En France, une fillette de 11 ans sommée de se changer car sa tenue "excite les garçons" au collège

Il y a quelques jours, dans la région Centre, une mère de famille a eu la surprise de voir sa fille rentrer du collège dans une tenue bien différente de celle dans laquelle elle était partie le matin même. La jeune fille, âgée de 11 ans, a été obligée de se changer car la CPE jugeait que sa tenue risquait “d’exciter les garçons”…

<a href="https://unsplash.com/@csolorzanoe?utm_medium=referral&utm_campaign=photographer-credit&utm_content=creditBadge" rel="nofollow noopener" target="_blank" data-ylk="slk:Charlie Solorzano;elm:context_link;itc:0;sec:content-canvas" class="link "><span>Charlie Solorzano</span></a>

* Dans un souci d’anonymat et pour protéger la jeune fille en question, les prénoms ont été changés et le nom de l’école concernée ne sera pas mentionné.

Victoria* a 11 ans. En début de semaine, elle a fait son entrée en 6ème, une nouvelle aventure importante, et bien souvent source de stress chez les écoliers. Mais si son premier jour en tant que collégienne s’est plutôt bien passé, le second a été nettement plus compliqué. Le matin, la fillette avait décidé de revêtir un short en jean, associé à une blouse fleurie, tenue tout à fait classique pour une enfant de son âge, et adaptée aux températures toujours très douces de cette fin d’été.

Seulement, quelques heures plus tard, elle se retrouve convoquée dans le bureau de la conseillère principale d’éducation, qui lui tend un jean et exige qu’elle se change : cette dernière considère en effet que sa tenue n’est pas correcte “parce que ça peut exciter les garçons”. Scandalisée que de tels propos soient tenus à sa fille de 11 ans, Julie*, sa mère, a pris la parole sur Twitter, dans un message relayé à près de 40 000 reprises et qui a généré plus de 2000 commentaires.

Le tweet de la maman en colère
Le tweet de la maman en colère

Une incompréhension face à l’attitude du collège

La mère en colère a accepté de témoigner auprès de Yahoo, et explique avoir contacté l’établissement de sa fille :On a refusé de nous laisser prendre rendez-vous avec la principale, et on nous a redirigé vers la CPE“, déclare-t-elle.Cette dernière a nié les propos rapportés par Victoria, à savoir que cette tenue allait “exciter les garçons”, et affirmé que selon elle, son short n’était tout simplement pas une tenue décente, comme le stipule le règlement. Sauf que ce dernier indique simplement que la tenue ne doit pas être négligée ou provocante, ce qui n’est pas le cas pour un short en jean avec une blouse fleurie ! Quand nous lui avons demandé de nous expliquer ce qu’elle entend par “correcte”, elle nous a répondu que c’était le vœu de l’équipe d’éducation de faire en sorte que les enfants s’habillent correctement afin de s’habituer au monde du travail…

En colère, Julie trouve que l’attitude de la CPE du collège a été inadaptée, et a manqué de pédagogie. Notamment à cause du fait que plusieurs collégiennes portaient des shorts, mais que seules Victoria et une autre fillette ont été contraintes de se changer, car il n’y avait pas assez de pantalons pour toutes les autres. Aujourd’hui, la mère en colère fait part de son incompréhension :Pourquoi sanctionner et humilier une enfant de 11 ans qui vient de débarquer au collège et qui ne connaît pas encore vraiment les règles, sans lui donner d’explication, alors qu’il aurait été simple d’expliquer aux enfants que c’était contraire au règlement ?“, s’interroge-t-elle. De plus, elle trouve l’argument du monde du travail particulièrement hypocrite :On parle de gamins entre 11 et 15 ans. Ils sont loin de ce genre de considération. Je trouve hypocrite de tenir ce discours, parce qu’au final, ça joue le jeu du patriarcat puisque les injonctions aux tenues correctes dans le monde du travail, ce n’est jamais qu’un contrôle sur les libertés et notamment celles des femmes.

Pour éviter des représailles à l’encontre de sa fille, Julie a préféré ne pas communiquer le nom du collège ou des responsables, mais indique avoir eu une longue conversation avec la collégienne, en compagnie de son époux :On lui a expliqué qu’on n’était pas d’accord avec le règlement, que ce n’était pas sa faute et que sa tenue était parfaitement correcte. Mais à l’avenir, nous veillerons à ce qu’elle soit dans les clous histoire qu’elle ne soit pas embêtée ou prise en grippe par la CPE.” Pourtant, cette histoire lui reste en travers de la gorge :Au final, on reste dans cette idée qu’on brime les filles, qu’on ne leur permet pas de disposer de leur image et de leur corps sans qu’on les juge provocantes ou indécentes, et ce quel que soit ce qu’elle porte (trop long ou trop court, rien ne convient au regard de la société). Tout ceci reste du sexisme, très bien intégré dans notre société.

Que disent les règlements intérieurs des collèges de France ?

Si cette histoire n’est pas très courante en France, elle fait écho aux dizaines d’affaires aux Etats-Unis, où chaque jour, des adolescentes sont renvoyées chez elles parce que leurs tenues sont jugées comme trop provocantes. De nombreux parents dénoncent d’ailleurs ces renvois, qui laissent d’après eux entendre que l’éducation des garçons est plus importante que celle des filles, et qu’il faudrait mieux éduquer les élèves “déconcentrés” par ces tenues que leurs regards déplacés n’ont pas lieu d’être.

En France, les règlements intérieurs des établissements définissent quel type de tenues est autorisé, ou non. Sur le site du Ministère de l’Éducation, la seule mention présente est la suivante :Les élèves sont tenus d’entrer au collège avec une tenue vestimentaire convenable.” Ce que signifie “convenable” ? C’est au directeur ou à la directrice de l’établissement d’en décider. Après avoir appelé plusieurs collèges un peu partout en France, on se rend cependant vite compte que la plupart des indications concernent les filles. Dans la région lyonnaise, un collège stipule que “les bretelles de soutien-gorge apparentes, les débardeurs, et les dos nus sont interdits“, de même que les jupes qui arrivent au-dessus du genou. Cette longueur est d’ailleurs citée par plusieurs établissements à Paris, Toulouse, Clermont-Ferrand ou encore à Bordeaux. A Marseille, le règlement intérieur d’un collège stipule que “les filles n’ont pas le droit de porter de leggings et doivent porter un short sous leurs jupes“. A noter que toutes ces indications concernent des établissements publics, et non privés.

Quid des garçons ? Les interdictions sont nettement moins nombreuses, puisque quelques établissements évoquent simplement le fait de “ne pas porter de jean sous les fesses“, ou encore de shorts courts, à l’exception des cours de sports. Une aberration pour de nombreux parents d’élèves, à l’instar de Yann, qui estime qu’ “encore une fois, on explique aux filles qu’elles sont à blâmer si elles se font embêter à cause de leur tenue, plutôt que de s’en prendre à leurs agresseurs.” L’argument de la tenue aguicheuse est souvent utilisé pour blâmer les victimes d’agressions sexuelles, et est intégré dès l’enfance. Il est grand temps de changer les mentalités.

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