EN IMAGES - Couples mythiques : Catherine Deneuve et Roger Vadim, de l’amour au mépris
Difficile de prononcer le nom du réalisateur sans y associer celui des actrices qu’il a propulsées vers la célébrité. Au panthéon de ses muses figure en bonne place Catherine Deneuve. Ce 26 janvier, le cinéaste – décédé en 2000 – aurait fêté ses 93 ans. Retour sur une histoire d’amour commencée comme un conte de fées… Et achevée dans le dédain.
De l’ombre à la lumière
Roger Vadim fait la connaissance de Catherine Deneuve en 1961 sur le tournage du film Les Parisiennes de Marc Allégret, film dont il a écrit le sketch Sophie. Quand il la retrouve un soir à l’Epi Club, une minuscule boîte de nuit tenue par Jean Castel boulevard du Montparnasse, où se pressent les jeunes loups du cinéma français, celle-ci brille par sa discrétion. Éclipsée par la fougue étincelante de sa sœur aînée, Françoise Dorléac, qui embrase la piste de danse, elle se contente de fumer en silence des cigarettes, assise sur une banquette. “Les regards convergent tous vers sa sœur, passant à travers elle comme si elle était transparente”, reconnaîtra même plus tard le réalisateur dans ses Mémoires du diable. Pourtant, l’ex-mari de Brigitte Bardot a perçu dans la discrète jeune fille de 17 ans quelque chose que personne ne semble avoir entrevu.
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“J’ai été le seul à la trouver plus belle que sa sœur”
À l’époque, Roger Vadim, 34 ans, est au sommet de la gloire. Compagnon de route de la Nouvelle Vague – sans s’y immerger – il est, pour le grand public, le découvreur providentiel de BB, starifiée en quelques pas de mambo enflammé par le film qu’il lui a dédié : Et Dieu créa… la femme. Grand séducteur débonnaire, le réalisateur incarne à lui seul l’insouciance des Trente Glorieuses. Entre autres qualités, il est un fin observateur : alors que la plupart des hommes n’ont d’yeux que pour Françoise Dorléac, lui est frappé par la peau diaphane de sa cadette, son profil de statue antique et sa délicatesse. “J’ai aussi été le seul à la trouver plus belle que sa sœur”, écrira-t-il dans ses Mémoires. À l’exception notable de Johnny Hallyday, avec lequel la comédienne a vécu une brève histoire d’amour.
Une réputation sulfureuse
Immédiatement tombée sous le charme du metteur en scène de 15 ans son aîné, Catherine Deneuve supplie ses parents de la laisser partir vivre avec lui dans son appartement du Trocadéro. Lesquels se montrent très réticents à l’idée de voir l’une de leurs quatre filles s’en aller au bras d’un homme dont les deux précédentes épouses – Brigitte Bardot et Annette Stroyberg – l’ont quitté, dit-on, lassées des multiples aventures de leur mari…
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“La fiancée numéro trois”
À l’époque, la presse n’est pas tendre avec Catherine Deneuve. Elle se voit affublée du surnom peu flatteur de “fiancée numéro trois de Roger Vadim”, et subit la comparaison avec son illustre devancière, Brigitte Bardot. Il faut dire que “la nouvelle découverte” du réalisateur fait tout pour lui ressembler, se teignant en blonde “par amour” pour lui. Ce qui a d’ailleurs le don d’agacer sa sœur Françoise : “Jamais je ne lui pardonnerai ce qu’il lui a fait. Il lui a enlevé l’âme du corps et il l’a remplacée par une autre. Maintenant, elle ressemble plus à Brigitte Bardot et à Annette Vadim qu’à elle-même”, confie-t-elle alors à un journaliste. Pas de quoi perturber outre mesure la principale intéressée, totalement envoûtée par son compagnon.
Un amour sincère
Alors que certains verront en Catherine Deneuve une opportuniste prompte à s’abandonner dans les bras d’un faiseur de reines, la comédienne se défendra toujours de tout esprit de calcul. Comme dans cette interview accordée au Soir illustré, en 1976 : “Vadim ? Un charme fort, à coup sûr, fait de nonchalance et d'humour, alliés à une fermeté et une vigueur que j'étais loin de détenir. Un assez exceptionnel pouvoir de séduction, aussi. Je l’ai suivi. Pas dans la perspective qu'on pourrait imaginer ; j’ai suivi ‘l'homme Vadim’, et non le metteur en scène si habile à faire des vedettes.”
L’hommage du vice à la vertu
Reste que le cinéaste ne va pas tarder à placer sa muse sur le devant de la scène. En 1963, il offre l’un des deux premiers rôles de son nouveau film, Le Vice et la vertu – une adaptation libre des œuvres du marquis de Sade – à sa nouvelle compagne. Dans ce (mauvais) film, où des jeunes filles sont livrées aux désirs d’officiers nazis, Catherine Deneuve, très raide, peine à convaincre les critiques dans son incarnation de la pureté virginale. Ce qui ne décourage pas le moins du monde son Pygmalion : “J’ai fait de Brigitte et d’Annette ce qu’elles sont et je ferai la même chose pour Catherine. J’agis ainsi en partie pour m’affirmer moi-même et en partie pour affirmer mon amour pour elles”, prophétise Vadim dans Ciné Revue. Pour une fois, le réalisateur va se tromper. Lourdement.
Une grossesse et des parapluies
Le 18 juin 1963, “mademoiselle Deneuve”, comme le souligne avec perfidie la presse conservatrice, peu encline à accepter les relations hors mariage, accouche d’un garçon que Roger Vadim a tenu à prénommer Christian, comme son ami Marquand, et comme le fils de Marlon Brando. Seulement deux mois plus tard, le tournage des Parapluies de Cherbourg débute. Catherine Deneuve ne le sait pas encore, mais ce film va changer le cours de sa vie. Dans tous les sens du terme.
La consécration… Et la fin d’une idylle
En 1964, le film de Jacques Demy triomphe au Festival de Cannes, et remporte la Palme d’or. Catherine Deneuve est partout, sur la Croisette comme dans les journaux. Loin de combler son conjoint, le succès de sa femme l’accable. “J’aime les chenilles, pas les papillons”, reconnaît-il sèchement, agacé par un triomphe dont il n’est pas à l’origine. Sans surprise, le metteur en scène s’éloigne de l’actrice, et s’en va chercher l’inspiration dans d’autres bras…
L’impardonnable humiliation
En 1964, Roger Vadim tourne La Ronde, un film franco-italien dans lequel Françoise Dorléac joue un petit rôle. La sœur aînée de Catherine Deneuve ne peut alors que constater ce qui saute aux yeux de tout le monde sur le plateau : le réalisateur est follement épris de la jeune actrice américaine Jane Fonda… Et il ne s’en cache pas. Pour celle qui brille alors dans le monde entier grâce aux Parapluies de Cherbourg, c’est l’humiliation de trop. Les deux amants se séparent dans le courant de l’année.
D’autres horizons
Roger Vadim file dès lors le parfait amour avec Jane Fonda, sa nouvelle muse, qu’il propulse au rang de star internationale grâce au film Barbarella, en 1966. Ils se marient le 18 mai 1967 à Saint-Ouen-Marchefroy (Eure-et-Loir) et accueillent une petite fille, Vanessa, dans le courant de l’année. Une année au cours de laquelle Catherine Deneuve, désormais affranchie de la tutelle artistique de son premier Pygmalion, se sépare du photographe anglais David Bailey, avec lequel elle était mariée depuis 1965. Le réalisateur et la comédienne n’entretiennent alors quasiment plus aucun rapport.
Amertume et procès
Roger Vadim et Catherine Deneuve ne se réconcilieront pas. Les anciens amants auront d’ailleurs à l’avenir des mots très durs l’un envers l’autre, par presse interposée. Vadim, dans Voici, en 1993 : “Elle était convaincue d'être la seule à avoir raison et la seule capable d'assurer le bonheur des autres, à condition qu'en toutes circonstances on lui obéisse.” Deneuve, dans Ciné Télé Revue, trois ans plus tard : “Roger Vadim est le père de mon fils, une... Relation, un point c'est tout. Nous ne nous voyons jamais. Sauf pour le mariage de Christian. Là... C'était incontournable. À part cet événement familial, nous n'avons pas l'occasion de nous rencontrer, de nous fréquenter. Nos vies sont très éloignées l'une de l'autre. Et c'est bien ainsi…” Preuve de la tension encore palpable entre les ex-tourtereaux, la star intentera un procès au père de son fils lorsqu’il publiera ses Mémoires. Le prix à payer quand on s’attaque à une icône qui ne vous appartient plus…