Avant la réforme des retraites, le Conseil constitutionnel a déjà censuré une loi de finances

POLITIQUE - Nouvelle étape dans le parcours de la réforme des retraites, les regards sont désormais braqués sur le Conseil constitutionnel. Neuf membres parfois appelés « sages », nommés pour un mandat unique de 9 ans, vont devoir déterminer si le contenu de la réforme et la façon dont elle a été débattue sont conformes à la Constitution. La décision est prévue pour le vendredi 14 avril.

In fine, l’instance présidée par Laurent Fabius peut valider entièrement le texte. Elle peut aussi le censurer, soit en intégralité, la réforme est alors abandonnée, soit en partie, dans ce cas seules les mesures visées sont retirées du texte.

Les oppositions ont notamment saisi le Conseil constitutionnel sur le véhicule législatif, c’est-à-dire le recours à une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFSSR) et à l’article 47-1, qui limite le débat parlementaire à cinquante jours. Si les sages concluent que cette utilisation n’est pas justifiée, la réforme pourrait être totalement censurée.

Cavaliers sociaux, multiplication des procédures…

« Une censure totale d’une loi de finance, ça n’est arrivé qu’une seule fois, en 1979 », précise Thibaud Mulier, maître de conférences à Paris Nanterre. Il s’agissait du budget présenté le gouvernement de Raymond Barre qui n’avait pas respecté le vote en deux parties : il a d’abord évalué les dépenses avant les recettes, ce qui est contraire à la Constitution. « Et comme la forme est viciée, le Conseil constitutionnel censure sans même s’exprimer sur le fond », explique le constitutionnaliste.

Mais ce n’est pas le seul point que les sages vont devoir examiner. Certaines mesures, comme l’index senior, pourraient être retoquées, au motif qu’elles sont des « cavaliers sociaux ». Pour figurer dans un PLFSSR, une disposition doit avoir un impact direct sur les dépenses ou les recettes. Or cet index, qui consiste à contraindre les entreprises à publier leur taux d’employabilité des seniors, pourrait ne pas entrer dans ce cadre.

Le Conseil constitutionnel censure régulièrement des cavaliers sociaux. Pour le dernier PLFSS, les sages en ont par exemple retoqué une dizaine, parce qu’ils n’avaient « pas d’effet ou un effet trop indirect ».

Autre point dont il sera question : la multiplication des leviers de procédure. Les oppositions dénoncent une accumulation « inédite » avec l’utilisation de l’article 47-1 mais aussi de l’article 44 de la Constitution qui déclare irrecevable un certain nombre d’amendements. Plusieurs articles du règlement du Sénat ont également été utilisés, dont le vote bloqué. La séquence parlementaire s’est terminée avec l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution par Élisabeth Borne. Tous ces instruments sont conformes à la Constitution mais leur juxtaposition pourrait avoir mis à mal l’exigence de clarté et de sincérité des débats.

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