Coachella : homophobie, prix fous... les dessous du célèbre festival
Ce vendredi 15 avril, l’édition 2022 de Coachella est lancée. Pour les rares d’entre vous qui n’ont jamais entendu parler de ce célèbre festival - et même pour les autres - Yahoo vous propose d’en explorer les coulisses, pas toujours aussi reluisantes que ce que l’on peut trouver sur Internet…
Et c’est reparti pour un tour ! Chaque année (à part en 2020 et 2021 à cause de vous-savez-quoi), neuf lettres s’incrustent de partout sur votre fil Instagram, Twitter et même Facebook : COACHELLA. C’est le nom de ce festival "de musique et d’arts" qui se tient en avril dans le désert californien depuis 1999. Cette année, du 15 au 24 avril 2022, celles et ceux qui s’y rendent pourront assister aux shows d’Harry Styles, Billie Eilish, The Weeknd ou encore Doja Cat et tant d’autres. Ils succèdent ainsi à d’autres artistes qui y ont déjà participé, à l’instar de Beyoncé, Rihanna, Justin Bieber et même les chouchous de la scène française comme Daft Punk, Christine and the Queens, Charlotte Gainsbourg ou DJ Snake. Vous l’aurez donc compris, si ce n’est pas déjà fait, Coachella c’est THE place to be au mois d’avril. Sauf qu’avec le succès viennent les polémiques. Et à ce compte-là, le festival en traîne pas mal.
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Un financement qui dérange… ou pas
Commençons par la base. À l’origine de Coachella, il y a Anschutz Entertainment Group, la société qui se charge de l’organisation du festival. À sa tête, on retrouve Philip Frederick Anschutz. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il est question d’un homme d’affaires américain particulièrement puissant. En 2020, il figure à la 41e place au classement des personnes les plus riches des Etats-Unis selon Forbes. Sauf que Philip Frederick Anschutz a plus d’une fois mis son goût pour les affaires au service de ses croyances personnelles. Et c’est là que le bât blesse. Membre de l’Église évangélique presbytérienne, le milliardaire derrière le festival de Coachella fait parler de lui en 2013. On apprend alors qu’il a fait dons de plusieurs millions de dollars à des groupes conservateurs anti-LGBTQ+, comme l’Alliance Defending Freedom (ADF) et le Family Research Council (FRC).
Philip Frederick Anschutz nie en bloc et assure qu’il "cesserait immédiatement toutes les contributions" aux groupes qui "financent des initiatives anti-LGBTQ". Tout le monde, ou presque, y a cru. Sauf que quelques années plus tard, le magazine américain Billboard met son nez dans les petites affaires de Philip Frederick Anschutz. Et surprise : les déclarations de revenus de sa société révèlent des dons faits entre 2017 et 2018 à des groupes anti-LGBTQ+. Cette fois, il s’agit de la Colorado Christian University, et d’un camp chrétien, le Sky Ranch Christian Camps. La première a menacé de suspension les étudiant.e.s LGBTQ+ qui "s’habillent ou agissent différemment du genre biologique que Dieu a créé". Le second estime que "toutes les activités sexuelles intimes en dehors des relations conjugales, à la fois hétérosexuels, homosexuels ou autres, sont immoraux et pécheurs."
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Pris la main dans le sac, Philip Frederick Anschutz, fin stratège, s’est tourné vers une autre option. En 2017, il a ainsi fait plusieurs dons à des politiciens aux idées anti-LGBTQ+, comme le sénateur Cory Gardner, fermement opposé au mariage pour tous et pro-armes, tout comme Scott Tipton, qui lui s’oppose aussi à l’avortement. Si les petites magouilles de Philip Frederick Anschutz avec la droite conservatiste américaine sont publiques depuis quelques années, les stars continuent de se rendre à Coachella. En 2019, la chanteuse Lizzo avait été interpellée par un fan sur sa participation au festival. L’artiste américaine avait alors expliqué que la plupart des organisations de ce genre sont tenues par des "millionnaires sectaires qui font des dons à des organisations sectaires" : "Je fais ce que je dois faire pour m'assurer que ma grosse voix noire soit entendue. J’ai hâte de démanteler la haine qui finance ce pays… mais d'ici là, je vais mettre de gros corps noirs, féminins, lgbtq+ sur scène et raconter nos histoires." Un avis que ne partage pas du tout Cara Delevingne. En 2017, l’actrice et mannequin exprimait publiquement son boycott de Coachella sur Instagram : "Je refuse toujours de me rendre à un festival appartenant à une personne anti-LGBT et pro-armes."
Le business juteux des stars
Mais alors, pourquoi, à l’heure de la prise de conscience des inégalités et des avancées sociétales, les stars continuent-elles de se produire à Coachella ? Outre l’aspect très jet-set du festival, et la place qu’il occupe désormais dans la pop culture, il y a évidemment la question de l’argent. En 2017, le fondateur de Coachella, Paul Tollett, expliquait que les têtes d’affiche de cette édition, Kendrick Lamar, Lady Gaga et Radiohead, étaient tous payés entre 3 et 4 millions de dollars pour leurs prestations sur scène. Pour deux concerts qui nécessitent bien moins de financement et d’énergie qu’une tournée internationale. Ajoutez à cela le prestige de l’évènement, et vous aurez un "oui" des plus grandes stars.
D’ailleurs, il n’y a pas qu’elles qui y trouvent leur compte. Dans le paysage français 2.0, les stars de Youtube ou d’Instagram ne ratent jamais l’occasion de se pavaner à Coachella. Lena Situations, Nabilla Vergara, Noholita ou Enjoyphoenix y ont déjà mis les pieds. À chaque fois, c’est essentiellement sur Instagram que ce beau monde poste des photos de tenues savamment travaillées rien que pour l’occasion. Et les marques ont très vite compris qu’un placement de produit ou simple sponsor à Coachella pourrait peut-être leur attirer davantage de visibilité. Dans les colonnes du New York Post, l’influenceuse américaine Maryam Ghafarinia, grande habituée de Coachella, a avoué qu’elle n’était jusqu’ici jamais parvenue à assister à une seule performance musicale du festival. La raison ? Il faut "courir pour créer du contenu". Toute la journée, elle s’active, change de tenues pour tourner des vidéos et se prendre en photo, puis poster le tout sur Instagram afin d’honorer ses collaborations avec des marques. "Il y a tellement de travail" assure-t-elle. D’après le New York Post, les influenceurs comme Maryam Ghafarinia peuvent gagner jusqu’à 10.000 dollars pendant le festival. Et bien sûr s'y rendre gratuitement, alors que les billets d’entrée pour un pass 3 jours sont entre 464 et 515 euros. Pour les Pass VIP, il vous faut débourser entre 970 et 1105 euros.
Coachella est un terreau fertile pour quiconque en quête d’argent et/ou de gloire. L’histoire de Charlotte d’Alessio en est d’ailleurs l’un des plus célèbres exemples. En 2015, la jeune canadienne de 16 ans est repérée à Coachella par l’objectif d’un célèbre photographe de mode. Partagée sur les réseaux sociaux, sa photo fait le buzz. Aujourd’hui, Charlotte d’Alessio est mannequin et suivie par 1 million de personnes sur Instagram. Vous l’avez compris, au fil du temps, la marque Coachella a dépassé le rang de simple festival de musique. On pourrait même oublier cette dimension si la programmation musicale n’était pas aussi prestigieuse d’année en année.
Un dress code dans le viseur
Désormais, Coachella c’est LA vitrine de l’influence. Impossible de rater cet évènement lorsque l’on a un CV 2.0. En plus des collaborations avec les marques, c’est l’occasion pour toutes et tous de sortir son look spécial Coachella. Car oui, le festival a réussi à imposer un dress code bien particulier. Un mélange entre les bases du mouvement hippie et d’autres références ethniques. C’est précisément ça qui a poussé la journaliste américaine Jessica Andrews à publier un article en 2018 baptisé : "Comment éviter l’appropriation culturelle à Coachella" sur le site de Teen Vogue. Selon elle, "certain.e.s participant.e.s de Coachella voient la mode du festival comme l'occasion - sciemment ou inconsciemment - de rabaisser les cultures pour les goûts d'Instagram." Et pour étayer ses propos, la journaliste prend l’exemple des coiffes à plumes ou les bindis qui ornent les visages de certaines festivalières et qui sont, à l’origine, des symboles qui représentent le troisième oeil sur le front des femmes sud-asiatiques. "Dans le passé, j'ai porté un costume de Pocahontas pour Halloween. C'est une erreur que je regrette, et je ne le ferai plus jamais sachant à quel point c'est blessant. L'appropriation étant un tel sujet de nos jours, il est plus facile que jamais de se renseigner sur les symboles culturels" écrit-elle.
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En 2017, c’est la journaliste québécoise, Maïtée Labrecque-Saganash, membre de la communauté autochtone de Waswanipi, qui a pris la plume dans un article publié sur le site du Journal Metro. "On le répète chaque année, mais on refuse cependant de nous écouter. C’est devenu normal de voir les festivaliers de Coachella arborer fièrement des éléments d’une autre culture, le temps d’un week-end bien arrosé. C’est quelque chose dont j’ai eu à débattre souvent, car les coiffes autochtones à plumes étaient tendance en 2012" s’indignait-elle. Et de préciser : "Même moi qui suis Autochtone, je ne peux pas ; elles sont réservées aux chefs. C’est fâchant de voir des gens se balader avec ça sur la tête quand notre culture ne nous est plus interdite depuis peu." Depuis, les consciences semblent davantage sensibilisées à ce sujet, et certains de ces accessoires ont quasiment disparu du paysage californien.
Reste à savoir ce que nous réserve cette édition 2022 du festival Coachella. Pour ce faire, rendez-vous sur les réseaux sociaux, car, finalement, c’est là que tout se passe vraiment.
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