bébé qu’elle a perdu à 7 mois de grossesse

En mai 1961, alors qu’elle tourne déjà son troisième film avec Jean-Luc Godard, la comédienne - enceinte - fait une fausse couche et frôle même de peu la mort. Âgée d’à peine 20 ans à l’époque, cette tragédie va pourtant marquer durablement sa vie et sera entre autres un des motifs de sa rupture avec le cinéaste. Si le couple vivait déjà des hauts et des bas avant ce drame, celui-ci contribuera nettement à envenimer les relations entre le réalisateur et sa muse. Et comme si un malheur ne suffisait pas, mal soignée à l’époque des faits, sa fausse couche empêchera par la suite Anna Karina d'avoir d'autres enfants.

Ce rôle qui lui a valu un scandale

En 1966, l’actrice se retrouve mêlée au scandale provoqué par un film adapté du roman de Denis Diderot qu’elle vient tout juste de tourner avec Jacques Rivette : La Religieuse. Elle y campe le rôle de Suzanne Simonin, une jeune femme de bonne famille envoyée de force au couvent pour devenir religieuse contre son gré. Considéré comme blasphématoire envers la religion catholique, notamment à cause de l’attirance amoureuse de la mère supérieure pour la jeune novice, le long-métrage est interdit de diffusion par le pouvoir gaulliste qui le juge susceptible de “heurter gravement les sentiments et les consciences d’une très large partie de la population”. “Nous n'avons pas cherché le scandale”, se défendra pour sa part le cinéaste, qui voit malgré tout son œuvre interdite aux moins de 18 ans. “La polémique autour de ce film a été atroce”, s’était souvenue Anna Karina dans une interview pour SoFilm à propos de ce brûlot anticlérical, qui verra finalement la censure être levée contre lui, seulement en 1975.

Photo by Keystone-France/Gamma-Rapho via Getty Images
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Sa rencontre musicale avec Serge Gainsbourg

En 1967, Anna Karina tourne pour la télévision la comédie Anna de Pierre Koralnik dont elle est l’héroïne principale. Film pop et musical, c’est à Serge Gainsbourg que reviendra la charge de composer toutes les chansons de ce long-métrage, dont le célèbre titre Sous le soleil exactement, que la comédienne se plaira si bien à interpréter. Du chanteur, l’actrice de Pierrot le fou garde le souvenir d’un homme “très élégant, toujours bien habillé”. Mais leur collaboration musicale ne s’en tiendra pas là. Quelques temps plus tard, inspiré par la belle Danoise, l’auteur de La Javanaise décide de chanter en duo avec elle Ne dis rien, un autre titre issu de la BO de Anna. “Gainsbourg était un cadeau”, dira la star en 2015, interviewée à la RTS. “Je suis très émue parce qu'il m'a appelée juste avant sa mort, il voulait faire un film avec moi. Le lendemain de son appel, il était mort”, confiait celle qui renouera des années plus tard avec la chanson en compagnie de Philippe Katerine, qui à son tour lui écrira un album intitulé Une histoire d'amour.

Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images
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Elle n’a rencontré son père que trois fois dans sa vie

Née à Solbjerg au Danemark le 22 septembre 1940, Anna Karina n’a pas connu une enfance très heureuse. Élevée principalement par ses grands-parents après la séparation de ses parents, elle n’a quasiment jamais connu son père. Un capitaine au long cours parti à New York pendant la guerre et qu’elle n’aura l’occasion de rencontrer que trois fois dans sa vie. Au sortir de la guerre, elle le voit tout d’abord une première fois à l’âge de quatre ans. Puis elle le revoit à Londres en 1962 alors qu’elle tourne She’ll Have to Go sous la direction de Robert Asher. Trois ans plus tard, elle le recroise enfin à Barcelone lors du tournage du Voleur de Tibidabo de Maurice Ronet. Mais à chaque fois, les retrouvailles s’avéreront plutôt décevantes pour la jeune femme. “À Londres, la première chose qu’il m’a dite c’était qu’il me manquait un bouton sur ma chemise. Ça m’a rendue folle de rage”, se souvient celle qui, au cours de leur second rendez-vous, donnera toutefois à son père son numéro de téléphone afin qu’il la contacte. “J’attends toujours son coup de fil depuis 30 ans. C’est une grande blessure”, confiera celle-ci en 2018 à Konbini.

Qui sont les autres hommes de sa vie ?

Outre Jean-Luc Godard, la star a partagé la vie d’autres hommes. En 1968, elle se marie avec l’acteur et réalisateur Pierre Fabre avec qui elle restera jusqu’en 1974. Quatre ans plus tard, elle se marie à nouveau pour la troisième fois avec Daniel Duval, un autre cinéaste avec qui elle vivra pendant sept ans avant de divorcer à nouveau. Enfin, en 1982, la comédienne fait la connaissance du metteur en scène américain Dennis Berry (fils du célèbre John Berry), qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa mort en 2019. Sous sa direction, elle tournera le film Last Song et fera également l’objet d’un très beau documentaire sobrement intitulé Anna Karina : souviens-toi, dans lequel Dennis Berry rendra hommage à son épouse qu’il a vue s’éteindre à ses côtés.

Photo by James Andanson/Sygma via Getty Images
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Ce film qu’elle a réalisé sous un pseudonyme masculin

En 1973, Anna Karina se lance à son tour dans la réalisation et tourne Vivre ensemble, un premier long-métrage qu’elle finance avec son propre argent. “À cette époque-là, je crois bien que j'étais la seule comédienne à réaliser un film”, se souvient celle qui a dû se cacher sous un pseudonyme masculin pour réussir à convaincre les gens du métier de miser sur son projet. Elle écrira ainsi un scénario sous le nom de Michel Wally, “parce que ça sonne anglo-saxon”, souligne-t-elle, avec pour but qu’on la prenne au sérieux. “Il y avait déjà quelques femmes comme Agnès Varda qui faisaient des films, bien sûr, mais une actrice, pensez donc… Dans le contexte assez macho des années 1960-1970, c’était rarissime. J’étais une des premières… Certains m’ont encouragé, mais ils attendaient de voir le résultat !”, explique la star dont le long-métrage finira malgré tout par être sélectionné au Festival de Cannes la même année.

“Des Harvey Weinstein, il en existait déjà à mon époque”

Anna Karina n’a pas attendu la vague #MeToo et #BalanceTonPorc pour avoir affaire au harcèlement sexuel qui sévit dans le milieu du cinéma. À l’aune des années 60, alors qu’elle était encore débutante dans le métier, elle se souvient avoir été confrontée à des situations particulièrement angoissantes. “Des Harvey Weinstein, il en existait déjà à mon époque”, confiait-elle en 2018 au site 20 Minutes. “Je ne vous dirai pas les noms, mais il m’est arrivée d’être reçue, quand j’étais toute jeune, par un attaché de presse nu sous son peignoir. À ses côtés, il y avait une célèbre actrice que j’ai reconnue, à moitié à poil… Je suis partie en courant au point de manquer de tomber dans les escaliers. C’est bien qu’on en parle aujourd’hui, mais ce n’est pas nouveau”, expliquait celle dont l’histoire avec Jean-Luc Godard aurait pu également démarrer sur un malentendu. Afin de trouver son héroïne pour son film Le Petit Soldat, ce dernier avait passé une annonce dans Le Film Français avec le texte suivant : “Cherche une comédienne et une âme sœur”. “En tant que Danoise, je ne savais pas ce que ça voulait dire, ‘âme sœur’. Mais quand j’ai compris que c’était assez olé-olé, ça m’a choquée”, se souvient la star qui précise que le réalisateur s’est finalement fait pardonner en arrivant à son domicile avec un bouquet de 50 roses.