Si, comme Gabriel Attal, vous êtes amené à manager des gens plus âgés, cette experte RH a des conseils pour vous

Pour Feirouz Guettiche, « il ne faut pas tomber dans le piège de l’essentialisation par l’âge au travail ».
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Pour Feirouz Guettiche, « il ne faut pas tomber dans le piège de l’essentialisation par l’âge au travail ».

VIE DE BUREAU - C’était prévisible, l’âge du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, a fait grincer des dents, notamment au sein de la classe politique. Manque d’expérience, « pas assez mûr », certains ministres du gouvernement Borne auraient même affirmé refuser de « bosser pour un gamin », selon des propos relayés par BFMTV.

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Si la situation est inattendue à Matignon, elle n’a rien d’exceptionnel dans la vie des salariés qui, même sans avoir fait l’École alsacienne, peuvent être amenés à manager des personnes plus âgées qu’eux – et à voir leur légitimité remise en question.

« Quoi qu’il arrive, quand une personne est nommée à un poste de management, il y a toujours des mises en cause de sa légitimité » explique au HuffPost Feirouz Guettiche, docteure en sciences du management et directrice de l’Innovation RH dans un grand groupe. « L’âge, c’est une attaque facile, surtout en France où la culture managériale a longtemps été basée sur l’ancienneté, et pas uniquement sur la performance. » Alors, comment asseoir sa légitimité au travail quand on a moins d’expérience que ses collègues ? L’experte a des conseils.

Accepter qu’une nomination entraîne des frustrations

Pour Feirouz Guettiche, la première chose à faire en cas de remous post-prise de poste est de communiquer. « Quand une personne est nommée à un poste à responsabilité, il est fréquent que ses anciens collègues ressentent de la frustration ou de la jalousie. Je l’ai aussi bien constaté dans mes recherches que dans mes expériences professionnelles. Il est nécessaire d’en parler avec eux. »

Le tout, en formulant les choses avec transparence, précise-t-elle. « On peut dire “J’ai entendu que tu voulais le poste et que tu ne l’avais pas eu”, ou “je sais que des frustrations ont suivi ma nomination”. Le plus important, c’est de ne pas faire comme si de rien n’était ».

Par ailleurs, elle rappelle que manager une équipe ne veut pas dire avoir réponse à tout, mais plutôt faire en sorte que chacun soit dans les meilleures conditions pour exercer son travail. « Il peut y avoir des personnes qui estiment que parce que leur manager n’a rien à leur apprendre techniquement, il ou elle n’est pas à sa place en tant que supérieur hiérarchique. Mais un manager, c’est un chef d’orchestre et son but, ce n’est pas de remplacer les musiciens », souligne-t-elle.

Une situation qui mérite d’être rappelée aux membres de son équipe, sans oublier de valoriser leurs compétences. Elle cite ainsi un exemple rencontré dans sa carrière de DRH. « Un salarié s’est retrouvé à manager d’anciens collègues, qui s’estimaient plus compétents que lui. Il a pris le temps d’avoir des rendez-vous individuels avec eux, et leur a dit : “ça, je l’ai appris de toi”, “pour remplir cette mission, je vais m’appuyer sur ton expertise”. »

Et si on a été recruté de l’extérieur ? Même son de cloche, pour l’experte : « Quand on arrive d’un autre endroit, on a un regard plus neuf, plus naïf. On peut tout à fait valoriser et exprimer toutes les choses positives qu’on voit dans une équipe. »

Éviter les pièges de l’essentialisation par l’âge

Elle souligne aussi les pièges de l’essentialisation en fonction de l’âge. Même s’il est très à la mode de distinguer les pratiques des générations X, Y ou Z au travail, au cas par cas, cela n’aide pas. « Certes, les générations peuvent avoir en commun des événements historiques, économiques qui influencent leur rapport au travail. Mais dire “telle personne, parce qu’elle a tel âge, s’inscrit dans tel type de rapport au travail”, ça peut être contre-productif. Les tendances de société ne sont pas des vérités individuelles sur lesquelles s’appuyer pour manager. »

D’ailleurs, selon elle, l’âge est souvent utilisé pour cacher d’autres problématiques plus difficiles à aborder et à gérer. « En mettant des soucis sur le dos de l’âge, on évite de pointer du doigt d’autres réalités : que quelqu’un n’est pas assez à l’écoute, qu’il n’y a pas assez de liens, que cette personne ne passe pas assez de temps avec ses équipes…  »

Ne pas avoir peur de dire qu’on ne sait pas

Pour Feirouz Guettiche, le pire scénario est celui de la peur. « En tant que DRH, j’ai déjà vu des jeunes managers se dire “ils vont se rendre compte que je n’ai pas assez d’expérience” et s’éloigner de leur équipe par peur de leur propre échec et par insécurité. Dans ce genre de cas, les équipes ne se sentent pas valorisées, et c’est souvent la catastrophe. » Plutôt que d’essayer de cacher ses failles, elle recommande d’admettre ce qu’on ne sait pas, tout en essayant de trouver des solutions. « Dire “je ne sais pas mais attends, on va trouver de l’aide, on va discuter, on va essayer de dénouer ce point ensemble” c’est ça, le rôle du manager. »

Le plus important pour se sentir légitime à manager des personnes plus âgées, selon l’experte ? « Ne jamais oublier d’appliquer les fondamentaux du management : humilité, empathie, écoute active, tout en assumant et valorisant les différences. » Et surtout, pour les employeurs, ne pas oublier d’accompagner les évolutions de carrière et former celles et ceux qui montent en responsabilités – quitte à prendre le risque de les voir devenir Premier ministre avant vous.

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