Colère des agriculteurs en Europe : l’obligation de jachère assouplie par une exemption partielle

AGRICULTURE - L’UE sous pression. Après l’absence d’accord des 27 la semaine dernière, la Commission européenne a finalement adopté, ce mardi 13 février, une exemption partielle aux obligations de jachères qui étaient prévues par la Politique agricole commune pour l’année 2024. Il s’agissait d’une revendication clé des récentes manifestations agricoles qui ont émergé en France et ailleurs en Europe.

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La nouvelle PAC, entrée en vigueur début 2023, comporte plusieurs critères agro-environnementaux à respecter si l’on veut bénéficier des aides financières de l’Union européenne. Les agriculteurs doivent notamment laisser au moins 4 % des terres cultivables en jachères ou surfaces non productives (haies, bosquets, mares…).

Sauf que cette règle n’a pour le moment jamais été appliquée, comme nous vous l’expliquons dans notre vidéo en tête d’article : une dérogation d’un an avait été accordée début 2023 par l’UE, permettant aux agriculteurs de la contourner. Un moyen de faire face à la crise provoquée par la guerre en Ukraine. Et lors de ses récentes manifestations, une partie de la profession a réclamé la même chose pour 2024.

La pression sur le gouvernement ne faiblit pas

« Cette dérogation simplifie l’atteinte des objectifs environnementaux liés à la PAC, sans les remettre en question, tout en soutenant le potentiel de production au service de la souveraineté alimentaire », s’est félicité sur X (ex-Twitter) Marc Fesneau. Le ministre de l'agriculture se réjouit par ailleurs que « les engagements pris envers les agriculteurs français (aient) donc été tenus » et promet que « la France mettra en œuvre cette dérogation, conformément aux annonces du gouvernement ».

Une déclaration qui intervient au moment même ou deux syndicats agricoles, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs sont attendus à Matignon ce mardi 13 février pour un échange avec Gabriel Attal, dix jours après la levée des blocages. Le président du syndicat majoritaire FNSEA a prévenu que les agriculteurs étaient « prêts à repartir à l’action » si les mesures concrètes attendues du gouvernement ne sont pas au rendez-vous d’ici le Salon de l’agriculture, qui s’ouvre le 24 février.

De son côté, Emmanuel Macron recevra la Coordination rurale et la Confédération paysanne ce mercredi, puis la FNSEA et les Jeunes agriculteurs « la semaine prochaine », comme avant chaque Salon de l’agriculture, a précisé l’Élysée.

Une « exemption partielle », c’est-à-dire ?

Mais que change cette nouvelle décision de l’UE ? Concrètement, la règle a été assouplie, sans disparaître totalement. Les agriculteurs pourront ainsi toucher les aides si au moins 4 % de leurs terres sont des jachères et/ou des surfaces non productives, mais aussi les cultures intermédiaires ou fixatrices d’azote (lentilles, pois…) sans usage de produits phytosanitaires.

Les agriculteurs seront « soumis à moins de restrictions quant à la manière d’utiliser les terres arables, et cela limitera les pertes de revenus, tout en garantissant certains avantages environnementaux », puisque les pratiques listées confortent « la santé et la biodiversité des sols » tout en fixant azote et carbone, précise Bruxelles.

La Commission avait initialement proposé fin janvier un seuil de 7 % au lieu des 4 % finalement adoptés. « Il y a eu quelques changements suite aux négociations avec les États membres, la logique étant d’offrir davantage de flexibilités à nos agriculteurs », avait expliqué lundi un porte-parole de l’exécutif européen, Olof Gill.

Un recul d’ambition sur la protection de la biodiversité

Si la Commission européenne a dû décider seule de cette exemption, c’est parce que les vingt-sept n’ont pas pu tomber d’accord vendredi dernier. La proposition d’abaisser le seuil de 7 % à 4 % avait irrité certains États membres, dont l’Allemagne qui s’était abstenue de voter, tandis que l’Italie votait contre.

Alors que la proposition initiale constituait un « compromis entre intérêts économiques des agriculteurs et nécessité d’une protection accrue de la biodiversité », la modification proposée « allait dans l’autre sens (...) Il ne faut pas résoudre une crise au détriment de l’autre », avait ainsi dénoncé le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir (Verts).

La protection de la biodiversité est devenue un réel enjeu d’avenir pour le secteur agricole, à mesure que les études scientifiques se développent et alertent sur le sujet. Car au-delà de rendre les campagnes bucoliques, cette biodiversité est essentielle à la fertilité des terres et à la durabilité de l’agriculture. Mais en Europe plus de 80 % des écosystèmes naturels sont en mauvais état, en particulier à cause de l’agriculture intensive.

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