Atteintes d’alopécie, ces femmes racontent leurs difficultés à se construire et à s’accepter

A young woman with alopecia. Hair loss problem, young woman from behind in profile with baldness on a beige background. Brunette shirtless woman. The concept of human support, female power, social inequality, hereditary disease, connection, mental health, acceptance, body positivity, diversity and inclusion.

SANTÉ - « J’en souffre à 52 ans, à mon âge perdre ses cheveux, ce n’est pas grave. J’ai de la chance. » Interrogé ce vendredi 3 février sur le plateau de BFM au sujet son alopécie - une pathologie qui lui a fait perdre une partie de ses cheveux, ses sourcils et sa moustache -, Édouard Philippe a dédramatisé sa situation, estimant qu’« une adolescente frappée d’alopécie à 15 ans, ce n’est pas du tout la même histoire ».

Être atteinte de cette condition dès le plus jeune âge, c’est ce qu’Alexandra, Maïwenn et Manon ont vécu. Toutes souffrent d’une forme d’alopécie depuis l’enfance et nous racontent leurs difficultés à se construire en tant que femme quand on perd cheveux, poils et sourcils.

La suite après cette publicité

L’alopécie d’Alexandra Maillard s’est déclarée quand elle avait 16 ans. « Mes copines s’occupaient de leurs cheveux. Moi, j’essayais de les cacher et d’oublier ce qui m’arrivait. J’avais une sensation de malaise, je me sentais mi-femme et je le vivais extrêmement mal », se rappelle l’infirmière Lyonnaise de 36 ans.

Elle a aujourd’hui accepté sa situation : « Parler à d’autres femmes atteintes de ce trouble m’a beaucoup aidée. » Des rencontres qu’elle a faites grâce à l’association Les Tresses, qui apporte des informations et du soutien aux femmes atteintes d’une forme d’alopécie. Car cette condition peut prendre plusieurs formes, le terme désignant seulement « une perte partielle ou totale de la chevelure », selon le site de l’association. Alexandra souffre par exemple d’alopécie androgénétique, une « perte graduelle des cheveux due à une sensibilité des follicules pileux à l’hormone androgène ».

La trentenaire n’a pas perdu la totalité de ses cheveux. Ils ont même repoussé « depuis au moins six mois ». Mais elle s’est vue devenir chauve : « Je n’ai pas eu de chute où on voyait complètement mon crâne. Mais quand on enlève des poignées de cheveux sous la douche, on se pose la question. »

La suite après cette publicité

Des pertes de cheveux traumatisantes

Depuis qu’elle a huit ans, Maïwenn est, quant à elle, touchée par une pelade - une alopécie auto-immune où les cheveux tombent sur des zones circulaires du crâne. Au début, « les pertes se cachaient assez facilement. Je mettais des bandeaux et ça repoussait au bout de quelques mois », nous glisse la jeune femme de 24 ans, avant d’admettre avoir été complexée : « Au collège et au lycée, j’étais très anxieuse. J’ai aussi eu une période de dépression. »

Son alopécie s’est exprimée par cycles : ses pertes de cheveux se sont accélérées au moment du bac, avant une accalmie durant ses études supérieures. Mais la pelade l’a frappée de manière beaucoup plus intense quand elle a commencé à travailler : « Ça a été la dégringolade. J’ai perdu mes cils, mes sourcils, énormément de cheveux et environ 80 % de ma pilosité. »

C’est aussi à la vingtaine que Manon Ferezou, atteinte d’une pelade depuis ses 5 ans, a connu une crise sans précédent. « Avant, c’était des zones que j’arrivais à cacher. Mais à 24 ans, j’ai perdu 25 % de mon cuir chevelu en deux ou trois semaines. Ça a été très traumatisant ».

La suite après cette publicité

L’épreuve du rasage

Les deux femmes ont chacune traversé l’épreuve du rasage. Une étape douloureuse et souvent traumatisante. Pour Maïwenn, elle a eu lieu quelques jours avant son mariage. « C’était très dur à accepter au début, se souvient-elle. Mon mari s’est rasé le crâne en premier, pour me dire qu’il s’en fichait. Il a ensuite rasé le mien. Je n’aurais pas pu le faire moi-même », admet celle qui a dû attendre quelques heures avant de trouver la force de découvrir son nouveau visage.

Manon a attendu huit ans après sa première grosse crise avant de franchir ce cap. « Mes cheveux tombaient partout autour de moi. Dans les couches de ma fille, dans les escaliers, le lavabo… Ça me faisait penser à une phase de décomposition » décrit la jeune maman de 32 ans, qui a aussi perdu ses sourcils et 60% de ses cils à cette époque.

L’étape du rasage a été difficile et Manon a dû descendre à Marseille avec son conjoint, chez sa sœur, pour « qu’elle [l]’aide à [se] raser ». Après cette épreuve, sa perruque est restée au placard pendant plus d’un mois : « Je ne me reconnaissais plus. J’avais besoin de faire face à cette personne. De faire exister cette femme que j’étais, la Manon chauve ».

La suite après cette publicité

« Je n’arrive pas à savoir qui je suis »

Un bouleversement qui a entraîné une dépression « rapide et sévère » chez la jeune femme, qui a ensuite redressé le cap. Ses cheveux ont légèrement repoussé depuis : « Je m’étais préparé à me dire que tous mes poils étaient partis. C’était la fin d’une attente. » Mais pour la professeure de Français, la situation est toujours difficile à vivre aujourd’hui : « Je n’arrive pas à savoir qui je suis. Je change de visage sans cesse ».

Elle s’est fait tatouer les sourcils, met parfois des faux cils et a adopté les perruques : « J’essaye de m’amuser avec mes cheveux en changeant de perruques. Il faut que ça devienne quelque chose de fun. » Maïwenn, elle, ne porte pas de perruque. Elle met parfois des turbans. La plupart du temps, elle reste tête nue.

« Perdre mes cheveux depuis petite m’a aidée, je pense. J’ai toujours su que je finirai chauve. J’avais besoin de me libérer et de l’accepter. Je me suis forcée à sortir tête nue au début. Ça a été très long », raconte la vingtenaire, avant d’évoquer un soulagement, du fait de « ne plus retrouver des cheveux partout chez soi » et parce que la pelade est assez douloureuse.

La suite après cette publicité

Les regards désagréables

Toutes les trois regrettent le regard de la société sur leur condition. Alexandra tacle les injonctions de beauté qu’elle a subies en tant que femme : « Quand j’avais 20 ans, j’avais cette représentation de la femme qui doit avoir plein de cheveux. On est encore plus soumise aux injonctions féminines à cet âge-là. Ça m’a créé mon plus gros complexe. Mais je m’y suis habituée petit à petit. »

De son côté, Maïwenn évoque « les regards désagréables qui nous fixent pendant longtemps ». Une expérience qui fait écho à celle de Manon, qui a l’impression d’être devenue « une bizarrerie ». Pour elle, il y a un travail à faire sur la représentation des femmes sans cheveux. « Il y a la femme malade, la femme badass, forte, qui se rase le crâne par choix. Mais quand on ne le choisit pas, on le subit. C’est soit un signe de soumission, soit de punition » dit-elle en évoquant tour à tour les sorcières ou les femmes tondues après la Seconde Guerre Mondiale. Et de conclure : « Être une femme qui perd ses cheveux, ce n’est pas un problème capillaire. C’est un problème identitaire et d’inclusion dans la société. »

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi