Faustine Bollaert : "'Ça commence aujourd'hui fait de moi une maman plus inquiète"
Chaque après-midi sur France 2, elle est aux commandes de l’émission "Ça commence aujourd’hui", et de tous les témoignages poignants qu’elle recueille, Faustine Bollaert ne cesse de tirer des enseignements. C’est pourquoi elle a choisi de les partager dans le livre "Ça commence aujourd’hui" aux éditions Harper Collins. Pour Yahoo, l’animatrice qui figure au classement des personnalités télé préférées des Français s’est à son tour prêtée au jeu des confidences, touchantes et sincères, sur sa façon d’aborder son métier et d’accueillir des paroles parfois difficiles à faire entendre.
Depuis 2017, "Ça commence aujourd’hui" remue le coeur des téléspectateurs français. Chaque après-midi sur France 2, anonymes - et même parfois célébrités - viennent raconter leur histoire. Des histoires d’amour rocambolesques aux plus grands chagrins, en passant par les victoires d’une existence jalonnée de difficultés, toutes les nuances de la vie sont abordées. Face aux invités, Faustine Bollaert est parvenue à se faire une place de choix dans le coeur du public, à travers sa bienveillance et sa douceur. Et il en faut beaucoup lorsque certaines histoires douloureuses sont contées dans "Ça commence aujourd’hui". Car si elle reste toujours très professionnelle, Faustine Bollaert a plus d’une fois été happée par l’émotion sur le plateau.
"Il y a des moments dans ‘Ça commence aujourd’hui’ qui me bouleversent"
Comment faire pour se protéger de la violence de certains récits de victimes ? Pour Faustine Bollaert, "il ne faut surtout pas se blinder émotionnellement", car ce serait comme couper le lien qui l’unit aux témoins : "Il faut être en communion totale avec les invités. Si je commence à me robotiser, je pense que l’émission ne marcherait plus, il n’y aura plus cette authenticité." Depuis la création du programme, l’animatrice a réussi à appréhender ces histoires plus douloureuses que les autres. Celles qui font pleurer les téléspectateurs devant leur poste de télévision. Sur le plateau aussi, Faustine Bollaert est envahie par cette émotion. "Je suis comme vous en fait, je me prends les choses en pleine face. Il y a des moments où ça me remue, me bouleverse. La seule différence c’est que j’ai l’émission à tenir et que je vais plutôt m’écrouler un peu après, si je dois le faire" confie-t-elle à Yahoo.
Et avec le temps, Faustine Bollaert est même parvenue à mettre en place au quotidien "une forme de discipline". Cela commence par s'assurer chaque matin auprès de son mari, l’écrivain Maxime Chattam, que leurs deux enfants, Abbie et Peter, sont bien arrivés à l’école. Une fois rassurée sur ce point, Faustine Bollaert peut s’abandonner à son rôle d’animatrice. Et lorsque le thème du jour est fort, elle peut compter sur l’équipe de 'Ça commence aujourd’hui' pour revenir à une ambiance plus légère. Le soir venu, c’est avec son époux qu’elle échange sur sa journée : "J’en parle avec lui, parce qu’il y a parfois des émissions qui ont une caisse de résonance directe avec ma vie. Et je ne vais pas le dire sur le plateau" Si le dialogue fait partie de la discipline que s’impose chaque jour Faustine Bollaert, elle ne peut nier l’impact de certains témoignages dans sa vie personnelle.
Derrière l’animatrice qui entend bon nombre de récits glaçants se cache la femme, l’épouse et la maman. "Ça abime aussi, ça me rend plus inquiète, notamment tous les sujets qui traitent du harcèlement scolaire, des drames qui peuvent toucher les enfants. Ils font de moi une maman plus inquiète" admet-elle. Pour autant, d’autres récits font de l’animatrice une "femme plus optimiste". Notamment ceux qui mettent en lumière d’incroyables histoires de résilience.
Vidéo. Faustine Bollaert : "Je suis fondamentalement pour le droit de choisir la fin de sa vie"
"Je suis fondamentalement pour le droit de choisir la fin de sa vie"
Grâce à l'émission, Faustine Bollaert est aussi souvent menée à changer d’avis sur des questions particulièrement importantes, même si elles divisent encore l’opinion publique, à l’instar de l’euthanasie. Sur le plateau de l’émission, Monique avait ému les téléspectateurs en contant l’histoire de son époux qui, épuisé par la maladie, avait choisi d’avoir recours à la fin de vie assistée, légale en Suisse ou en Belgique, mais toujours interdite en France. Jusqu’alors, Faustine Bollaert s’était souvent interrogée sur le sujet, sans jamais vraiment tirer de réponse personnelle. Et puis Monique est arrivée sur son plateau, et tout a changé.
"J’ai reçu cette femme, lumineuse, souriante, qui m’a raconté non pas la fin de vie de son mari, mais sa folle histoire d’amour." se souvient-elle. Dans l'émission, Monique était ainsi revenue sur les derniers jours de son mari, rythmés par des petits moments simples en famille et la joie de pouvoir être ensemble, une dernière fois. Un récit qui a bouleversé Faustine Bollaert, allant même jusqu’à provoqué en elle un profond désir d’engagement autour de la légalisation de l’euthanasie en France : "La façon dont elle l’a raconté, du début jusqu’à la fin, avec une telle sérénité, luminosité, un tel sourire, apaisement, m’a complètement fait basculer. Moi je suis fondamentalement pour le droit à chacun de choisir la fin de sa vie. Je milite pour que ce débat devienne public en France, et qu’on puisse vraiment avancer. Parce que l’on est vraiment en retard sur ce débat-là."
Vidéo. Faustine Bollaert : "L’humanité de ce père dont le fils a brûlé et tué une jeune femme m’a émue"
"J’aurais pu donner la parole aux proches de la meurtrière de Lola, mais pas maintenant"
Un autre témoignage qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque, c’est celui de Dominique Moulinas, le papa de Matthieu Moulinas, ado de 17 ans condamné à la perpétuité en 2013 pour le meurtre d’Agnès Marin. Dans "Ça commence aujourd’hui", Dominique Moulinas était venu parler du choc et de l’effroi face à la cruauté de son fils, mais aussi de sa si difficile place de père d’un meurtrier. Un témoignage gravé dans la mémoire de Faustine Bollaert car "extrêmement rare" : "On n’entend jamais la parole des victimes par ricochet. Des proches des auteurs de crimes. Ça m’a bouleversée. Et c’était d’ailleurs assez polémique, il avait des gens à l’époque qui nous avaient reproché de lui avoir donné la parole, et c’était assez révélateur d’ailleurs."
Un sujet particulièrement difficile à aborder, et encore plus à la télévision. Doit-on vraiment donner la parole aux parents de meurtriers ? Comment faire pour ne blesser personne, et surtout pas la famille de la victime ? Peut-on pardonner son enfant, ou doit-on le renier ? Autant de questionnements qui ont traversé l’esprit de Faustine Bollaert. Car l’animatrice s’engage aussi dès qu’elle le peut. En octobre 2022, après l’abominable meurtre de la petite Lola, Faustine Bollaert a tenu à lui rendre hommage dans un texte poignant posté sur Instagram. "J’ai vraiment écrit ce petit texte en 5 minutes. Parce que, comme tout le monde, je me suis pris la réalité de cette petite fille."
Quant à savoir si elle aurait pu, comme pour le père de Matthieu Moulinas, donner la parole aux proches de la meurtrière de la petite Lola, Faustine Bollaert ne fait part d’aucune ambiguïté : "Je pense qu’il y a un temps. Et peut-être que dans des années je pourrais recevoir la famille de la meurtrière de Lola pour savoir comment eux ont vécu les choses. Ça n’est pas elle, mais l’entourage qui doit aujourd’hui être dans une souffrance infinie. Et cette souffrance-là je la respecte."
Vidéo. Faustine Bollaert veut renouer avec ses premières amours
"J'adorerais doubler un dessin animé"
Si "Ça commence aujourd’hui" cartonne toujours autant après 5 ans de diffusion, Faustine Bollaert fourmille de projets. Aux commandes d’autres émissions du service public, à l’instar de "La Boîte à secrets" sur France 3, l’animatrice se verrait bien renouer avec ses premières amours : la radio. En effet, pendant 10 ans, elle a officié au micro d’Europe 1, et cet exercice l’a toujours passionnée. Mais il y a aussi un autre projet sur lequel Faustine Bollaert aimerait plancher, pas très éloigné de la radio : "J’adore travailler ma voix, et j’adorerais qu’on me demande de doubler un dessin animé. Déjà parce que je serais l’héroïne de mes enfants, et aussi parce que c’est un exercice de comédie qui m’amuserait. J’ai fait de la comédie quand j’étais plus jeune. Je ne sais pas si j’aurais aujourd’hui les épaules larges pour faire de la fiction."
Et comme pour chacune des étapes de sa carrière, Faustine Bollaert n'hésite pas à provoquer sa chance : "C’est un peu cliché, l’animatrice télé qui veut faire de la fiction. Mais vraiment, doubler un dessin animé m’éclaterait, je jubile d’avance. S’il vous plait, proposez-le moi !" À bon entendeur !
Texte : Sarah Mannaa
Interview : Carmen Barba
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